Par Haas Avocats
L’un des objectifs essentiels de la transition écologique est de basculer vers un modèle économique circulaire.
Que ce soit au niveau national ou européen, le législateur s’est engagé à changer notre modèle économique en un modèle plus vertueux et durable pour l’environnement, tout en maintenant notre niveau de vie.
Tous les secteurs sont concernés par cette évolution, du numérique aux véhicules hors d’usage (VHU). Mais alors pourquoi ce dernier est-il devenu le terrain d’une bataille juridique féroce entre les pouvoirs publics et les recycleurs déjà implantés sur ce marché ?
En effet déjà deux recours en annulation ont été formés par la Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage (FEDEREC) devant le Conseil d’Etat. Le premier contre le décret n°2022-1495 du 24 novembre 2022 qui met en œuvre la loi AGEC (anti-gaspillage). Le second contre l’arrêté publié le 20 novembre 2023 portant cahiers des charges des éco-organismes[1] mis en place par le décret.
Cet arrêté encadre non seulement la dépollution indispensable des VHU, mais favorise également la réutilisation des pièces.
Dans ce cadre, les éco-organismes doivent établir un état des lieux du taux d’incorporation de matières recyclées des véhicules, ainsi qu’identifier les leviers d’actions et les perspectives d’amélioration de ce taux de recyclage.
Les éco-organismes doivent également mettre en œuvre les actions nécessaires afin d’atteindre un certain nombre d’objectifs indicatifs, et notamment en matière de :
Enfin, l’éco-organisme devra réaliser un certain nombre d’études permettant de suivre l’évolution des pratiques de recyclage pour les VHU qu’il collecte, et collaborer avec le ministre chargé de l’environnement pour améliorer ces pratiques.
La loi anti-gaspillage du 10 février 2020 avait pour objectif la mise en place effective au 1er janvier 2024 d’une filière à Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) afin de s’assurer de la reprise sans frais des véhicules hors d’usage, tout en luttant contre les filières illégales de traitement de ces véhicules.
Le déploiement d’une telle filière REP visait ainsi à améliorer la qualité et les performances de traitement de VHU, en termes de dépollution, comme de valorisation des matières grâce à leur réutilisation.
A cette fin, le décret d’application n°2022-1495 publié le 24 novembre 2022 a été adopté pour mettre en œuvre cette loi. Il prévoit notamment de supprimer les agréments qui étaient jusqu’alors délivrés par les préfectures aux installations de récupération des VHU[2] (dits centres VHU), au profit d’un classement[3] au sein de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. Ce n’est que sous cette condition qu’un centre VHU pourra désormais réceptionner un véhicule hors d’usage.
Quoiqu’il en soit, deux possibilités alternatives s’offrent aux producteurs de la filière automobile, dont la responsabilité vient d’être renforcée par le décret :
Cette réforme semble permettre d’élever le modèle de l’économie circulaire en fer de lance de la filière automobile en pleine mutation. Alors pourquoi les recycleurs déjà présents sur le marché font-ils preuve de résistance ?
La Fédération Professionnelle des Entreprises de recyclage souligne les nombreux investissements déjà réalisés par les centres VHU, s’appuyant sur un modèle économique efficace : la vente de pièces détachées et de matériaux comme financement du recyclage de ces véhicules.
Or, le basculement du pouvoir de gestion de ces véhicules reviendrait à confier à certains constructeurs l’entière responsabilité de l’organisation du recyclage des VHU, tout en excluant les centres qui n’auraient pas obtenu de contrats pour traiter les véhicules.
Si la mise en œuvre de la loi par le décret et l’arrêté précités semble adaptée aux objectifs environnementaux, certains professionnels déplorent toutefois son décalage et son retard avec la réalité du secteur, ainsi que le manque d’écoute des acteurs déjà en place et opérationnels dans cette lutte sans merci contre le gaspillage.
D’autant que la France peut se féliciter d’être déjà au-dessus des seuils européens en termes de réutilisation et de recyclage des véhicules.
La Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM) semble avoir trouvé le moyen de concilier les acteurs en présence avec les dispositions légales en annonçant la création, par ses adhérents, du premier éco-organisme pour la gestion des VHU. L’objectif de la CSIAM étant de « guider ses adhérents pour assurer la transition vers une gestion responsable et efficace de la fin de vie de l’ensemble les véhicules mis sur le marché en France ». Afin de s’unir « pour assumer ses responsabilités et construire un modèle plus durable et circulaire pour l’automobile et le motocycle en France »", précise la présidente du CSIAM[4].
Cet éco-organisme aura l’avantage de s’appuyer sur les réseaux de plateformes de traçabilité des déchets tels que Tracauto et Autoeco, tout en s’associant aux acteurs de la filière du traitement de VHU déjà présents sur le marché. Affaire à suivre.
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Fort de son expérience dans le secteur automobile et l’économie circulaire, le cabinet HAAS Avocats peut vous accompagner dans vos démarches. Pour tout renseignement complémentaire sur la loi anti-gaspillage et sa mise en œuvre, n’hésitez pas à nous contacter ici.
[1] Les éco-organismes sont au centre des dispositifs de prévention et de gestion des déchets. Il s’agit d’organismes à but non lucratifs mis en place par les producteurs, importateurs et distributeurs de produits générateurs de déchets et agréés par l’Etat en application des articles L541-10 et suivants du Code de l’environnement.
[2] Ancien article R 543-162 du code de l’environnement
[3] dans la rubrique 2712
[4] Communiqué de presse de la Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle du 19 décembre 2023