Une charte pour limiter l'impact environnemental du e-commerce en France

Une charte pour limiter l'impact environnemental du e-commerce en France
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Par Rachel Ruimy et Raphaël Mourère

Le projet de la loi « Climat et Résilience » visant à accélérer la transition écologique dans tous les domaines du quotidien a été définitivement adopté le 20 juillet dernier. A été affirmée la volonté de promouvoir le e-commerce responsable, et à ce titre d’informer et de sensibiliser les consommateurs sur l’impact environnemental des solutions de livraison.

Ainsi, l’adoption d’une démarche écoresponsable devient un sujet de préoccupation de plus en plus important pour les acteurs du e-commerce.

Des engagements environnementaux : vers une norme commerciale ?

Dans ce contexte, le 27 juillet 2021, une « Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne » a été signée par certaines grandes entreprises du e-commerce, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) ainsi que la Ministre de la transition écologique et le secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Cette charte comprend un ensemble d’engagement relatifs à l’information des consommateurs sur l’impact environnemental de l’activité, la réduction des emballages et l’amélioration de la chaîne logistique.

Le respect de ces engagements environnementaux est appelé à faire l’objet d’un suivi annuel par les services de l’Etat compétents. Les signataires de la charte devront ainsi rendre compte des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus au regard de chacun des engagements. Les bilans communiqués seront publiés par les services de l’Etat.

Si aujourd’hui ces « normes » ne constituent pas encore des obligations légales à proprement parler, elles s’imposent déjà aux signataires de la charte (Fnac-Darty, Maisons du Monde, Veepee, Cdiscount, Ebay, La Redoute, Rakuten, Sensee, Groupe Rosa, SOS Accessoire, Sarenza, Showroomprivé ) qui sont des acteurs majeurs du secteur du e-commerce. Ces entreprises représentent les partenaires commerciaux de milliers de commerçants, de producteurs et de prestataires de services (en particulier dans le transport) qui seront tenus de s’aligner sur les engagements pris par ces grandes plateformes de vente en ligne. A défaut, le consommateur bientôt CONSOMM’ACTEUR privilégiera l’achat d’autres produits.

Les différents engagements de ces acteurs du e-commerce sont réunis autour de deux objectifs principaux :

  • La transformation du consommateur en « CONSOMM’ACTEUR» informé et sensibilisé sur les impacts environnementaux de ses achats en ligne ;
  • La modification de l’organisation des circuits et pratiques en faveur d’une réduction de l’empreinte carbone.

Revenons ensemble sur les différents piliers de cette charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne.

L’information du consommateur : qui est le CONSOMM’ACTEUR ?

La charte prône l’adoption d’interfaces et d’affichages visant une responsabilisation du consommateur.

Les consignes de tri et de réemploi des produits devront lui être rappelées, mais également l’impact environnemental de ses gestes et habitudes de commandes.

La commande d’un même vêtement en plusieurs tailles dans la perspective d’exercer son droit de rétractation est ainsi prise en exemple des mauvaises pratiques actuelles et illustre la nécessité de façonner un « CONSOMM’ACTEUR » au travers d’une meilleure information.

En sus des obligations d’informations précontractuelles et contractuelles déjà prévues par le Code de la consommation, les e-commerçants signataires seront tenus de fournir une information détaillée sur l’impact environnemental des produits. Ces derniers devront, à compter du 1er septembre 2022, être évalués en fonction de différents critères : leur lieu de production, leur lieu d’expédition, leur indice de réparabilité ou de leur vente en seconde main, mais aussi leur performance environnementale qui peut elle-même s’apprécier selon un cahier des charges propre à l’entreprise contrôleuse.

En outre, il doit être fournie une juste évaluation du coût environnemental de chaque mode de livraison proposé pour un produit, en mettant à l’honneur celui présentant le bilan environnemental le moins lourd[1] .

L’information suppose ainsi un traitement de la « donnée environnementale » ayant un coût économique certain pour les cybermarchands, d’autant plus qu’il peut déboucher sur des choix de consommation économiquement moins rémunérateurs pour les entreprises concernées.

Focus sur les modes de livraison

A partir du 1er janvier 2023, les signataires de la Charte s’engagent à proposer plusieurs modalités de livraison des produits.

La multiplication des responsabilités liées au transport du fait de cet engagement de diversifier les modalités de livraison doit être anticipée. Il s’agit en effet de proposer des alternatives viables qui permettront une livraison effective, en jouant sur la variation du point de livraison, du délai de livraison ou des moyens de transports sollicités.

Ainsi, le développement d’une logistique respectueuse de l’environnement est en phase de devenir un objectif fondamental, caractérisant une bonne pratique des acteurs du e-commerce.

Afin de réduire l’impact environnemental de leur activité, les signataires de la Charte mèneront une double action :

  • Réduire les emballages de livraison des produits ou des colis d’au moins 75% d’ici le 31 décembre 2024 ;
  • Favoriser les modes de livraison décarbonés, en rendant publique la proportion de véhicules à faibles émissions ou en adoptant le dispositif Fret 21 du programme EVE de l’ADEME. A ce titre, la Charte prévoit également le regroupement systématique des expéditions de produits commandés en même temps par un consommateur lorsque la logistique le permet, « sauf demande expresse du consommateur ».

Le recours à la certification

L’adoption d’une démarche écoresponsable doit être tangible. Elle doit correspondre à la réalité de l’organisation de l’activité. De fait, le recours à des tiers certificateurs est prévu par la charte dans plusieurs cas de figure.

Tout d’abord au niveau des matériaux utilisés pour l’emballage des produits livrés, ceux-ci doivent être « recyclés, recyclables ou réutilisables ou issus d’approvisionnements certifiés ».         

Ensuite, les signataires de la Charte s’engagent à faire certifier la performance environnementale de leurs activités d’entreposage réalisées dans des bâtiments neufs, en propre ou en prestation de services ; la charte mentionnant les certifications de type HQE®, ou BREEAM® ou LEED®.

La certification peut encore procéder d’une initiative de l’entreprise, en complément ou dans le cadre de la mise en place de labels propres.

La labellisation des produits via l’établissement d’un cahier des charges imposés à ses partenaires commerciaux, pourrait également permettre d’attester du sérieux de la politique environnementale menée par une plateforme e-commerce lorsque la certification n’est pas obligatoire, étant précisé que la mention « label » est légalement encadrée.

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[1] A noter que ce bilan est dressé sur la base des résultats des travaux de l’ADEME sur l’évaluation environnementale des livraisons du e-commerce.

Rachel Ruimy

Auteur Rachel Ruimy

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