Par Marie Torelli et Virgile Servant Volquin
Kiss Kiss Bank Bank, J’adopte un projet, Les Entreprêteurs… Ces noms vous semblent familiers ?
C’est tout à fait normal : selon le Cabinet Mazars, le secteur du financement participatif a dépassé le milliard d’euros de financement en France en 2020. Et la dynamique semble bien ancrée : les projections pour les prochaines années sont très positives.
La réglementation applicable à ces plateformes de crowdfunding est toutefois amenée à évoluer dès le 10 novembre prochain.
En effet, le règlement européen n°2020/1503 du 7 octobre 2020 relatif au crowdfunding a créé le statut unique de « prestataire européen de services de financement participatif » et, partant, de nouvelles règles applicables aux plateformes qui proposent de tels services.
Ces plateformes, qui seront notamment tenues d’obtenir un agrément auprès de l’autorité européenne des marchés financiers, ont donc tout intérêt à anticiper l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles afin d’assurer la conformité de leur activité.
Le cadre réglementaire actuel des plateformes de crowdfunding
En France, le cadre réglementaire du financement participatif est fixé par une ordonnance du 30 mai 2014. Celle-ci définit plusieurs statuts applicables aux acteurs du financement participatif dans le code monétaire et financier.
Les objectifs de la réglementation sont doubles :
- Mettre en place un cadre juridique stable permettant aux plateformes de limiter le risque juridique dans leur activité.
- Exercer un contrôle sur les plateformes en vue de prévenir les fraudes.
A ce jour, les opérateurs de plateforme de financement participatif choisissent entre deux statuts : celui d’intermédiaire de financement participatif (IFP) et celui de conseiller en investissement participatif (CIP) :
Statut |
Critères |
Conseiller en investissement participatif (CIP) |
Fournir des conseils personnalisés relatifs à des offres de titres de capital, de titres de créance, de minibons ou de parts sociales. |
Exercer cette activité à titre de profession habituelle. |
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Exercer cette activité au moyen d’un site Internet. |
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Intermédiaire en financement participatif (IFP) Proposent un financement sous la forme d’un prêt rémunéré ou non, ou d’un don. |
Personne morale. |
Mise en relation de porteurs de projets déterminés et de personnes souhaitant les financer. |
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Exercer cette activité à titre de profession habituelle. |
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Exercer cette activité au moyen d’un site Internet. |
Si l’activité menée par une plateforme correspond à ces critères, il lui appartient de s’immatriculer auprès de l’ORIAS, le registre des intermédiaires en assurance, banque et finance[1].
Le non-respect de cette obligation expose la plateforme à des sanctions pénales à hauteur de 5 ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende assorties de sanctions spécifiques pour les personnes physiques impliquées dans la commission de l’infraction[2].
Le règlement européen sur le crowdfunding
Le règlement européen n°2020/1503 du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entrepreneurs entrera en vigueur le 10 novembre 2021.
Il a pour objectif d’harmoniser la réglementation applicable aux opérateurs de financement participatif européens. Plusieurs raisons justifient l’intervention :
- A l’heure actuelle, la réglementation des Etats-membres sur le financement participatif est extrêmement variée.
- Certains ont adopté des règles spécifiques pour le financement participatif.
- D’autres imposent un agrément et le respect de la réglementation déjà existante de l’UE notamment les directives sur les marchés d’instruments financiers.
- Enfin, certains n’imposent tout simplement pas de réglementation, en permettant aux acteurs de développer leurs activités via un cadre dérogatoire.
- Il en résulte une quasi-impossibilité pour un opérateur national de s’étendre sur un marché de l’UE, sauf à adapter son modèle économique ou créer une filiale respectant la réglementation locale.
Le règlement s’appuie sur l’article 114 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE) qui permet de rapprocher les dispositions législatives nationales en vue de concrétiser la fusion des capitaux au niveau de l’Union Européenne.
La mise en place d’un statut unique devrait donc ouvrir des perspectives de développement accrues pour les opérateurs du financement participatif et une meilleure fluidité des flux financiers intra-européens.
Ce qui change pour les plateformes de financement participatif en novembre 2021
Le nouveau règlement relatif au crowdfunding crée le statut unique de prestataire européen de services de financement participatif.
Ce statut a vocation à s’appliquer aux opérateurs qui ont pour activité (Article 3) :
- « La mise en relation des intérêts d’investisseurs et de porteurs de projets en matière de financement d’entrepreneurs, faisant appel à une plateforme de financement participatif et consistant en l’une quelconque des activités suivantes :
- i) la facilitation de l’octroi de prêts ;
- ii) le placement sans engagement ferme, visé à l’annexe I, section A, point 7, de la directive 2014/65/UE, de valeurs mobilières et d’instruments admis à des fins de financement participatif émis par des porteurs de projets ou par une entité ad hoc, ainsi que la réception et la transmission d’ordres de clients, telles qu’elles sont visées à l’annexe I, point 1, de ladite section portant sur ces valeurs mobilières et instruments admis à des fins de financement participatif ».
L’activité de financement par dons est donc exclue du champ d’application du règlement, ce qui peut s’expliquer par sa moindre importance en proportion dans le marché du financement participatif. La réglementation nationale devrait donc subsister pour les opérateurs qui ne proposent que du financement par voie de dons.
De même, les plateformes de financement participatif permettant de financer des projets menés par des particuliers et n’ayant donc pas de visée commerciale ou entrepreneuriale ne devraient, a priori, pas être concernées par cette nouvelle réglementation.
Une ordonnance du 9 juin 2021 est d’ores et déjà venue soustraire les prestataires de services de financement participatif au sens du Règlement de l’obligation d’agrément auprès de l’AMF prévue pour les services d’investissement financier prévu à l’article L531-2 du code monétaire et financier.
Une seconde ordonnance est attendue pour finaliser la transposition en droit français.
Dans l’attente de précisions supplémentaires voici les changements apportés par le règlement pour les plateformes de financement participatif :
- La mise en place d’une procédure d’agrément auprès de l’AEMF[3].
- L’introduction d’un délai pour obtenir cet agrément : les plateformes disposent d’un an à compter du 10 novembre 2021 pour obtenir l’agrément, sans quoi elles ne pourront pas offrir des services de financement participatif en titres ou prêts en Europe[4].
- La création de deux catégories d’investisseurs: les investisseurs avertis et non-avertis. Ces derniers disposent de mesures de protection spécifiques avant de pouvoir investir[5].
- L’introduction d’un montant maximum par porteur de projet fixé à 5 millions d’euros sur 12 mois sur l’ensemble de l’UE en lieu et place du montant de 8 millions d’euros actuellement applicable[6].
Les plateformes de crowdfunding sont donc invitées à anticiper l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles et notamment à mettre à jour leur documentation afin de se conformer aux nouvelles obligations qui leur incombent.
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[1] Article L.547-4-1 et L.548-3 du code monétaire et financier
[2] Art. L.573-12 et L.573-15 du code monétaire et financier
[3] Art. 12 du règlement UE n°2020/1503 du 7 octobre 2020
[4] Art. 48 du règlement UE n°2020/1503 du 7 octobre 2020
[5] Art. 2 du règlement UE n°2020/1503 du 7 octobre 2020
[6] Art. 1 du règlement UE n°2020/1503 du 7 octobre 2020