Par Haas Avocats
Contrastes saisissants : la rigueur de Tintin et la fougue de Popeye. Pourtant, ces deux personnages partagent désormais un même destin : celui du domaine public.
Quelles sont les conséquences de cette évolution pour les ayants droit, les créateurs et le public ?
"En effet, depuis le 1er janvier 2025, aux États-Unis, les premières incarnations des célèbres personnages de Tintin et de Popeye, créées en 1929, sont tombées dans le domaine public.
Cela signifie qu'elles peuvent désormais être copiées, partagées, reproduites ou adaptées sans autorisation ni paiement aux titulaires des droits d’auteur. En droit américain, le copyright expire 95 ans après la première publication d’une œuvre si elle a été créée avant le 1er janvier 1978, et 70 ans après la première publication si elle a été créée après cette date[1].
Chaque fin d’année, le Centre d’étude du domaine public de la faculté de droit de l’Université de Duke en Caroline du Nord publie une liste des œuvres qui tombent dans le domaine public. Cependant, il faudra attendre plusieurs décennies pour que Tintin et Popeye connaissent le même sort en France.
Tintin, le reporter créé par l’auteur belge Hergé, et Popeye, le marin dessiné par l’américain Elzie Crisler Segar, sont tombés dans le domaine public américain le 1er janvier 2025
. Ces personnages ne sont donc plus protégés par les droits patrimoniaux aux États-Unis, en vertu de la Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques. Toutefois, cette exploitation doit respecter les lois en vigueur dans les autres pays, notamment en Europe.
Il est important de noter que seule la version la plus ancienne de Tintin et de Popeye est concernée. Les éléments ajoutés ultérieurement, comme les cheveux roux de Tintin apparus en 1931 ou l’épinard de Popeye, restent protégés. De même, les personnages secondaires et les marques déposées, comme « Tintin », protégées par Tintinimaginatio (anciennement Moulinsart SA), ne peuvent être utilisés librement.
En France, le domaine public se définit comme l’ensemble des œuvres de l’esprit et des connaissances dont l’usage n’est plus restreint par la loi, la durée de leur protection ayant expiré. En d’autres termes, le domaine public permet, en principe, une liberté et une gratuité d’exploitation d’une œuvre. Ainsi, l’auteur jouit toute sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire[2].
Une œuvre tombe dans le domaine public 70 ans après la mort de son auteur, calculés à partir du 1er janvier de l’année suivant son décès.
Cependant, certaines exceptions légales prévues dans le Code de propriété intellectuelle, prolongent la durée de protection de l’œuvre. Notamment pour les œuvres de collaboration, composites, collectives, anonymes et pseudonymes, ainsi que les œuvres posthumes.
Si une œuvre posthume est publiée avant l'extinction du monopole, celle-ci tombera comme l'ensemble de l'œuvre de cet auteur publiée de son vivant, après la fin de la 70ème année suivant la mort de l'auteur.
Si la première publication d'une œuvre a lieu après la durée du monopole soit plus de 70 ans après la mort de l'auteur, le texte est protégé pendant une durée de 25 ans à compter du 1er janvier suivant la date de sa publication. La personne bénéficiant de cette protection est alors le propriétaire de l'œuvre inédite et non pas les descendants de l'auteur.
En France, le droit moral[8] de l’auteur perdure au-delà des droits patrimoniaux et confère à l’auteur le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre[9].. Même après l’entrée d’une œuvre dans le domaine public, ce droit moral subsiste, obligeant à une exploitation respectueuse de l’intégrité de l’œuvre.
A titre d’illustration, depuis le 1er janvier 2025, les œuvres de Frida Kahlo et de Henri Matisse sont tombées dans le domaine public français. Mais attention, par la survivance du droit moral, cela implique nécessairement une exploitation respectueuse du droit de paternité de l’auteur et de l’intégrité de l’œuvre. Il sera donc important de mentionner le nom de l’auteur tout en prenant le soin de ne pas dénaturer l’œuvre exploitée et ce, tant dans la forme que dans l’esprit…
En conclusion, les œuvres soulèvent bien des questions complexes liées notamment à la protection de leurs droits et plus spécifiquement de leurs droits patrimoniaux, ainsi qu’aux nombreuses exceptions entourant cette notion. Il est donc crucial pour les acteurs du secteur de prendre en compte ces particularités afin de respecter les droits des créateurs et de leurs potentiels ayants-droits et d’éviter tout litige.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne les acteurs du numérique dans leur conformité à la règlementation relative à la protection des données, personnelles ou non personnelle. Pour nous contacter, cliquez ici.
[1] Copyright Term Extension Act, 1998.
[2]Art. L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle
[3] Art. L.113-2 du Code de la propriété intellectuelle
[4] Art. L.113-4 du Code de la propriété intellectuelle
[5] Art. L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle
[6] Art. L.113-6 du Code de la propriété intellectuelle
[7]Art. L.123-4 du Code de la propriété intellectuelle
[8] La protection d’une œuvre en matière de droit moral est « perpétuelle, inaliénable et imprescriptible »,
[9]Art. L.121-1 du Code de propriété intellectuelle