Par Stéphane Astier et Marie Torelli
Le 27 janvier 2021, la CNIL a, pour la première fois, sanctionné non seulement un responsable de traitement mais aussi son sous-traitant en raison de l’insuffisance des mesures de sécurité mises en place pour l’encadrement de traitements de données à caractère personnel.
Cette décision opère un revirement important.
Ce revirement doit en effet être pris en compte dans la gestion juridique des responsabilités à opérer au sein des contrats liant les responsables de traitement à leurs différents sous-traitants.
De manière incidente mais tout aussi nécessaire cette décision du 27 janvier, vient confirmer l’intervention prochaine de vague d’audits et de contrôle opérés directement par les Responsables e traitement auprès de leurs fournisseurs afin de s’assurer que ces derniers respectent leurs engagements de sécurité.
Le contexte n’est pas neutre et impose la plus grande vigilance.
Que ce soit par des clauses de limitation ou d’exclusion, les sous-traitants qui se trouvent en position de force dans les négociations contractuelles avec leurs clients ont en effet tendance à minimiser leur responsabilité au regard de la protection des données à caractère personnel.
Leur statut les y invite : ils traitent ces données pour le compte et selon les instructions du responsable de traitement.
Comment opérer un partage de responsabilité assurant la sécurité juridique des relations et tenant compte des positions de la CNIL ?
Pour répondre à cette question, il apparaît utile de revenir sur l’évolution de la position de la Commission en la matière :
Avant l’entrée en vigueur du RGPD, la CNIL avait adopté une doctrine stricte selon laquelle, même lorsque le manquement relevé était entièrement imputable à un sous-traitant, le responsable de traitement était, seul, susceptible d’être sanctionné.
Cette pratique décisionnelle peut être résumée en 5 points :
- La mise en œuvre d’audits de sécurité réalisés par le responsable de traitement[4];
- Un suivi général des actions menées par le sous-traitant caractérisé notamment par la réalisation de vérification (procédure de recette, suivi des manipulations complexes…)[5].
La décision de la CNIL fait suite à des notifications de violations de données liées à des attaques par bourrages d’identifiants (credential stuffing) sur le site Internet d’un responsable de traitement.
Ces attaques avaient ainsi permis à des personnes malveillantes d’obtenir de nombreuses données concernant les clients d’un site de commerce en ligne.
En premier lieu, la CNIL estime qu’il incombait au responsable de traitement de décider des mesures de sécurité à mettre en place pour lutter contre ces attaques et de donner des instructions à cette fin à son sous-traitant.
Cependant, et pour la première fois, la CNIL considère qu’il appartenait aussi au sous-traitant de rechercher les solutions techniques et organisationnelles « les plus appropriées » pour assurer la sécurité des données et de les proposer au responsable de traitement.
En conséquence, la CNIL a prononcé deux amendes administratives distinctes à l’encontre non seulement du responsable de traitement mais aussi de son sous-traitant et dont le montant respectif s’élève à 150 000 euros et 75 000 euros.
La CNIL précise que le montant de ces amendes a été calculé en tenant compte notamment de la responsabilité respective de chacun de ces acteurs au regard du traitement.
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Cette décision est riche en enseignements tant pour les sous-traitants, fournisseurs de solutions que pour leurs clients responsables de traitement.
Dans tous les cas, cette décision invite fortement responsables de traitement et sous-traitants à prendre toute mesures adéquates afin de :
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[1] CNIL, n°SAN-2018-010 du 6 septembre 2018
[2] CNIL, délibération n°2014-298 du 7 août 2014
[3] CNIL, délibération n°2014-298 du 7 août 2014
[4] CNIL, délibération n°2014-298 du 7 août 2014
[5] CNIL,délibération n°SAN-2018-001, CNIL, n°SAN-2017-010, 18 juillet 2017
[6] Conseil d'État, 10ème / 9ème SSR, 11/03/2015, 368748