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Soigner son e-réputation : pas toujours si simple !

Rédigé par Laurent GOUTORBE | Apr 12, 2019 11:43:54 AM

A propos de CA Paris, 22 mars 2019, RG 18-17204

Un chirurgien esthétique, mécontent de voir apparaître des avis négatifs d’internautes sur sa fiche Google My Business en février 2017, assigne la société Google en référé aux fins d’obtenir la communication des coordonnées des personnes ayant posté les avis litigieux.

Le Juge des référés ordonne effectivement à Google de communiquer les coordonnées des personnes auteurs des propos litigieux ; coordonnées qui permettent au chirurgien d’obtenir des personnes qu’elles suppriment amiablement leurs commentaires.

 

Toutefois, deux avis négatifs subsistent et deux autres apparaissent, poussant alors le chirurgien à engager une nouvelle procédure de référé en décembre 2017, visant cette fois à obtenir la suppression des avis négatifs publiés sur sa fiche Google Entreprise.

Débouté de l’ensemble de ces demandes par une ordonnance du juge des référés du TGI de Paris du 29 juin 2018, il interjette appel.

 

La société Google soulève la nullité de l’assignation, sur le fondement de l’article 53 de la loi sur la liberté de la presse, en ce qu’elle ne qualifierait pas les propos poursuivis de manière suffisamment précise et argue du fait que les seules limites à apporter à la liberté d’expression sont les délits de presse prévus et réprimés par cette loi (notamment les délits d’injure et de diffamation publique).

 

La Cour d’appel de Paris considère, à l’instar du juge des référés, que l’assignation est parfaitement valable, en ce qu’elle est fondée sur l’article 6-1-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique et de l’article 1240 du code civil et qu’elle vise à faire cesser le dénigrement dont le requérant s’estime être victime, en sollicitant du juge qu’il ordonne le retrait de trois avis dont il prétend qu’ils sont « faux » et dénigrants et qu’ils lui causent un « réel préjudice de réputation ».

La décision peut paraître surprenante sur ce point au regard de la teneur des propos qui vise d’avantage la personne du chirurgien plutôt que les services qu’il propose : « Homme désagréable, hautain, antipathique, pas à l’écoute ni disponible pour le patient », « Il est réputé très hautain et expéditif. J’ai été choquée qu’il me demande de régler avant les injections comme si j’allais m’envoler. (…) Pas du tout à mon écoute, expéditif », « Il efface les questions qui lui conviennent pas sur son site web. C’est pas digne de confiance ».

 

Toutefois, la Cour d’appel motive sa décision ainsi : « pour déplaisantes que lui apparaissent les informations publiées ou les commentaires postés dans les deux premiers avis, les propos tenus à l’égard de M. X. ne sont pas insultants, ni ne comportent d’allégations mensongères ». Elle en conclut qu’en l’absence de caractère diffamatoire des propos publiés, le chirurgien pouvait agir sur le fondement du droit commun sans devoir respecter le régime procédural dérogatoire de la loi du 29 juillet 1881.

 

Partant de ces mêmes constatations, la Cour d’appel considère pareillement que l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent n’est pas caractérisé, en jugeant que « pas plus qu’ils ne constituent une diffamation ou des injures, les commentaires publiés n’ont nullement le caractère du dénigrement. Ils relèvent plutôt de la libre critique et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un ressenti de patients déçus pour les deux premiers et d’un commentaire extérieur pour le troisième. En cela ils participent de l’enrichissement de la fiche professionnelle de l’intéressé et du débat qui peut s’instaurer entre les internautes et lui, notamment au moyen de réponse que le professionnel est en droit d’apporter à la suite des publications qu’il conteste ».

 

Cette décision illustre les difficultés parfois rencontrées par les personnes victimes d’avis particulièrement négatifs, dont il est parfois permis de douter qu’il s’agisse de vrais avis émanant de véritables clients.

Le juste équilibre entre libre critique (quelques fois, acerbe) et propos diffamatoires, injurieux ou dénigrants est soumis en dernier ressort à l’appréciation souveraine des juges du fond.

 

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