Par Anne Charlotte Andrieux et Vickie Le Bert
L’obsolescence programmée, définie à l’article L 214-3-1 du Code de la consommation, désigne l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché réduit délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
Sanctionnée par ce même article, l’obsolescence programmée est punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.L’obsolescence programmée est ainsi susceptible de viser toutes sortes de biens : machine à laver, télévision, et encore smartphones et autres terminaux numériques. Mais la fin de vie prématurée et organisée n’est pas réservée aux biens matériels : les logiciels sont également concernés par ce raccourcissement intentionnel de leur durée de vie.
L’obsolescence logicielle peut être définie comme une obsolescence trouvant sa cause dans l’indisponibilité ou le dysfonctionnement d’un logiciel. Autrement dit, les éditeurs, désireux d’en vendre toujours plus, font ainsi évoluer les versions de leurs logiciels et solutions numériques plus rapidement que nécessaire, poussant leurs utilisateurs à en changer fréquemment.
L’article L 441-2 du code de la consommation, récemment modifié par la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France permet désormais de sanctionner plus sévèrement la pratique de l’obsolescence programmée, notamment dans son versant dématérialisé :
« Est interdite la pratique de l'obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d'un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie ».
L’obsolescence programmée représente un problème majeur pour les entreprises utilisatrices du numérique. En plus de compromettre la sécurité de leur parc informatique en leur imposant des mises à jour fréquentes, l’obsolescence représente pour elles une charge financière importante. Les entreprises doivent en effet supporter les coûts liés au renouvellement de leurs matériels et à la réalisation de mises à jour fréquentes.
L’impact de l’obsolescence programmée est également environnemental. Le renouvellement permanent des matériels entraine une hausse de leur production, alors que la fabrication des équipements numériques représente à elle seule plus de 75% de l’empreinte environnementale du numérique (émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau et de ressources). Par voie de conséquence, l’obsolescence entraine également des problématiques de gestion des déchets. Le flux de déchets d’équipements électriques et électroniques, qui augmente de 2% par an en Europe, est relativement mal assimilé par la chaîne de recyclage. Encore en Europe, seuls 40% des déchets du numérique font l’objet d’un recyclage.
Le Cigref, association regroupant près de 150 grandes entreprises et administrations publiques françaises, s’est récemment emparée du sujet de l’obsolescence programmée, dénonçant plus particulièrement l’interdépendance entre obsolescence logicielle et obsolescence matérielle.
Ces deux modalités d’obsolescence sont en effet inévitablement liées : l’obsolescence logicielle, qui entraine l’inapplication de versions logicielles antérieures, pousse les propriétaires de matériels électroniques à en changer, ces derniers étant devenus incompatibles faute de supporter les dernières mises à jour.
A l’issue de leurs travaux, les membres du Cigref ont dévoilé, à la fin du mois d’octobre, deux livrables comportant diverses recommandations :
Par ses recommandations, le Cigref invite les entreprises utilisatrices du numérique à responsabiliser et à éduquer leur personnel pour parvenir, en interne, à lutter de manière efficace contre l’obsolescence logicielle et matérielle.
Les recommandations s’articulent autour de trois axes principaux :
Par ce second livrable, le Cigref formule 29 recommandations à destination des fournisseurs et constructeurs, réparties autour de quatre grands objectifs :
Ces rapports du Cigref sur l’obsolescence programmée s’inscrivent dans un contexte législatif particulier, la nécessité de lutter contre l’obsolescence programmée et les pratiques abusives de certains fournisseurs ayant récemment été appréhendée par le législateur.
Promulguée le 10 février dernier, la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire (dite loi AGEC), fait de la lutte contre l’obsolescence programmée un de ses objectifs principaux, rendant notamment obligatoire l’application d’un indice de réparabilité sur cinq catégories de produits, dont les smartphones et ordinateurs portables.
La loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (REEN), promulguée le 15 novembre dernier, prévoit-elle aussi toute une série de mesures destinées à encadrer l’obsolescence logicielle, à valoriser les équipements numériques et à rallonger la durée de vie des produits. A titre d’exemple, cette loi vient interdire aux fabricants d’empêcher la restauration de l’ensemble des fonctionnalités d’un terminal réparé ou reconditionné par les utilisateurs.
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[1] LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire