Règlement MiCA : réguler la finance numérique et les cryptoactifs

Règlement MiCA : réguler la finance numérique et les cryptoactifs
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Par Gérard Haas, Irène L'Homme et Marie Torelli

Le 10 octobre 2022, la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen (ECON) a validé le projet de règlement portant sur les marchés de cryptoactifs (Markets in Crypto-Assets, MiCA).

Si ce texte n’entrera en application qu’à partir de 2024, les acteurs du secteur ont toutefois intérêt à anticiper leurs obligations.

Qu’est-ce que le Règlement MiCA ?

La règlementation MiCA a pour but de réguler la finance numérique, et notamment les cryptoactifs non couverts par la législation existante de l’Union afin d’assurer une stabilité financière, plus de sécurité juridique et la protection des consommateurs.

Elle vise à créer un cadre européen qui permette à la fois la création de marchés de cryptoactifs, la tokénisation des actifs financiers traditionnels, et un recours plus massif aux registres distribués (DLT) dans les services financiers.

Par ailleurs, un cadre clair devrait permettre aux prestataires de services sur crypto-actifs de développer leur activité dans un contexte transfrontière et faciliter leur accès aux services bancaires.

Quels seront les principaux apports du Règlement MiCA ?

Encadrer les cryptoactifs qui ne sont pas couverts par la législation existante

L’article 1er de la proposition dispose que le règlement s’applique :

  • Aux émetteurs de cryptoactifs ;
  • Aux prestataires de services sur cryptoactifs.

Les cryptoactifs sont définis comme « une représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ».

Cette définition se différencie de la définition des jetons posée par l’article L552-2 du code monétaire et financier dans la mesure où elle ne renvoie pas uniquement à la représentation de droits, mais également à la représentation d’une valeur.

Le règlement ne s’applique toutefois pas aux cryptoactifs qui remplissent les conditions pour être considérés comme (i) des instruments financiers (titres financiers, contrats financiers) ; (ii) de la monnaie électronique, sauf lorsqu’ils remplissent les conditions pour être considérés comme des jetons de monnaie électronique (iii) aux dépôts ou encore (iv) aux titrisations.

Encadrer les jetons de valeur ou « stablecoins », utilisés comme moyens de paiement

Parmi les jetons de valeur, la règlementation distingue deux sous-catégories :

  • Les jetons se référant à d’autres actifs : Ces jetons visent à maintenir une valeur stable en se référant à plusieurs monnaies ayant cours légal, à une ou plusieurs matières premières, à un ou plusieurs cryptoactifs, ou à un panier de ces actifs. Ils ont vocation à être utilisés comme moyen de paiement pour l’acquisition de biens ou de services et comme réserve de valeur.
  • Les jetons de monnaie électronique : Ces jetons sont destinés essentiellement à constituer un moyen de paiement dans le but de stabiliser leur valeur en se référant à une monnaie fiat (ayant cours légal) unique. La fonction de ces cryptoactifs est très semblable à celle de la monnaie électronique[1]. A l’instar de la monnaie électronique, ces cryptoactifs constituent des substituts électroniques des pièces et des billets de banque et sont utilisés pour effectuer des paiements.

Toutefois, les détenteurs de monnaie électronique bénéficient d’un droit de créance sur l’établissement et ont un droit contractuel de demander le remboursement à tout moment, dans la monnaie fiat ayant cours légal. En revanche, certains cryptoactifs se référant à une monnaie fiat unique ayant cours légal ne procurent pas à leur détenteur ce type de créance sur les émetteurs de ces actifs et pourraient donc ne pas relever du champ d’application de la directive précitée.

Le Règlement MiCA vise ainsi à élargir la définition de jetons de monnaie électronique afin d’englober tous les types de cryptoactifs se référant à une monnaie fiat unique ayant cours légal, et d’imposer aux émetteurs de prévoir un droit de remboursement des cryptoactifs détenus.

Réguler les émetteurs de cryptoactifs et les offres au public de jetons

Les émetteurs de cryptoactifs, qui ne sont pas des jetons se référant à d’autres actifs ou des jetons de monnaie électronique, doivent notamment :

  • Être des entités juridiques ;
  • Se soumettre à des obligations (loyauté, honnêteté, gestion de conflits d’intérêts…)
  • Rédiger, notifier et publier un Livre blanc, lequel doit contenir un certain nombre d’informations sur l’offre.

Cette obligation n’est pas sans rappeler le Règlement 2017/129 dit Prospectus, concernant les offres au public de valeurs mobilières. Toutefois, à l’inverse du prospectus, le livre blanc n’est pas soumis à l’approbation des autorités financières (AMF), il est toutefois obligatoire, à l’inverse du dispositif actuel de visa optionnel[2].

Le Règlement MiCA s’inspire en effet de la règlementation financière en ce qui concerne les offres au public de titres financiers[3], et exempte ainsi :

  • Les offres adressées à moins de 150 personnes (cercle restreint d’investisseurs) ;
  • Les offres dont le montant total n’excède pas 1 million d’euros sur une période de 12 mois ;
  • Les offres adressées à des investisseurs qualifiés.

Les règles afférentes aux offres au public de cryptoactifs ne sont toutefois ni applicables aux « cryptoactifs uniques et non fongibles avec d’autres cryptoactifs », ce qui exclut les jetons non fongibles (NFT) du Règlement, ni aux cryptoactifs offerts à titre gratuit.

Enfin, ces offres doivent prévoir un droit de rétractation de 14 jours calendaires pour les consommateurs.

Les émetteurs de jetons se référant à d’autres actifs devront obtenir un agrément auprès de l’AMF, sauf si leur offre est inférieure à 5 millions sur une période de 12 mois, ou adressée à des investisseurs qualifiés. Cet agrément se distingue de l’agrément imposé aux prestataires de services sur actifs numériques.

Ces émetteurs de jetons seront soumis à certaines obligations s’agissant de leurs communications commerciales, du contenu de leur livre blanc, de la gestion des conflits d’intérêts, de leur dispositif de gouvernance, d’exigences de fonds propres, etc.

Enfin, les émetteurs de jetons de monnaie électronique devront être agrées en tant qu’établissement de crédit ou établissement de monnaie électronique au sens de la directive 2009/110/CE précitée. Par ailleurs, les jetons de monnaie électronique devront impérativement conférer à leurs détenteurs un droit de créance sur l’émetteur.

Elargir les services visés par l’agrément obligatoire en tant que Prestataires de Services sur Actifs Numériques

Les services sur actifs numériques visés par l’agrément obligatoire de l’article 55 de la proposition sont désormais :

  1. La conservation et l’administration de cryptoactifs pour le compte de tiers ;
  2. L’exploitation d’une plate-forme de négociation de cryptoactifs ;
  3. L’échange de cryptoactifs contre de la monnaie fiat ayant cours légal ;
  4. L’échange de cryptoactifs contre d’autres cryptoactifs ;
  5. L’exécution d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers ;
  6. Le placement de cryptoactifs ;
  7. La réception et la transmission d’ordres sur cryptoactifs pour le compte de tiers ;
  8. La fourniture de conseils en cryptoactifs.

 Le placement de cryptoactifs est défini comme « la commercialisation de cryptoactifs nouvellement émis ou de cryptoactifs déjà émis mais qui ne sont pas admis à la négociation sur une plate-forme de négociation de cryptoactifs, auprès d’acheteurs donnés et qui n’implique pas d’offre au public ni d’offre aux détenteurs existants de cryptoactifs de l’émetteur ».

Cette définition élargit ainsi le cadre réglementaire à tout type de vendeur et places de marché commercialisant des cryptoactifs.

Les prestataires souhaitant obtenir un agrément devront justifier de nombreuses garanties (fonds propres, assurance, compétence, sécurité, etc.).

Prévenir les abus de marchés impliquant des cryptoactifs

La règlementation impose aux émetteurs et/ou aux prestataires de services sur actifs numériques qui accomplissent des actes concernant des cryptoactifs admis sur des plateformes de négociation (ou dont l’admission est sollicitée) un certain nombre d’obligations et d’interdictions, reprises pour l’essentiel de la Directive 2014/65/UE dite « MIF2 ».

Les acteurs auront ainsi l’obligation de publier les informations privilégiées, et interdiction de se livrer à des manipulations de marché, ou délits d’initiés.

 

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[1] Telle que définie à l’article 2, point 2), de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil.

[2] Article L552-4 du code monétaire et financier

[3] Article L411-2 du code monétaire et financier

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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