Par Rachel Ruimy et Gérard Haas
Au cours du premier trimestre 2022, le secteur du e-commerce a enregistré une croissance de 11,8 % par rapport au 1er trimestre de l’année 2021 en atteignant des dépenses d’un montant total de 32,5 milliards d’euros[1].
Concernant la législation applicable et plus précisément les obligations issues du Code de la consommation, l’année 2022 est marquée par de nombreux changements impactant directement la vente à distance.
En sus des modifications importantes portant sur la garantie légale de conformité et ses modalités de mise en œuvre applicables depuis le 1er janvier 2022, les acteurs du e-commerce et des plateformes en ligne sont désormais directement impactés par la réforme OMNIBUS.
Si certaines mesures sont effectivement des nouveautés, de nombreuses dispositions ne sont que le prolongement d’obligations préexistantes, qui étaient déjà à la charge de tout opérateur de plateforme en ligne depuis 2016[2].
Revenons ensemble sur les principaux points de contrôle à opérer pour déterminer votre niveau de conformité vis-à-vis de la Réforme OMNIBUS.
En complément de la définition classique de l’opérateur de plateforme en ligne prévue par l’article L.111-7 du Code de la consommation[3], il est précisé que l’opérateur de place de marché est un professionnel qui fournit une place de marché en ligne aux consommateurs au sens de l’article L.111-7 I 2° du Code de la consommation.
A ce titre, le nouvel article liminaire du Code de la consommation issu de la directive OMNIBUS précise qu’une place de marché en ligne est « un service utilisant un logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte, qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d'autres professionnels ou consommateurs ».
Si votre activité caractérise une place de marché en ligne, il conviendra de mettre en œuvre les obligations à votre charge en tant qu’opérateur de plateforme en ligne.
L’actuel article L.121-3 du Code de la consommation prévoit des pratiques commerciales dites par omission dans le cas où le professionnel omet, dissimule, ou fournit de façon inintelligible, ambigüe ou à contretemps une information substantielle[4].
En application de la Réforme OMNIBUS, à compter du 28 mai 2022, dans toute communication commerciale mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, le professionnel devra également indiquer aux consommateurs les informations substantielles suivantes :
Si vous êtes opérateur de place de marché en ligne :
La qualité du vendeur: « La qualité de professionnel ou non du vendeur qui propose des produits sur une place de marché, telle qu’elle a été déclarée à l’opérateur de la place de marché en ligne » ;
Les informations relatives aux paramètres permettant de déterminer le classement des produits présentés aux consommateurs sur une interface en ligne : « Lorsque le consommateur peut rechercher des produits offerts par différents professionnels ou par des particuliers à partir d'une requête consistant en un mot clé, une phrase ou la saisie d'autres données, sont réputées substantielles les informations mises à sa disposition concernant les principaux paramètres qui déterminent le classement des produits qui lui sont présentés et leur ordre d'importance. Ces informations doivent figurer dans une rubrique spécifique de l'interface en ligne, directement et aisément accessible à partir de la page sur laquelle les résultats de la requête sont présentés ».
Que vous soyez opérateur de place de marché en ligne ou e-commerçant :
« Lorsqu'un professionnel donne accès à des avis de consommateurs sur des produits, les informations permettant d'établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit sont réputées substantielles ».
A défaut de communication de ces informations substantielles, la pratique commerciale trompeuse pourrait ainsi être caractérisée.
En sus des pratiques réputées trompeuses en toutes circonstances déjà listées à l’article L.121-4 du Code de la consommation, en application de la réforme OMNIBUS, les quatre nouvelles pratiques suivantes pourront être caractérisées à compter du 28 mai 2022 :
Si vous êtes opérateur de place de marché en ligne :
Que vous soyez opérateur de place de marché en ligne ou e-commerçant :
Les sanctions en cas de nouvelles pratiques réputées commerciales trompeuses
En cas de caractérisation de pratique commerciale trompeuse commise vis-à-vis de consommateurs, de non-professionnels, ou de professionnels, le e-commerçant ou l’opérateur de plateforme en ligne pourra être sanctionné par 2 ans d’emprisonnement, une amende de 300.000 euros (1,5 millions pour une personne morale). Le montant de l'amende peut être également être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit ainsi que les différentes peines complémentaires applicables[5].
Par ailleurs, à compter de mai 2022, conformément à la directive OMNIBUS, le nouvel article L.132-1 A du Code de la consommation prévoit une nouvelle amende civile applicable en cas d’infraction de grande ampleur ou d’infraction de grande ampleur à l’échelle de l’Union Européenne.
En application de la Réforme OMNIBUS, à défaut de fourniture, à titre précontractuel, de manière lisible et compréhensible, des informations relatives à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité [modifiée depuis le 1er janvier 2022] et la garantie légale des vices cachés, le professionnel pourra désormais encourir une sanction administrative de 75.000 euros en tant que personne morale et de 15.000 euros en tant que personne physique[6].
La directive OMNIBUS est venue renforcer les sanctions pouvant être prononcées à l’encontre d’un professionnel qui, dans les contrats conclus avec des consommateurs, continue de recourir dans des contrats identiques, à des clauses contractuelles qui ont été jugées abusives, par une décision de justice devenue définitive à son égard.
Dans ce cas, le professionnel personne morale encourt désormais une amende de 75.000 euros en lieu et place de l’amende de 15.000 euros.
Par ailleurs, l’infraction de grande ampleur pourrait également être retenue à ce titre.
En application de la Réforme OMNIBUS, les contrats par lesquels le professionnel, e-commerçant ou opérateur de plateforme en ligne, fournit au consommateur un contenu numérique sans support matériel ou un service numérique et pour lesquels le consommateur lui fournit ou s’engage à lui fournir ses données à caractère personnel [sauf si ces données sont exclusivement traitées pour la fourniture dudit service ou pour satisfaire à ses obligations légales] devront respecter l’ensemble des obligations encadrant les contrats conclus à distance[7].
En cas de conclusion de contrats de fourniture de contenus numériques sans support matériel, votre politique de rétractation devra être mise à jour au regard des nouvelles dispositions issues de la Réforme OMNIBUS.
Le e-commerçant devra ainsi veiller à encadrer précisément :
A compter du 28 mai 2022, pour promouvoir ses opérations promotionnelles, tout professionnel devra indiquer en cas d’annonces générales de réduction de prix, le prix de référence, c’est-à-dire le prix le plus bas pratiqué sur une période de 30 jours précédant la réduction.
A défaut, une pratique commerciale trompeuse pourra être caractérisée.
En tant qu’e-commerçant, il convient donc d’analyser précisément le type d’opération promotionnelle envisagée afin de déterminer dans quelle mesure elle doit être conditionnée à l’affichage d’un prix de référence.
Certaines exceptions ou aménagements sont prévus notamment dans le cadre des réductions sur des produits périssables frais, en cas de réductions de prix successives et pour la comparaison de prix avec ceux d’autres concurrents.
En tout état de cause, les opérateurs de place de marché, qui ne commercialisent pas effectivement des produits, ne sont pas concernés par cette nouvelle obligation issue de la Réforme OMNIBUS.
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Vous êtes un e-commerçant ou un opérateur de plateforme en ligne et vous vous interrogez sur vos nouvelles obligations dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive OMNIBUS ? Vous souhaitez vérifier que votre site est en conformité avec la réglementation applicable ?
Le Cabinet HAAS Avocats est à votre disposition pour vous accompagner sur les aspects e-commerce de votre activité. Pour nous contacter, cliquez-ici.
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[1] Bilan du e-commerce au 1er trimestre 2022 – FEVAD – 19 mai 2022
[2] Loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 et articles L.111-7 et suivants du Code de la consommation
[3] « I.- Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : 1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ».
[4] L’actuel article L.121-3 du Code de la consommation prévoit déjà que : « Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes : 1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ; 2° L'adresse et l'identité du professionnel ; 3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ; 4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ; 5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi. »
[5] Prévues par l’article L.132-3 du Code de la consommation
[6] Nouvel article L.131-1-1 du Code de la consommation - En lieu et place des sanctions respectives de 3.000 euros pour une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale
[7] Article L.221-1 du Code de la consommation
[8] Nouvel article L.221-26 du Code de la consommation