Par Gérard Haas et Axelle POUJOL
La technique de reconnaissance faciale, définie par la CNIL[1] comme une technique permettant d’authentifier l’identité d’une personne ou de l’identifier parmi un groupe d’individus à partir d’une base de données, séduit de plus en plus d’Etats.
Le 13 janvier dernier, Moscou a annoncé la généralisation dans sa ville des systèmes de reconnaissance faciale. Sur sa messagerie VKontakte, le maire de la ville, Serguei Sobianine, a indiqué que « les criminels vont s’éloigner de Moscou et ne pourront plus se cacher chez nous »[2].
Testée pendant la Coupe du Monde de 2018, la technologie de reconnaissance faciale permet notamment de reconnaitre en une fraction de seconde un individu parmi des centaines de milliers fichés sur une base de données. 7000 nouvelles caméras équipées du logiciel de reconnaissance faciale viennent donc s’ajouter aux 167 000 équipements vidéo déjà en activité au sein de la capitale russe, pour les 12 millions de moscovites.
Les russes entendent conserver leur leadership sur le marché de la reconnaissance faciale, notamment en s’appuyant sur leurs experts, formés à l’université Lomonossov et mondialement reconnus. Ntechlab, start-up russe du secteur, qui va répondre à l’appel d’offres de Moscou, a été distinguée à deux reprises par l’institut national américain de la technologie (NIST), référence en la matière, pour la fiabilité et la puissance de ses logiciels.
Moscou rejoint ainsi les grandes métropoles chinoises, pionnières dans l’exploitation de cette technologie. En 2018, la Chine disposait de près de 200 millions de caméra, dont 20 000 capables d’analyser les visages des passants. Ces dispositifs servent d’ores et déjà à payer dans les magasins et pourraient être utilisés pour suivre, en temps réel, les mouvements de plusieurs dizaines de millions d’individus[3].
Si ces technologies sont utilisées dans le domaine civil par les GAFAM[4] par exemple (reconnaissance faciale d’Apple pour l’IOS 10, le capteur Kinect de Microsoft, le FaceNet utilisé dans Google Photos, le DeepFace pour Facebook), elles sont cependant source de polémiques : le 17 janvier 2019, 85 ONG consacrées aux droits humains et aux libertés publiques ont alerté ces entreprises sur les dangers de vendre ce type de technologies aux Etats[5].
Ces technologies séduisent en effet de plus en plus d’Etats pour un usage public. En France, dès 2016, la ville de Nice avait testé un dispositif de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale en vue de l’Euro de football devant s’y dérouler cette année-là[6]. En 2018, Gérard Collomb, alors ministre de l’intérieur, n’avait pas caché son intention de généraliser l’utilisation de cette technique pour les services de l’Etat, notamment de police et militaires.
La CNIL, associée à la surveillance des évolutions en la matière, considérant que l’éventuelle utilisation de cette technologie comporterait le risque de remettre en cause la liberté d’aller et venir anonymement et porterait atteinte à la vie privée des individus, notamment en raison du « caractère intrusif » d’un tel procédé, a émis des réserves très rapidement sur ce sujet.
Avec l’arrivée du nouveau règlement européen sur la protection des données[7], l’utilisation des données biométriques, données utilisées dans les systèmes de reconnaissance faciale, est très strictement encadrée. Ainsi, la CNIL, pour la mise en place de projet recourant à ce type de technologie, recommande a minima la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD / PIA).
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[1] https://www.cnil.fr/fr/definition/reconnaissance-faciale
[2] http://www.lefigaro.fr/international/2019/01/16/01003-20190116ARTFIG00262-moscou-devient-la-vitrine-de-la-reconnaissance-faciale.php
[3] https://mrmondialisation.org/les-cameras-de-surveillance-a-reconnaissance-faciale-arrivent-en-france/
[4] Google Amazon Facebook Apple Microsoft
[5] https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/01/16/reconnaissance-faciale-amazon-microsoft-et-google-sommes-de-ne-pas-vendre-leur-technologie-aux-etats_5409971_4408996.html?xtmc=reconnaissance_faciale&xtcr=2
[6] https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/premiere-en-france-un-systeme-de-videosurveillance-avec-reconnaissance-faciale-nice-1460715907
[7] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016R0679