Par Gérard HAAS et Olivier PREVOST
« L’Internet Protocol TeleVision ou, IPTV, est le fait d’accéder à des canaux de télévision avec internet[1] ». Plus exactement, il s’agit d’un boîtier permettant de transformer le signal reçu par internet en information pouvant être lue sur une télévision ou un smartphone. Cette technologie rencontre un succès certain auprès des utilisateurs puisque c’est le premier mode de réception de la télévision dans les foyers français en 2018[2].
Modes de réception de la télévision dans les foyers français en 2018
Dans le domaine de l’audiovisuel, les bouquets d’offres et les boîtiers de décodage existent depuis longtemps. La spécificité technique du boîtier IPTV ne change pas la pratique commerciale déjà établie. Ainsi, le cadre juridique reste classiquement celui d’un contrat de prestation de service entre le fournisseur et l’utilisateur.
L’IPTV n’est pas une technologie illégale en tant que telle. En revanche, le boîtier peut être utilisé illégalement par un procédé de captation qui « consiste à intercepter et à détourner les flux télévisuels qui circulent sur internet pour en donner l’accès à des abonnés[3] ».
Est-il possible de commercialiser un boîtier proposant un accès à des flux vidéo acquis de manière illicite ? Saisie de la question, la CJUE[4] a rendu un arrêt le 26 avril 2017[5], où elle décide que « la vente d’un lecteur qui permet de regarder du streaming illégal sur un écran de télévision est constitutive d’une violation du droit d’auteur[6] ». Par conséquent, le vendeur d’un boîtier illégal se rend coupable de contrefaçon de droit d’auteur.
Du côté des ayants droits, la résistance s’organise. L’ALPA[7], créé en 1985, œuvre pour la protection des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. L’un des succès marquants de cette association est la fermeture en 2017 du site ARTV[8], qui diffusait en live des contenus obtenus illicitement. En outre, la vente de ces boîtiers illégaux a fortement diminué. Les « sites marchands, comme Amazon et eBay […] sont très réactifs et on ne voit pratiquement plus d’offres de ce type sur leurs sites[9] ».
Le recours à des services IPTV illégaux génère deux types de risques pour l’utilisateur. La menace est d’abord d’ordre technique, puis juridique et financière.
En premier lieu, il existe potentiellement un risque technique à recourir à un service illégal d’IPTV. Utiliser un boîtier pirate peut constituer une faille dans la sécurité de l’installation. S’il contient du code malveillant, le boîtier pourrait permettre à un pirate d’accéder à la Smart TV utilisée pour regarder le stream. Or ces Smart TV sont très mal sécurisées[10], et peuvent se retourner contre leur utilisateur, par exemple en communiquant des informations ou en les espionnant.
En second lieu, il existe un risque juridique et financier. En effet, la possibilité d’une escroquerie ne peut pas être exclue. L’utilisateur va communiquer ses coordonnées bancaires pour payer, avec tous les risques que cela implique au regard du peu de fiabilité du prestataire pirate. De plus, l’utilisateur sera privé de recours si la prestation ne correspond pas, notamment parce que le service concerné est souvent situé à l’étranger, hors de la législation protectrice française.
En outre, il existe un risque juridique. L’ALPA affirme qu’en recourant à un service d’IPTV illégal, le client « devient complice d’une activité illégale et s’expose aux mêmes sanctions[11] qu’avec le téléchargement ou le streaming illégal, c’est-à-dire à 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende[12] ». Toutefois, il ne semble pas qu’une telle sanction ait été rendue à l’encontre d’un utilisateur final, consommateur de streaming illégal.
En outre, la démarche suivie par les sociétés d’audiovisuel concernées semble plus éducative que répressive. En effet, les prestataires audiovisuels se doivent de ménager leur clientèle. L’éclatement des offres, en particulier dans le domaine sportif, auprès de fournisseurs différents provoque une frustration grandissante chez les amateurs, propice au recours à des méthodes illégales mais bon marché (voir gratuites).
Par exemple, un français amateur de football souhaitant suivre plusieurs championnats nationaux en Europe s’acquittera probablement d’un abonnement auprès de BeIn Sport. Pour 14 euros par mois, il aura accès aux championnats italiens, allemands et espagnols. Toutefois, si ce même passionné souhaite également assister aux matchs du championnat anglais, il devra alors recourir aux services de RMC Sport pour la somme 19 euros par mois. Ainsi, et seulement pour l’accès aux matchs de certains championnats nationaux, l’amateur doit débourser 33 euros par mois[13]. Cette situation explique partiellement le recours aux IPTV illégaux et la lutte qui s’ensuit par les ayants droits[14], en particulier pour la Premier League (championnat anglais) dont les onéreux droits de diffusion sont répercutés sur le prix final pour l’utilisateur.
En 2018, l’Assemblée Nationale a établi une mission d'information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique[15]. Cette mission, rassemblant des députés de tous bords, a produit un rapport d’information[16]. La 6ème proposition de ce rapport préconise de « permettre au président de la HADOPI de requérir du président du tribunal de grande instance de Paris » qu’il fasse cesser une retransmission illégale au motif que « l’intervention doit être quasi immédiate, le dommage étant entièrement consommé à la fin de la retransmission ». Une nouvelle loi sur l’audiovisuel est attendue pour 2019, peut-être reprendra-t-elle cette recommandation pour améliorer l’arsenal juridique de la lutte contre les services d’IPTV illégaux.
Que ce soit dans la protection de vos droits ou dans vos interrogations pour votre activité commerciale, le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans, vous accompagne dans vos projets. Contactez-nous ici.
[2] Modes de réception de la télévision dans les foyers français en 2018
[3] Un boîtier trop beau pour être honnête, Didier Sanz, Le Figaro, 13 mai 2019
[4] Cour de Justice de l’Union Européenne
[5] Arrêt de la CJUE du 26 avril 2017 Filmspeler
[6] La CJUE s'oppose à un boîtier TV d'accès illicite aux films en streaming, Lionel Costes, 9 mai 2017
[7] Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle
[8] Communiqué de l’ALPA sur la fermeture du site illégal de live streaming « artv.watch »
[9] Didier Sanz, op. cit
[10] Un chercheur en sécurité développe une attaque permettant de pirater à distance une télévision connectée, Stéphane Le Calme, Développez.com, 3 avril 2017
[11] Article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle
[12] Didier Sanz, op. cit
[13] Il s’agit des prix pour la saison 2018/2019, hors promotions ou offres spéciales
[14] Premier League : peines de prison pour trois propriétaires de sites de streaming illégaux, L’Equipe, 21 mars 2019
[15] Mission d'information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique
[16] Rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en conclusion des travaux de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique, 4 octobre 2018