Quelle protection juridique pour vos algorithmes ?

Quelle protection juridique pour vos algorithmes ?
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Par Stéphane Astier et Marie Torelli

A l’état pur, un algorithme est une suite d’opérations mathématiques destinée à résoudre un problème.

En réalité, les algorithmes constituent non seulement des actifs immatériels d’une valeur incontestable mais aussi des avantages concurrentiels significatifs.

Alors que les réflexions publiques poussent de plus en plus les entreprises à rendre leurs algorithmes transparents, il est devenu crucial de définir une stratégie permettant de concilier cet objectif avec un impératif : protéger efficacement les algorithmes et, par là-même, l’ensemble des investissements ayant donné lieu à sa création.

1. Le droit d’auteur ne permet pas de protéger efficacement les algorithmes

En tant que suite d’opération mathématique, l’algorithme relève du monde des « idées ».

Or, conformément à un principe bien connu du droit de la propriété intellectuelle, les idées sont libres de parcours, ce qui signifie que qu’elles ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur.

Ainsi, dans un arrêt du 24 novembre 2015, la cour d’appel de Paris a considéré que les algorithmes n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur dès lors que « les idées et les principes qui ne sont pas à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation ne sont pas protégés ».

Les entreprises ne pourront donc pas s’appuyer sur les mécanismes classiques du droit d’auteur tels que la contrefaçon pour assurer la défense et la protection de leurs algorithmes.

2. Le droit des brevets n’est pas plus pertinent sauf cas spécifique

L’article L.611-10 du code de la propriété intellectuelle énonce que les « méthodes mathématiques » et les « programmes d’ordinateur » ne sont pas susceptibles d’être brevetables, ce qui semble a priori exclure les algorithmes.

L’office européen des brevets a toutefois pu estimer que, lorsqu’un algorithme est intégré au sein d’une invention brevetable, celui-ci peut bénéficier de la protection du droit des brevets à condition qu’il contribue au « caractère technique de la méthode » brevetée[1].

Quand bien même le droit des brevets serait applicable aux algorithmes, il ne constitue pas un mécanisme de protection pertinent au regard des enjeux stratégiques qu’ils représentent.

En effet, l’inconvénient majeur du droit des brevets réside dans le caractère public de la protection qu’il accorde, laquelle est également limitée dans le temps.

Tout brevet contient une description détaillée de l’invention qu’il protège, laquelle peut être consultée très facilement par tous, y compris par des concurrents.

Au regard des avantages concurrentiels que représentent les algorithmes, une telle protection ne semble pas appropriée.

3. L’algorithme peut être protégé par le secret des affaires

En tant qu’actif immatériel, l’algorithme fait partie du savoir-faire d’une entreprise, lequel est protégé par le secret des affaires.

Ce qu’on entend par « savoir-faire » ne fait l’objet d’aucune définition légale et est donc de nature à inclure tous les procédés, méthodes, essais, tests ou documents utilisés par une entreprise.

On comprend dès lors l’intérêt de la notion de savoir-faire. Celle-ci permet non seulement de protéger l’algorithme en tant que tel, mais aussi toutes les informations produites dans le cadre de sa création et de sa mise à jour.

Afin de bénéficier de la protection du secret des affaires, l’algorithme doit toutefois répondre aux critères définis par l’article L.151-1 du code de commerce, à savoir :

  • L’information n’est pas connue ou aisément accessible pour les personnes du même secteur d’activité ;
  • L’information revêt une valeur commerciale effective ou potentielle.
  • L’information fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret.

Si les deux premiers critères sont aisément remplis par l’algorithme, la dernière condition nécessite la mise en place, par son créateur, de mesures concrètes permettant de le protéger efficacement.

Afin de bénéficier de cette protection, les concepteurs d’algorithmes devront donc impérativement s’équiper d’un kit contractuel composé notamment d’accords ou de clauses de confidentialité robustes, des clauses de non-concurrence et, le cas échéant, des clauses pénales.

En plus de ces éléments, la mise en place d’une bible du savoir-faire documentant l’ensemble des mesures prises pour protéger l’algorithme et des procédés qui s’y rattachent constituera un élément de preuve considérable en cas de contentieux.

La mise en place d’une telle documentation ne doit pas être négligée.

En effet, l’obtention ou la divulgation illicite des éléments protégés par le secret des affaires est susceptible d’engager la responsabilité civile de l’auteur de ces actes et de donner lieu à réparation à ce titre, à condition toutefois d’être en mesure de démontrer que les informations divulguées sont bien protégeables par le secret des affaires.

D’autre part, en cas de contentieux, le secret des affaires peut permettre aux entreprises de refuser de divulguer leurs algorithmes. L’article R.153-3 du code de commerce prévoit ainsi que l’accès à une pièce couverte par le secret des affaires peut être refusé ou restreint dans certaines conditions.

La partie qui invoque la protection du secret des affaires devra notamment communiquer un mémoire précisant les motifs qui confèrent à l’algorithme le caractère d’un secret des affaires et produire à ce titre les clauses contractuelles rédigées.

Au regard de l’enjeu stratégique et concurrentiel que représentent les algorithmes, les entreprises devront donc se montrer particulièrement vigilantes dans la rédaction de leur documentation.

A défaut, elles pourraient encourir un risque financier important caractérisé notamment par une dévalorisation de leur algorithme.

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Le cabinet Haas Avocats se tient à votre disposition pour vous aider à protéger vos algorithmes. Pour en savoir plus, rendez-vous ici.

 

[1] OEB, Décision de la chambre de recours technique 3.5.1, 21 avril 2004, T 258/03, affaire Méthode d’enchères/HITACHI

Stéphane ASTIER

Auteur Stéphane ASTIER

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