Par Gérard HAAS et Olivier Prévost
Le 6 février 2019, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de l’articulation entre les conditions générales et particulières du contrat de location d’une licence de logiciel[1]. En substance, la Cour semble considérer que la volonté des parties permet au juge d’interpréter le contrat lorsque la durée est incertaine du fait d’une opposition entre les conditions générales et particulières.
Il convient de rappeler le droit existant en la matière avant d’envisager l’apport de cet arrêt.
A titre liminaire, rappelons que les conditions générales forment la loi des parties. Les conditions particulières, quant à elles, viennent compléter et préciser cette loi des parties. Ces conditions particulières peuvent prendre différentes formes, telles que le bon de commande ou la confirmation de demande.
Un arrêt de 2018[2] est venu illustrer la potentialité des formes multiples des conditions particulières. En l’espèce, les conditions générales de vente prévoyaient le paiement lors de la commande. Au cours du contrat, le client avait reçu un email accompagné d’un bon de commande qui prévoyait le paiement à la livraison. La Cour retient donc que le devis contient une condition particulière relative au paiement du prix, qui déroge aux conditions générales de vente.
Concernant l’articulation entre les conditions générales et les conditions particulières, le principe est à l’article 1119 al. 3 du Code civil[3] depuis la réforme du droit des contrats du 10 février 2016. Il dispose que « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières ». Il s’agit de la codification d’un principe établi de longue date par la jurisprudence.
En effet, dès 1986, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la question, estimant que « les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance ont prééminence sur celles des conditions générales au cas où elles sont inconciliables avec elles[4] ».
Le droit positif est précisé par l’article L441-6 du Code de commerce[5]. Il prévoit par principe la communication obligatoire des conditions générales de vente mais aménage spécifiquement les « conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l'obligation de communication ».
Il est donc à noter que puisque les conditions particulières ne sont pas soumises à l’obligation de communication, il peut être difficile pour le vendeur de prouver qu’il les a bien remises. Tant que ces conditions particulières n’ont pas été signées par l’acheteur, seules les conditions générales pourront lui être opposées.
Un récent apport prétorien vient compléter ce propos : la Cour de cassation est venue préciser que dans le cas où les conditions générales et particulières d’un contrat ne sont pas inconciliables, alors les conditions générales doivent être respectées[6].
En l’espèce, les faits concernent une location de licence de logiciel. Les conditions générales du contrat prévoient que ce dernier pourra se poursuivre par tacite reconduction après un an d’engagement, sous réserve de l’absence de signification de la volonté du locataire de ne pas se réengager (4 mois avant l’expiration de la période irrévocable de location). Les conditions particulières du même contrat viennent spécifier que les contrats de location de licences de logiciels sont conclus pour deux ans.
En 2017, la cour d’appel de Paris interprète le contrat comme prévoyant une durée de location de deux ans, et conclut à une contradiction entre les conditions générales et particulières. Faisant application du principe de l’article 1119 al. 3 du Code civil, la cour d’appel considère les conditions particulières comme prioritaires sur les conditions générales et, partant, demande la restitution des loyers versés au bailleur.
La Cour de cassation casse l’arrêt et retient l’absence de contradiction entre les dispositions des conditions générales et des conditions particulières. Trouvant un équilibre entre ces dispositions, la Cour retient que le contrat « avait été conclu pour une durée de vingt-quatre mois irrévocable et qu’il était renouvelable par tacite reconduction, sauf manifestation de volonté du locataire de ne pas le poursuivre, quatre mois avant son terme ».
Il est intéressant de mettre cet arrêt en parallèle avec une décision de 2017[7], où la Cour de cassation avait considéré que « les conditions générales du contrat sont en contradiction avec l'intention commune des parties ; qu'il en résulte que doit prévaloir l'intention commune des parties, qui révèle qu'elles s'étaient entendues pour soumettre leurs engagements à des conditions particulières ».
Ainsi, il semble ressortir de la jurisprudence de la Cour que l’intention commune des parties est un critère qui pourra être mis en pratique en cas d’imprécision ou de contradiction des conditions du contrat. L’appréciation de la compatibilité entre les conditions générales et particulières se fait à la lumière de la volonté des parties.
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[1] Cass. com., 6 févr. 2019 n° 17-26.494
[2] Cass. Com., 11 avril 2018 n° 17-14.382
[3] Article 1119 al. 3 du Code civil
[4] Cass. Civ., 17 juin 1986 n° 84-14.717
[5] Article L441-6 du Code de commerce