Par Rachel Ruimy et Céline Rodier
La Loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse a étendu les principes fondamentaux de la Loi Bichet du 2 avril 1947 aux kiosques et agrégateurs numériques, tout en garantissant l’accès des citoyens à une presse pluraliste sur tous les supports, adaptés aux nouveaux usages.
C’est dans ce contexte que ces dernières années, les kiosques à journaux numériques se sont grandement développés et ont tendance à remplacer les kiosques « classiques », présents dans le monde réel, sans pour autant engendrer la disparition totale de ces derniers.
En effet, les kiosques à journaux présents au cœur des villes françaises ont su se réinventer. Par exemple, 360 kiosques ont été changés entre 2018 et mi 2019 à Paris avec pour objectif de relancer les ventes de la presse. Ils sont désormais plus spacieux, ce qui permet aux clients de consulter les revues à l'intérieur d’un espace couvert.
Les kiosques numériques, pourtant en plein essor, doivent toutefois faire face à des perturbations, comme le départ de plusieurs quotidiens dès la fin de l’année 2021.
Les kiosques numériques, tels que Cafeyn ou ePresse, permettent d’avoir accès à plusieurs quotidiens et magazines en format numérisé et de façon illimitée, moyennant le paiement d’un abonnement mensuel d’environ dix euros.
En réalité, une majorité de lecteurs ne passent pas par ce canal et ne paient pas d’abonnement car l’accès à ces kiosques numériques est déjà compris dans un abonnement auquel ils ont souscrit. Par exemple, l’accès à Cafeyn est compris dans les offres proposées par Canal+.
On constate ainsi que les kiosques digitaux suivent le même schéma que certaines plateformes SVOD (Netflix, Amazon Prime Video, etc.) ou de streaming musical (Spotify, Apple Music, etc.), qui sont de plus en plus populaires auprès des consommateurs.
Concernant les modalités financières, il est précisé qu’un système forfaitaire est généralement mis en place pour rémunérer les éditeurs des journaux disponibles sur ces kiosques, bien que les montants négociés au cas par cas restent confidentiels.
Les journaux L’Équipe (quotidien sportif) et Le Point (magazine d’actualité hebdomadaire) ont récemment annoncé qu’ils quitteraient les kiosques numériques d’ici la fin de l’année 2021. A noter, certains journaux, comme Le Monde, avaient déjà fait le choix de ne pas être présents sur ces plateformes.
Aujourd’hui, certains éditeurs de presse estiment être perdants d’un point de vue économique et s’inquiètent des bouquets de contenus, comme celui proposé aux abonnés Canal+.
De plus, face à la crise publicitaire de ces dernières années accentuée par la pandémie de la Covid-19, de nombreux médias considèrent qu’il n’est plus pertinent de passer par des intermédiaires, tels que Cafeyn ou ePresse.
Plus précisément, le baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP) a annoncé un bilan catastrophique pour le secteur de la publicité qui a été lourdement touché par la crise économique et sanitaire. Selon les chiffres publiés dans ce bilan, « la presse dans sa globalité […] voit ses recettes diminuer de -23,7%, une baisse conséquente alors que l’année 2019 affichait une décroissance restreinte de -4,1% ».
Les données du bilan du premier semestre 2021 dans le secteur de la presse montrent également que les investissements repartent à la hausse, sans atteindre ceux du second semestre de 2019.[1]
En quittant les kiosques digitaux, les journaux L’Équipe et Le Point ne vont pas pour autant abandonner le recours au numérique. En effet, ces médias vont privilégier leur propre offre digitale à partir de 2022. Ils espèrent ainsi augmenter leur nombre d’abonnés.
L’Équipe a pour objectif de passer de 335 000 abonnés numériques actuellement à 450 000 en 2025. Ledit quotidien a déjà commencé cette transition en lançant sa plateforme numérique fin mai avec la création de :
Par ailleurs, avec leur propre système d’abonnement numérique, les éditeurs veulent voir plus grand, en proposant d’autres services et ne pas se limiter à proposer le PDF des journaux.
Même si une potentielle crise du secteur est redoutée en cette fin d’année, il semblerait que les kiosques numériques aient encore de beaux jours devant eux et que de nouveaux services puissent prochainement être proposés aux lecteurs.
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[1] Les deux bilans cités sont publiés sur le site de l’IREP (Institut de Recherches et d'Etudes Publicitaires).
Sources :
Loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse