Par Rachel Ruimy et Vickie Le Bert
D’après un sondage IFOP réalisé en 2018, 74% des français s’estiment prêts à payer plus cher pour acheter un produit « français », et 91% d’entre eux jugent important qu’une entreprise indique l’origine française de ses produits. Afin de tirer profit de cet engouement des consommateurs pour les produits d’origine française, les e-commerçants ont fait de la mention « Made in France » un véritable argument de vente.
Revenons ensemble sur les principes encadrant l’utilisation de la mention “Made in France”.
Dans le cadre de la vente en ligne, tout e-commerçant devra respecter les dispositions impératives du Code de la consommation[1] et notamment permettre à tout internaute, potentiel client, de pouvoir prendre connaissance, à titre précontractuel, des caractéristiques essentielles du produit. Ainsi, tout cybermarchand a l’obligation d’informer le consommateur sur l’origine des produits commercialisés. Dans le cadre de son obligation d’information précontractuelle, ces éléments figurent généralement sur les fiches de présentation des produits.
A défaut, le vendeur s’expose à une amende administrative de 3.000 euros pour une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale[2].
A ce titre, les mentions « Made in France », « Fabriqué en France », ou encore celles consistant en l’apposition d’une cocarde tricolore ou de tout autre signe de nature à indiquer au consommateur que le produit marqué est d’origine française sont régulièrement utilisées par les e-commerçants.
Dans le cadre de la rédaction de vos fiches-produits avant la commercialisation desdits produits, il conviendra d’être vigilant et d’indiquer l’origine réelle du produit. A défaut, l’activité du e-commerçant pourrait être assimilée à une pratique commerciale déloyale.
Une pratique commerciale déloyale se définit comme étant contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère ou est susceptible d’altérer le comportement d’achat du client normalement informé[3].
Les pratiques commerciales déloyales recouvrent :
Les pratiques commerciales agressives[4], caractérisées par des sollicitations répétées et insistantes ou par l’usage d’une contrainte qui est notamment de nature à altérer le choix du consommateur ;
Les pratiques commerciales trompeuses [5].
A ce titre, il est expressément précisé par le Code de la consommation[6] qu’une pratique commerciale est trompeuse « lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur […] les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions “ fabriqué en France ” ou “ origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ».
Toute pratique commerciale trompeuse exposerait le e-commerçant à une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 300.000 euros pour une personne physique ou de 1.500.000 euros pour une personne morale, étant précisé que le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique commerciale trompeuse.
Des peines complémentaires[7] pourront également être prononcées (à titre d’exemple, interdiction d’exercice et/ou de de diriger une société, affichage ou diffusion de la décision prononcée etc…)
Concernant les produits non-alimentaires importés ou commercialisés sur le territoire de l’Union Européenne, le marquage d’origine n’est pas obligatoire. Si toutefois le vendeur décide d’indiquer un marquage type « Made in France » sur lesdits produits, il conviendra de respecter la réglementation applicable et notamment le Code européen des douanes[8]. A ce titre, il est précisé que dans l’hypothèse où les étapes de production d’un produit non-alimentaire interviennent dans différents pays, le produit fini doit prendre l’origine du pays où il a subi sa dernière transformation substantielle[9].
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectue régulièrement des contrôles afin de s’assurer que les professionnels n’induisent pas les consommateurs en erreur quant à l’origine réelle des produits. A ce titre, entre 2019 et 2020, la DGCCRF a ainsi mené une vaste enquête auprès de 700 établissements, sites de vente physiques mais également sites de vente en ligne, aux fins de détecter d’éventuelles utilisations litigieuses et abusives de mentions type « Made in France », ou « Fabriqué en France ». Cette enquête a permis de relever des irrégularités chez 15 % des professionnels visités. Sur les 101 établissements présentant des anomalies, 77 ont fait l’objet d’un avertissement et 21 d’une mesure de police administrative. La DGCCRF a également dressé 8 procès-verbaux pour pratique commerciale trompeuse et non-conformité de l’origine France[10].
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[1] Articles L.221-5 et L.111-1 du Code de la consommation
[2] Article L.131-1 du Code de la consommation
[3] Article L.121-1 du Code de la consommation
[4] Articles L.121-6 et L.121-7 du Code de la consommation
[5] Articles L.121-2 à L.121-4 du Code de la consommation
[6] Article L.121-2 1° b) du Code de la consommation
[7] Article 131-39 du Code pénal
[8] Articles 22 à 26 du règlement n° 2913/92 du 12 octobre 1992 et articles 35 à 65 et annexes 9 à 11 du règlement n° 2454/93 du 2 juillet 1993
[9] La notion de transformation substantielle permettant d’apprécier si un produit est en mesure de se voir apposer la mention « Made in France » est susceptible de varier en fonction des produits et des secteurs en cause. aider les professionnels à y voir plus clair dans cette règlementation, la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a mis à leur disposition le service gratuit « Information sur le Made in France » (IMF).
[10] https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/allegation-made-france