Projet de l’Apple Car: Quelles sont conséquences juridiques du projet?

Projet de l’Apple Car: Quelles sont conséquences juridiques du projet?
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Par Gérard Haas, Eve Renaud-Chouraqui et Margaux Laurent

Dans les tuyaux de la firme depuis 2014, l’Apple Car pourrait (enfin) voir le jour à l’horizon 2025.

Fin novembre 2021, Bloomberg a annoncé qu’Apple aurait mis au point l’essentiel de son processeur. Cela paraît être un moment clé pour le lancement de ce produit en raison de la tendance à l’électrification, de l’avènement de la place du logiciel dans les véhicules[1].

Le projet « Titan », tel qu’appelé par ses concepteurs, consisterait dans un véhicule autonome de niveau 5, correspondant à une autonomie totale selon SAE International (norme J3016 de janvier 2014)[2]. La voiture ne comprendrait ni pédales, ni volant, ni interactions humaines.

Pour rappel, la classification des voitures dites autonomes est la suivante :

  • Niveau 0- Seul le conducteur humain opère le véhicule – aucune aide ;

  • Niveau 1 - Le système automatisé assiste de temps en temps le conducteur dans certaines tâches de conduite – aides primaires (régulateur de vitesse adaptatif, etc.) ;

  • Niveau 2 - Le système automatisé peut exécuter seul certaines tâches sous le contrôle du conducteur – aides intermédiaires (alerte franchissement de ligne, park assist, etc.) ;

  • Niveau 3 - Le système peut exécuter seul certaines tâches et assurer le contrôle de son environnement. Le conducteur doit cependant être en mesure de reprendre le contrôle à tout moment – aides avancées (dépassements dynamiques) ;

  • Niveau 4 - Le système automatisé peut réaliser certaines actions et assurer le contrôle de son environnement, sans que le conducteur humain n’ait à reprendre le contrôle du véhicule : conduite autonome complète à la demande sur une zone spécifique (autoroute, etc.) ;

  • Niveau 5 – Le système automatisé peut effectuer toutes les tâches dans n’importe quelles circonstances que l’humain peut normalement réaliser – conduite exclusivement autonome.

La conception d’un véhicule totalement automatisé constitue un réel défi commercial pour Apple qui devra nécessairement rivaliser avec une concurrence déjà bien implantée (Tesla, Uber). Ainsi, il est possible de supposer que la force de la firme reposera moins sur l’efficacité de la batterie ou du système de conduite, que sur le design et les options.

Cependant, un tel projet appelle de nouveaux défis juridiques, notamment en matière de responsabilité en cas d’accident ou de protection des données personnelles.

Des enjeux en matière de responsabilité en cas d’accident

On a pu le constater avec les accidents médiatisés de Tesla (2021) ou d’Uber (2018), les voitures autonomes ne sont pas exemptes de tout risque en termes de sécurité.

Il est donc possible de se demander qui sera responsable en cas d’accident ?

En France, l’intégration de ce nouveau mode de transport a nécessité une adaptation de la législation existante.

Le Code de la route était basé sur la Convention de Vienne sur la circulation routière de 1968. Ainsi, et en application de l’article R.412-6, « tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur ».

Désormais, la règlementation s’est mise au goût du jour grâce à l’ordonnance n°2021-443 du 14 avril 2021, ainsi que son décret d’application n°2021-873 du 29 juin 2021. Ce dernier définit la notion de « délégation de conduite » et règle les questions de responsabilité.

A ce titre, il prévoit en son article 1 que le conducteur doit se tenir constamment en état et en position de répondre à une demande de reprise en main du système de conduite automatisé. Il doit donc pouvoir reprendre le contrôle et la conduite du véhicule à tout moment.

De plus, le nouvel article L.123-1 du Code de la route dispose que le conducteur n’est pas responsable pour les infractions résultant d’une manœuvre d’un véhicule dont les fonctions de conduite sont déléguées à un système de conduite automatisée, lorsqu’il exerce au moment des faits, le contrôle dynamique du véhicule.

Mais il redevient responsable dans trois cas :

  • Dès l’instant où il retrouve le contrôle dynamique du véhicule à la suite d’une reprise en main ;

  • En l’absence de reprise en main du véhicule à l’issue de la période de transition faisant suite à une demande du système de conduite automatisé ;

  • Lorsque le conducteur ne respecte pas les sommations, injonctions ou indications données par les forces de l’ordre ou les règles de priorité de passage des véhicules d’intérêt général.

Ainsi, à travers ces différentes règlementations, et en l’état de celles-ci, il est possible de déduire que la présence d’un « conducteur » reste indispensable, quand bien même le véhicule serait totalement automatisé.

L’Apple Car devra donc nécessairement intégrer un dispositif permettant à un usager de reprendre le contrôle du véhicule en cas d’urgence.

Des enjeux en matière de protection des données personnelles

Les données sont la matière première des véhicules autonomes.

En effet, pour atteindre le niveau 5 d’autonomie, la collecte et le traitement des données personnelles du conducteur est indispensable afin d’apprendre au véhicule à réagir face aux différentes situations auxquelles il peut être confronté et d’appréhender son environnement.

Or, touchant à des données « intimes » des individus (géolocalisation, traçage de leurs habitudes de vie…), l’industrie automobile se doit d’être vigilante quant au respect des règles en matière de protection des données imposées par le Règlement général sur la protection de données (RGPD)[3].

A cet égard, la CNIL avait déjà pris les devants et édité en 2017, un « pack de conformité » destiné aux véhicules connectés pour permettre aux industriels d’intégrer la protection des données personnelles de leurs usagers tout en se conformant aux dispositions du RGPD.

Désormais, ils doivent respecter ces grands principes, en s’assurant notamment de la licéité du traitement ou de la minimisation de la collecte.

La CNIL distingue trois types de situations :

  • Le traitement local des données, restant à l’intérieur du véhicule – l’information récoltée a pour objectif de fournir des indications au conducteur seul ;

  • Les données transmises à un tiers à l’extérieur du véhicule pour fournir un service à la personne concernée – il conviendra de définir les contours de la protection des données avec le fournisseur extérieur ;

  • Les données collectées dans le véhicule sont transmises à l’extérieur pour déclencher une action automatique dans le véhicule.

Elle souligne également qu’une approche de protection des données dès la conception (« privacy by design ») doit être privilégiée.

Il convient cependant de rester mesuré, la voiture entièrement autonome n’en est qu’au stade de l’expérimentation et la crise sanitaire de Covid-19 pourrait bien retarder sa mise sur le marché, notamment du fait de la pénurie de composants et des semi-conducteurs.

Relevons enfin qu’Apple a perdu plusieurs responsables de ce projet depuis le début de l’année 2021.

Le projet de l’Apple Car n’a pas fini de faire parler de lui …

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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle.

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[1] « « Apple Car » : les planètes s’alignent pour une nouvelle révolution », J. Dupont-Calbo, Les Echos, 23 novembre 2021

[2] Taxonomy and Definitions for Terms Related to On-Road Motor Vehicle Automated Driving Systems J3016_201401 <www.sae.org/standards/content/j3016_202104/>

[3] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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