Par Kate Jarrard et Noa Setti
Par un arrêt récent du 21 janvier 2021, la Cour de cassation a précisé la portée de l’article 493 du code de procédure civile relatif aux procédures sur requête, et plus particulièrement les spécificités de l’absence du contradictoire[1].
En réalité, une autre question procédurale était également posée à la Cour, concernant la capacité d’un mandataire judiciaire d’ester en justice après l’expiration de sa mission.
Présentons-les successivement.
1. Le mandataire judiciaire ne peut pas solliciter la prorogation de sa mission après l’expiration de celle-ci
En l’espèce, les associés d’une société et membres d’une association syndicale avaient obtenu, via une ordonnance sur requête, la désignation d’un administrateur provisoire des deux structures.
Cet administrateur provisoire a vu sa mission prorogée par quatre autres ordonnances sur requête qu’il a lui-même sollicitées. Or, l’une de ces requêtes a été enregistrée après l’expiration de sa mission.
Face à ce manquement, l’ancien gestionnaire de la société et de l’association a assigné en référé de rétractation pour faire annuler le renouvellement de la mission du mandataire judiciaire.
Pour le requérant, la mission de l'administrateur provisoire prend nécessairement fin à la date prévue par l'ordonnance le désignant. La requête aux fins de prorogation de sa mission, présentée après l'expiration de celle-ci, serait donc nulle en raison du défaut de pouvoir du mandataire.
Or, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté cet argument, estimant que le dépôt par l’administrateur provisoire de la requête tendant à la prorogation de sa mission, alors que celle-ci s’est déjà achevée, ne rend pas irrégulière l’ordonnance rendue sur cette requête dès lors que les conditions et motifs la légitimant étaient réunis.
Le requérant forme alors un pourvoi en cassation sur le fondement de la violation de l’article 117 du code de procédure civile, soit la nullité des actes de procédure en cas d’irrégularité de fond les affectant, dont le défaut de capacité d’ester en justice.
Au visa de cet article, la Haute juridiction a censuré l’arrêt de la CA et fait droit à la demande du requérant, en énonçant que l'administrateur provisoire n'a plus qualité pour solliciter la prorogation de sa mission à une date où sa mission est expirée.
Cette solution témoigne de la rigueur de la Cour de cassation, qui n’admet donc pas qu’une cause de nullité pour vice de fond puisse être régularisée a posteriori.
Mais l’apport majeur de cet arrêt concerne surtout la question du non-respect du principe du contradictoire dans le cadre des ordonnances sur requête.
2. La sérieuse recherche des circonstances justifiant l’absence du contradictoire
En l’espèce, l’une des ordonnances sur requête obtenues par l’administrateur provisoire désignait un expert-comptable.
Le demandeur sollicitait donc sa rétractation au motif que la désignation de l’expert-comptable aurait dû être prise contradictoirement à son égard, c’est-à-dire qu’il aurait dû être mis en mesure de discuter des faits et moyens juridiques opposés par son adversaire quant à cette mesure.
En effet, ce principe fondamental doit être observé par le juge en toutes circonstances, tel que le rappelle l’article 16 du code de procédure civile.
Néanmoins, l’ordonnance sur requête est justement rendue dans les cas où les circonstances du litige justifient une dérogation au principe du contradictoire. La décision, unilatérale, précède ainsi la discussion.[2]
Pour les juges du fond, la désignation de l’expert-comptable n'avait alors pas lieu d'intervenir au contradictoire du demandeur dans la mesure où :
- Ce dernier est un « tiers » à la procédure initiale, et dès lors le choix d’une procédure non contradictoire ne préjudicie pas à ses intérêts,
- L’expertise ne tendant pas à établir des manquements, la responsabilité de ce dernier n'est pas recherchée.
Mais la Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille. Selon cette dernière, les juges du second degré auraient dû -davantage- « relever des circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement ».
En effet, « il incombe au juge saisi d’une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête de rechercher, même d’office, si la requête et l’ordonnance rendue sur ce fondement exposent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement ».
En d’autres termes, eu égard à la nature-même de ce type de procédure, le juge des requêtes est tenu de sérieusement vérifier sa motivation.
Le contradictoire étant un principe directeur du procès civil, cette solution exigeante semble ainsi justifiée au regard de l’importance de celui-ci.
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[1] Cass. Civ. 3e, 21 janv. 2021, n° 19-20.801
[2] BOLZE A., L’office du juge dans les procédures sur requête, Dalloz Civil, Procédure civile