Par Haas Avocats
Par un arrêt en date du 22 mai 2025 (n°23-18.768), la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient donner une clarification bienvenue : La nullité encourue en cas de mention erronée d’une partie dans un acte de procédure est de forme, dès lors que l’erreur dans la désignation ne met pas en cause l’existence même de la partie improprement désignée.Avec cet arrêt, les hésitations passées sur le vice à invoquer dans une telle situation n’ont plus lieu d’être.
Erreur sur la désignation du syndicat des copropriétaires : l’assignation annulée ?
Un copropriétaire saisit la justice pour faire annuler une assemblée générale de copropriété et obtenir une indemnisation. Pour ce faire, il assigne le syndicat des copropriétaires, le syndic de copropriété ainsi que la Présidente du Conseil syndical. Toutefois, le syndicat des copropriétaires est en fait scindé en deux : Le syndicat des copropriétaires principal d’une part et un syndicat secondaire d’autre part. Le syndicat des copropriétaires principal est donc intervenu à l’instance afin d’invoquer la nullité de l’assignation. En effet, celle-ci a été délivrée au « syndicat des copropriétaires » et non pas au « syndicat des copropriétaires principal » et/ou au « syndicat secondaire » de sorte qu’on ignore qui est réellement visé. Pour celui-ci, cette assignation a été délivrée, de fait, à une entité inexistante et doit donc entrainer la nullité de l’assignation pour irrégularité de fond.
Les décisions contradictoires des juridictions de premier et de second degré
Face à l’argumentation du syndicat des copropriétaires, le juge de la mise en état ne se laisse pas convaincre. Il estime en effet que dans cette affaire l’assignation ne pouvait qu’être adressée au syndicat principal de sorte qu’elle n’encourt aucune annulation.
Cependant, la Cour d’appel voit les choses différemment. Elle décide de prononcer la nullité de l’assignation en reprenant les arguments du défendeur et déclarant que l’assignation a été délivrée à une entité juridiquement inexistante.
Ce vice de procédure, selon la cour d’appel, est un vice de fond insusceptible de régularisation.
Nullité d’assignation : irrégularité de fond ou vice de forme ? Ce que dit la jurisprudence
L’article 117 du code de procédure civile prévoit une liste limitative de situations donnant lieu à une nullité pour irrégularité de fond. Ces situations sont les suivantes :
- Défaut de capacité d’ester en justice.
- Défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice.
- Défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
Lorsqu’aucune de ces conditions n’est remplie, la nullité sera alors une nullité pour vice de forme nécessitant, pour être prononcée, de démontrer l’existence d’un texte prévoyant cette nullité et d’un grief causé par celle-ci (articles 112 et suivants du code de procédure civile).
L’article 648 du code de procédure civile, quant à lui, prévoit que tout acte d’huissier devant être signifié (donc l’assignation) doit indiquer à peine de nullité les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
A bien y regarder, ces textes présentent quelques lacunes en ce que rien n’est précisé en cas de mention du nom et domicile du destinataire qui serait erronée. La jurisprudence est donc venue compenser cette faiblesse textuelle.
L’évolution jurisprudentielle sur les vices de procédure : la Cour de cassation clarifie les règles
Avant que ne soit rendu cet arrêt, la jurisprudence semblait très hésitante, tantôt caractérisant un vice de fond[1], tantôt un vice de forme[2], de sorte qu’il n’existait pas de réponse claire et que la sécurité juridique s’en trouvait impactée. En effet, dans certaines jurisprudences, la mention du nom de la partie assignée, si elle était erronée, constituait une irrégularité de fond en ce que la personne désignée n’existait pas juridiquement et n’avait donc pas la capacité d’ester en justice. Toutefois, dans certaines autres jurisprudences, une telle erreur n’empêchait pas de pouvoir déterminer la partie assignée de sorte que le vice n’était que de forme.
Une incertitude demeurait pourtant concernant les critères retenus pour caractériser un vice de forme ou une irrégularité de fond. La Cour de cassation éclaircit définitivement ce point en posant un attendu de principe selon lequel : « L’imprécision affectant la désignation d’un syndicat de copropriétaires assigné en annulation d’une assemblée générale, qui ne met pas en cause son existence, constitue un vice de forme qui n’est sanctionné par la nullité de l’assignation qu’à charge, pour l’adversaire qui l’invoque, de prouver l’existence d’un grief ».
La réponse est désormais limpide et le critère pour caractériser un vice de forme ou une irrégularité de fond est donné : Pour que l’erreur ou l’imprécision dans la mention soit considérée comme un vice de forme, celle-ci ne doit pas remettre en cause la capacité de la partie adverse d’ester en justice en mettant en doute son existence juridique.
Après plusieurs hésitations jurisprudentielles, la Cour de cassation apporte un éclairage nécessaire et attendu sur le vice de procédure à invoquer en cas d’erreur dans la désignation d’une partie au sein d’un acte de procédure. Il conviendra désormais de bien distinguer l’erreur de pure forme, matérialisée lorsque l’erreur dans la désignation ne remet pas en cause l’existence de la partie désignée, et l’erreur de fond qui rendra nul l’acte de procédure sans aucune preuve complémentaire requise dès lors que l’existence de la partie désignée et sa capacité d’ester en justice sera remise en cause.
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[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 juin 2022, 21-12.738, Publié au bulletin - Légifrance
[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 20-10.685, Publié au bulletin - Légifrance