Par Kate Jarrard et Aurélie Puig
Le 13 février 2020, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Ziad Takieddine pour diffamation à l’encontre de Claude Guéant.
Dans le même temps, le tribunal a relaxé Mediapart pour la diffusion de cet entretien filmé de l’homme d’affaires dans lequel celui-ci affirmait avoir remis à l’ancien ministre de l’intérieur, entre 2006 et 2007, des valises d'argent libyen pour un montant de cinq millions d'euros.
C’est l’occasion de revenir sur le régime particulier de la diffamation et ses exceptions.
La diffamation est l’allégation ou l’imputation d’un fait attentatoire à l’honneur et à la considération d’une ou plusieurs personnes identifiables.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse permet d’initier une procédure en diffamation devant le juge pénal. Le délai de prescription de l'action publique est alors de 3 mois (ou 1 an si la diffamation est commise en raison de l'origine, de l'ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap) à compter du jour où l'infraction a été commise.
L'imputation de la diffamation obéit à un schéma de responsabilité en cascade : sont d’abord responsables le directeur de publication ou l'éditeur, puis, à défaut, l'auteur de l’article, et ainsi de suite.
C’est pourquoi, en l’espèce, le directeur de la publication de Mediapart ainsi que les journalistes ont été mis en cause pour diffamation et complicité de diffamation avec l’auteur direct des propos.
Pour qualifier les propos de diffamatoires, les juges ont relevé que l’article décrit précisément les modalités de remise des valises d’argent et dénonce « un comportement pénalement répréhensible en ce qu’il viole les règles en matière de financement des campagnes électorales ».
Néanmoins, des garanties essentielles de la liberté de la presse résident dans le principe de bonne foi, ou la vérité des propos, qui permettent d’échapper à une condamnation.
Par son jugement en date du 13 février 2020, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé l'organe de presse mais a condamné Ziad Takieddine, l'auteur direct des propos.
Face à une poursuite pour diffamation, le prévenu peut échapper à la condamnation soit s’il :
En l’espèce, les prévenus devaient rapporter la preuve de la vérité de leurs propos.
Concernant le mode de preuve, la vérité est exigeante en ce que la jurisprudence précise que "pour produire l’effet absolutoire, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires dans toute leur portée"[1].
En l’espèce, le juge a considéré que la preuve n’était pas parfaite car les éléments produits étaient de simples éléments de contexte sans lien direct avec les faits dénoncés. L’exception de vérité a donc été rejetée.
L’exception de bonne foi demande quant à elle la réunion des 4 conditions suivantes :
Ces conditions s’apprécient au regard de chacune de ses composantes : si l’une des conditions n’est pas remplie, alors l’exception de bonne foi sera rejetée.
En conclusion, les journalistes n’ont pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression, contrairement à l’auteur direct des propos qui, ne bénéficiant pas d’une base factuelle suffisante, n’a pas réussi à démontrer sa bonne foi.
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[1] Cass crim. 14/06/2000, Bull. n° 225.