Par Haas Avocats
Dans une affaire traitant de la mise en cause d’un maire pour la gestion financière de sa commune, s’est posée la question de l’application du droit de se taire devant les juridictions compétentes en la matière. C’est à cette occasion que la Cour d’appel financière a eu à clarifier les limites du droit au silence dans ce type de procédure.
Cependant, la Cour d’appel financière a estimé que cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ne présentait pas un caractère sérieux et a refusé de la transmettre au Conseil d’État.
En effet, pour la Cour d’appel financière, les règles des articles L. 31-1 à L. 131-6 du code des juridictions financières n’intéressent pas la procédure mais les règles de compétence et de fond applicables devant cette Cour.
Or le droit de se taire relève d’une garantie procédurale, ce qui est sans lien avec les textes dont la constitutionnalité est remise en cause par le requérant.
La Cour rappelle que le droit de se taire découle du principe selon lequel nul ne peut être contraint de s’auto-incriminer. Ce principe s’applique aux procédures répressives, notamment en matière pénale et disciplinaire, où une condamnation peut aboutir à des sanctions restrictives de liberté ou à des amendes.
Or, la juridiction financière n’est pas une juridiction pénale : elle se prononce sur la gestion des deniers publics et sur la responsabilité financière des décideurs publics. Les articles L. 131-1 à L. 131-16 du code des juridictions financières concernent principalement les compétences et les infractions financières, sans organiser la procédure juridictionnelle proprement dite. Par conséquent, la Cour considère que ces dispositions ne relèvent pas du domaine du droit de se taire.
De plus, l’article L. 141-5 du même code, qui permet aux magistrats de la Cour des comptes d’accéder à tous documents utiles pour leurs investigations, n’implique pas que les personnes mises en cause soient obligées de répondre à des questions susceptibles de les incriminer. Il organise, selon la Cour d’appel financière, le droit d’accès et de communication du personnel de la Cour des comptes aux documents, données et traitements des services et organismes soumis à son contrôle.
Ainsi, la Cour d’appel financière considère que l’absence, dans les dispositions invoquées, d’une obligation d’informer la personne mise en cause de son droit de se taire est sans rapport avec l’objet de ces textes législatifs.
Un autre argument décisif retenu par la Cour est que les règles de procédure applicables aux juridictions financières relèvent du domaine réglementaire et non de la loi. En effet, selon l’article 61-1 de la Constitution, seules des dispositions législatives peuvent faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Or, les modalités procédurales des juridictions financières, qui ne touchent ni à la procédure pénale ni à des principes fondamentaux garantis par la Constitution, sont fixées par voie réglementaire.
Ainsi, bien que soumise aux exigences de l’article 9 de la Constitution de 1958, la procédure devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes relève du pouvoir réglementaire et non du domaine législatif soumis au contrôle du Conseil constitutionnel.
Cette décision confirme la spécificité des juridictions financières : bien qu’elles puissent prononcer des sanctions pécuniaires, les justiciables ne bénéficient pas des mêmes garanties procédurales que devant des juridictions répressives. Les personnes mises en cause n’ont pas à être informées de leur droit au silence lors de la procédure.
Pour les élus et gestionnaires publics, ce rappel jurisprudentiel souligne la nécessité d’une gestion rigoureuse des finances locales et d’une transparence accrue lors des contrôles. En cas de contentieux, il devient essentiel d’être bien conseillé juridiquement pour naviguer dans les exigences spécifiques de ces juridictions.
***
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement personnalisé : spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle, le Cabinet HAAS Avocats vous accompagne dans tous vos projets numériques ou en cas de litige. Pour plus de renseignements, contactez-nous ici.