Notation en ligne abusive : une régulation renforcée des plateformes

Notation en ligne abusive : une régulation renforcée des plateformes
⏱ Lecture 3 min

Par HAAS Avocats

La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 7 mai 2025, a confirmé l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 4 juillet 2024 condamnant la société Heretic, éditrice du site de notation en ligne scamdoc.com, pour dénigrement.

Le site avait attribué un score de confiance extrêmement bas de 2% à une entreprise, la société Baronnies granulés & co, sans fournir une justification suffisamment étayée de cette évaluation négative.

Cette décision s'inscrit dans un contexte d'encadrement juridique croissant des plateformes de notation en ligne, dont l'influence sur la réputation des entreprises et des professionnels ne cesse de s'amplifier à l'ère numérique. Elle soulève des questions fondamentales sur la balance entre la liberté d'expression et la protection de la réputation commerciale.

Contexte juridique et évolutions récentes de la règlementation

Le statut juridique des plateformes de notation en ligne a connu une évolution significative ces dernières années, notamment avec :

  • La loi pour une République numérique de 2016, qui a introduit des obligations de transparence pour les plateformes collectant des avis en ligne (article L.111-7-2 du Code de la consommation) ;
  • Le règlement européen Digital Services Act (DSA), entré en vigueur en 2024, qui renforce les obligations des intermédiaires numériques ;
  • L'IA Act européen, adopté en 2024, qui encadre les systèmes algorithmiques, dont ceux utilisés pour la notation.

Ces textes imposent aux plateformes d'informer clairement les utilisateurs sur les méthodes de contrôle des avis, les critères de notation et l'éventuelle modération des contenus.

Condamnation d’une plateforme de notation en ligne : quels fondements juridiques ?

La Cour d'appel de Paris a estimé que le rapport édité par la société Heretic n'apparaissait « ni prudent, ni mesuré et conduit à attribuer une note extrêmement négative, sans l'étayer de manière suffisamment substantielle ».

Dans cette affaire, le caractère dénigrant du contenu publié par le site de notation résulte donc de deux éléments cumulatifs :

  1. L'attribution d'une note particulièrement défavorable (2%)
  2. L'absence de justification transparente et substantielle de cette évaluation

La Cour a notamment relevé que « d’une manière générale, les modalités de calcul du pourcentage attribué, la liste complète des critères, l’importance relative de tel ou tel critère, leur pondération ne sont pas explicitées », ce qui prive l'évaluation de la rigueur et de l'objectivité nécessaires.

Notations extrêmes en ligne : ce que dit désormais la jurisprudence

Cette décision envoie un signal fort aux opérateurs de plateformes de notation en ligne, qui doivent :

  • Veiller à la transparence des méthodes d'évaluation utilisées ;
  • S'assurer que les notes attribuées sont fondées sur des critères objectifs et vérifiables ;
  • Mettre en place des procédures de révision en cas de contestation ;
  • Documenter précisément le processus de notation pour pouvoir le justifier en cas de litige.

La prudence est particulièrement de mise pour les notes extrêmes (très basses ou très hautes), qui appellent une justification d'autant plus rigoureuse qu'elles sont susceptibles d'influencer fortement les consommateurs.

Quant aux entreprises victimes d'évaluations qu'elles estiment injustifiées, elles disposent désormais d'une jurisprudence favorable pour contester les notations défavorables, sous réserve de pouvoir démontrer :

  • Le caractère excessivement négatif de la notation ;
  • L'absence de transparence ou de justification suffisante ;
  • L'impact concret sur leur réputation commerciale et leur activité.

La voie du référé, validée par cette décision, offre une solution rapide et efficace pour obtenir le retrait des contenus litigieux, ce qui peut s'avérer crucial pour limiter l'impact réputationnel.

Plateformes de notation : quelles évolutions juridiques à prévoir ?

Cette décision s'inscrit dans une tendance jurisprudentielle plus large visant à responsabiliser les plateformes numériques. Elle illustre la recherche d'un équilibre délicat entre d’une part, la liberté d'expression et d'information des consommateurs et d’autre part, la protection de la réputation commerciale des entreprises.

À l'avenir, on peut s'attendre à un renforcement des obligations de transparence algorithmique pour les plateformes de notation, notamment sous l'impulsion du règlement européen sur l'intelligence artificielle. Les opérateurs devront probablement développer des méthodologies plus robustes et documentées pour leurs systèmes de notation.

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.

Haas Avocats

Auteur Haas Avocats

Suivez-nous sur Linkedin