Par Gérard Haas et Irène L'Homme
Le ministre délégué à la transition numérique, Jean-Noël Barrot, a saisi l’inspection générale des finances d’une mission globale sur les NFTs, visant notamment à proposer des pistes d’évolution de la règlementation afin de permettre le développement des acteurs du secteur.
C’est ainsi l’occasion de revenir sur la qualification légale des NFTs…
Qu’est-ce qu’un Non Fungible Token ?
Les Non Fungible Tokens (NFTs) sont des jetons numériques enregistrés sur la blockchain permettant d’authentifier des contenus numériques (fichier, image, son, etc.). Lorsqu’on achète un NFT, on achète le titre de propriété numérique du contenu, et non ce contenu lui-même.
Comme évoqué dans un précédent article, la valeur du NFT réside ainsi dans sa capacité à constituer une preuve irréfutable de la propriété et de l’authenticité du contenu.
Techniquement, ils correspondent à quelques lignes de code informatique contenant les éléments d’identification de l’émetteur, le nom du jeton et éventuellement de la collection à laquelle il appartient, ainsi que le numéro d’identification unique du jeton.
Juridiquement, les NFTs ne sont pas définis par la loi ou les règlements. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) recommande ainsi de retenir une approche au cas par cas afin de déterminer si un NFT peut constituer un actif numérique.
Quels sont les différents types d’actifs numériques ?
Selon l’article L.54-10-1 du code monétaire et financier, les actifs numériques comprennent :
- Les jetons, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers ;
- Les cryptomonnaies.
Définition des cryptomonnaies
Les cryptomonnaies sont des représentations numériques de valeur qui ne sont pas émises par une entité centralisée (banque centrale, autorité publique) et qui n’ont pas la qualification juridique de monnaie. Par ailleurs, les cryptomonnaies sont fongibles, c’est-à-dire qu’elles sont parfaitement interchangeables.
En effet, il n’est pas possible de différencier le bitcoin détenu par X du bitcoin détenu par Y. Chaque jeton de cryptomonnaies a ainsi la même valeur.
A l’inverse, les NFTs sont non réplicables du fait de leur numéro d’identification unique, adossé au contenu qu’ils représentent. Ils s’apparentent ainsi à des objets de collection, dont la valeur est indéfinie et subjective[1].
Définition des jetons d'utilités
Les jetons sont définis à l’article L.552-2 du code monétaire et financier comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits (…) ».
Cette notion de représentation de droits n’est pas explicitée par la règlementation.
Toutefois, il ressort des travaux préliminaires de la loi Pacte[2], du projet de règlement MICA[3] ou encore de l’autorité européenne des marchés financiers[4], que dès lors que le NFT donne accès à un bien ou à un service (l’accès à un concert, à des promotions sur des objets physiques, etc.), alors il constitue un jeton et partant, un actif numérique.
La question demeure de savoir si les éventuels droits de propriété intellectuelle conférés lors de la vente du NFT entrent dans cette définition, auquel cas nombre de NFTs pourraient être qualifiés d’actifs numériques.
L'exclusion des security token
L’article L.54-10-1 exclut de la qualification d’actif numérique, les jetons numériques qui remplissent les caractéristiques des instruments financiers, aussi appelés security token.
Ainsi, dès lors que le Token confère des droits financiers, ou qu’il possède les caractéristiques propres aux valeurs mobilières (actions, obligations) au sens de la Directive MIF2[5] et qu’il confère des droits financiers à ses détenteurs (droit aux dividendes par exemple), ce dernier pourra être qualifié de security token.
Cette qualification entraînera l’exclusion de la qualification d’actif numérique, et l’application de la règlementation financière et notamment du Règlement 2017/1129 (dit « Règlement Prospectus »), applicable en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé.
Ainsi, il appartient aux acteurs, et à leurs conseils, d’analyser précisément les droits que confèrent le NFT, afin d’en dégager son régime.
En effet, dès lors que le NFT sera qualifié d’actif numérique, il conviendra de déterminer les services que le prestataire souhaite fournir. Pour fournir les services sur actifs numériques listés à l’article L.54-10-2 du CMF, le prestataire devra s’enregistrer en tant que Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN) auprès de l’AMF.
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Le cabinet HAAS-Avocats, avec son département FINTECH et BLOCKCHAIN, accompagne les acteurs du digital et prestataires de services dans le cadrage juridique de leurs projets. Pour tous renseignements complémentaires, n’hésitez pas à nous contacter.
[1] Rapport d’information n°4753 de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux crypto-actifs du 1er décembre 2021.
[2] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4753_rapport-information
[3] Article 3.1. 5° du Règlement MiCA « jeton utilitaire ».
[4] ESMA, Advice, Initial Coin Offerings and Crypto-Assets, page 8.19.
[5] Cf. supra