Actualités juridiques et digitales

Meta et l’entraînement de l’IA : quelles garanties pour les données personnelles ?

Rédigé par Haas Avocats | Jul 1, 2025 10:47:16 AM

Par HAAS Avocats

La question de l'utilisation des données personnelles par les géants du numérique est au cœur des préoccupations en matière de protection de la vie privée. Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, est une fois de plus sous le feu des projecteurs en Europe, avec l'annonce de son intention d'utiliser les données de ses utilisateurs européens pour entraîner ses systèmes d'intelligence artificielle.

Données et IA : l’intérêt légitime de Meta sous le feu des régulateurs européens

Pour rappel, ce n'est pas la première tentative de Meta car, en 2024, un projet similaire avait été suspendu à la suite des échanges avec l'autorité irlandaise de protection des données notamment en raison de questionnements sur la base légale d'un tel traitement de données et sur la transparence de l'opération.

À la suite de ces échanges, et en collaboration avec les autorités européennes, Meta a :

  • Renforcé ses mesures de filtrage afin de minimiser le risque que des données personnelles soient conservées par ses modèles d'IA durant la phase d'entraînement ; et
  • Fait évoluer ses mesures de transparence via une information directe des utilisateurs de Facebook et Instagram ;
  • A tout de même fait le choix de la base légale « intérêt légitime » avec possibilité de s’opposer.

Quelles données sont concernées par l'entraînement de l'IA de Meta ?

À partir de fin mai 2025, Meta prévoit d'exploiter les données de tous les utilisateurs européens adultes de Facebook et d'Instagram pour former ses modèles d’IA, tels que Meta AI ou des modèles linguistiques comme Llama.

  • Il est important de noter que les données des utilisateurs de Meta AI sur WhatsApp ne sont pas directement concernées par cette nouvelle politique de traitement, une précision apportée par Meta.

Les données visées par l'entraînement incluent aussi bien les informations existantes que celles générées à l'avenir. Cela englobe spécifiquement les données contenues dans les publications publiques des utilisateurs adultes, telles que les textes, les photos et les commentaires.

Sont également concernées les données issues des interactions des utilisateurs, quel que soit leur âge, avec les services d'IA de Meta, comme par exemple les informations saisies dans les agents conversationnels (chatbots IA).

Les autorités européennes se sont d'ailleurs interrogées sur l'utilisation potentielle d'images d'utilisateurs de moins de dix-huit ans si celles-ci sont publiées par des utilisateurs adultes.

Peut-on vraiment s’opposer à l’utilisation de nos données par l’IA de Meta ? 

Face à ce projet, Meta a précisé que les utilisateurs recevront des notifications via leurs applications et/ou par courriel, et qu'une nouvelle politique de confidentialité devrait être effective d'ici fin mai 2025. Les utilisateurs qui ne souhaitent pas que leurs données personnelles soient utilisées pour l'entraînement des modèles d’IA de Meta ont la possibilité d'exercer leur droit d'opposition.

Pour ce faire, plusieurs voies sont offertes : il est possible de modifier les paramètres de confidentialité pour rendre les publications non accessibles au public, et surtout, de remplir un formulaire d'opposition spécifique, et ce, sans avoir à fournir de justification.

Des formulaires distincts sont disponibles pour Facebook et Instagram, mais, si un utilisateur possède plusieurs comptes liés au même « centre de comptes », l'opposition sera appliquée à tous ces comptes. Dans les autres cas, ou en cas de doute, il est conseillé de remplir un formulaire pour chaque compte.

Néanmoins, cette opposition ne s'applique qu'aux contenus directement publiés par l'utilisateur. Elle ne couvre donc pas les cas où un autre utilisateur (qui ne se serait pas opposé au traitement) met publiquement en ligne des publications ou des photos de la personne concernée.

L’IA de Meta est-elle compatible avec un RGPD sous vigilance européenne ?

Les autorités européennes de protection des données, dont la CNIL en France, restent pleinement mobilisées et attentives au respect du RGPD par Meta, particulièrement concernant l'exercice des droits des personnes concernées.

Des discussions sont toujours en cours entre l’autorité de protection des données irlandaise et Meta, et pourraient potentiellement entraîner de nouvelles évolutions en matière de protection des données personnelles.

Leurs interrogations portent notamment sur le caractère effectif du droit d'opposition pour les utilisateurs, ainsi que la compatibilité entre les finalités d'origine des traitements de données et cette nouvelle utilisation pour l'IA.

Alors que Meta relance son projet d'entraînement de ses systèmes d’intelligence artificielle à partir des données de ses utilisateurs européens, le débat sur l'équilibre entre innovation technologique et protection de la vie privée demeure plus que jamais d’actualité. Si certaines garanties ont été mises en place, de nombreuses questions persistent quant à l'efficacité réelle du droit d'opposition, à la portée du consentement implicite et à la protection des publics les plus vulnérables. Cette initiative soulève une problématique plus large : jusqu'où peut-on aller dans l’exploitation des données personnelles de ses utilisateurs au nom du progrès technologique ? A méditer…

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.