Par Laurent GOUTORBE et Julie SOUSSAN
L’office européen pour la propriété intellectuelle (EUIPO), par une décision du 11 janvier 2019, a entièrement prononcé la déchéance des droits de la société McDonald’s sur la marque de l’Union Européenne « Big Mac » qu’elle détenait depuis 1996.
Cette décision a fait grand bruit dans les media du fait de son caractère insolite et quelque peu troublant.
Comment en-est-on arrivé à une telle décision ?
Dans le cadre d’un conflit l’opposant à une société de fast-food irlandaise, cette dernière a engagé une action en déchéance des droits de la société McDonald’s sur sa marque européenne Big Mac pour défaut d’usage sérieux.
L’article 58 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit en effet que « le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage ».
Sûre de son fait, la société McDonald’s a produit devant l’EUIPO plusieurs éléments de preuve de l’exploitation de sa marque pour désigner son célèbre hamburger :
- Trois attestations signées par des représentants de la société McDonald’s en Allemagne, France et Royaume-Uni donnant des chiffres de vente des sandwichs McDonald’s dans la période de référence
- Des exemples d'emballage de la boîte de sandwich, des brochures promotionnelles et des imprimés d’affiches publicitaires
- Des captures écrans des sites de McDonald’s
Toutefois, l’EUIPO n’a pas fait d’exception pour la société McDonald’s dans l’appréciation des preuves d’usage sérieux portées à sa connaissance et les a jugées insuffisantes pour démontrer cet usage sérieux de la marque.
Elle a d’abord rappelé le faible crédit apporté aux attestations produites dès lors qu’elles émanaient de personnes appartenant à la société McDonald’s.
Elle a ensuite fait valoir que l’ensemble des documents émanaient de la société McDonald’s et que les captures écrans des sites Internet produites ne permettaient pas de prouver un usage sérieux, effectif et durable, tels qu’auraient pu le faire par exemple la fourniture de données de trafic ou de commandes en ligne à différents moments.
Enfin, elle insiste d’une part sur le fait qu’aucune information n'a été fournie sur la manière dont les brochures présentées ont été distribuées, à qui elles ont été offertes, et si elles ont conduit à des achats potentiels ou réels, et d’autre part, sur le fait qu’aucun élément de preuve indépendant n'a été présenté pour certifier du volume de produits Big Mac vendus en Europe et du chiffre d’affaires généré.
Jugeant les éléments de preuve fournis devant lui insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque européenne Big Mac, l’EUIPO a prononcé la déchéance des droits de la société McDonald’s pour défaut d’usage sérieux au sens de l’article 58 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017.
Cette décision montre que les actions et demandes reconventionnelles de déchéances des droits des titulaires de marques enregistrées depuis plus de 5 ans pour défaut d’usage sérieux sont des armes juridiques importantes en cas de conflit de marques.
Elle montre également que dans ce type d’action et de manière anticipée, les dossiers de preuve d’usage sérieux doivent être préparés avec soin pour démontrer un usage régulier et important dans la zone géographique de protection.
Ainsi, les preuves produites doivent couvrir la période de 5 ans pour laquelle les preuves d’usage sont sollicitées et démontrer un usage régulier (factures, bons de commandes, attestions d’expert comptables, publicités, attestations et preuves émanant de tiers, et pourquoi pas sondages d’opinion pour, en plus de démontrer l’usage sérieux, démontrer la notoriété de la marque.
La société McDonald’s dispose désormais d’un délai de deux mois pour faire appel de cette décision, ce qui aurait pour effet de suspendre la décision initiale et est désormais informée de la sévérité des offices tels que l’EUIPO dans l’examen des preuves d’usage sérieux de marques.
Le Cabinet HAAS Avocats est à votre disposition ici pour vous accompagner dans la mise en place d’actions en déchéance de droits des marques de tiers et de constitution de preuves d’usage sérieux de vos marques.