Par Haas Avocats
Les marketplaces sont-elles plus exposées aux risques en droit de la concurrence ?
La question mérite d’être posée eu égard aux sanctions associées aux infractions aux règles de la concurrence.
En effet, l’auteur d’une pratique anticoncurrentielle s’expose à une amende de 10% de son chiffre d’affaires annuel mondial HT[1]. La mise en œuvre de pratiques restrictives de concurrence est, quant à elle, sanctionnée par une amende pouvant notamment aller jusqu’à 5 millions d’euros ou 5% du chiffre d’affaires annuel réalisé en France[2].
Ces amendes sont naturellement sans préjudice des éventuels dommages et intérêts qui peuvent être sollicités devant les juridictions judiciaires par les victimes des pratiques.
La gestion du risque est d’autant plus délicate actuellement eu égard à la forte évolution des règles applicables, sur l’impulsion de nouvelles réglementations européennes (P2B, DSA, DMA, etc..).
Les marketplaces sont-elles soumises au droit de la concurrence ?
La notion de marketplace est définie dans l’article liminaire du code de la consommation[3] comme :
« un service utilisant un logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploitée par un professionnel ou pour son compte, qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d’autres professionnels ou consommateurs ».
Le Digital Services Act renvoie, quant à lui, à la notion de plateforme en ligne définie comme :
« un service d’hébergement qui, à la demande d’un destinataire du service, stocke, diffuse au public des informations ».
Le droit de la concurrence est applicable à la notion d’ « entreprise », notion dégagée par la jurisprudence européenne (et reprise par les autorités françaises) qui permet de soumettre différentes entités aux règles de concurrence[4]. L’entreprise est :
« une entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement ».
Une marketplace exerce bien une activité économique, consistant dans une activité d’intermédiation entre des professionnels et des consommateurs aux fins de vendre et d’acheter des produits et services. Partant, elle est pleinement soumise aux règles du droit de la concurrence.
Ces règles sont applicables quelle que soit sa taille et sa position sur le marché.
A quels niveaux se situe l’analyse du risque associé à l'activité des marketplaces ?
S’il est facile de déterminer les grandes catégories d’infractions au droit de la concurrence, il est, en revanche, plus délicat d’appréhender les risques associés à l’activité et ce pour deux raisons :
- D’une part, ils sont liés à la taille et la position de la marketplace sur le marché de produits et services considérés ;
- D’autre part, ils sont intrinsèquement liés à plusieurs facteurs spécifiques à la marketplace et à son fonctionnement : architecture contractuelle, pratiques métiers propres à la marketplace, architecture technique, etc…
L'analyse des risques inhérents aux marketplaces
Les analyses de risques doivent donc précisément être menées sur ces niveaux et doivent être réalisées in concreto.
Si l’on exclut le cas des très grandes marketplaces (lesquelles sont susceptibles d’entrer dans le cadre de la réglementation spécifique applicable au « contrôleur d’accès », en application du Digital Market Act), les analyses à mener portent sur les conditions générales de services applicables dans la relation entre l’opérateur de la marketplace et les entreprises utilisatrices.
En effet, ces conditions ne doivent pas intégrer de clauses susceptibles de caractériser une pratique restrictive de concurrence : déséquilibre significatif, avantage disproportionné, etc..
Le respect des obligations de transparence imposées par le règlement P2B concernant le classement, le référencement, les éventuels traitements différenciés, la suspension ou résiliation du compte vendeur doit également être scrupuleusement audité. A défaut, il est possible de caractériser une pratique restrictive de concurrence.
Pour que ces obligations de transparence soient remplies, il convient de comprendre et d’étudier le fonctionnement technique de la marketplace : comment les vendeurs sont-ils intégrés sur la marketplace ? Comment fonctionne l’algorithme de classement et de référencement des produits ? Sur quels paramètres est-il fondé ? Existe-t-il une possibilité d’agir sur ce classement ? La marketplace propose-t-elle un algorithme de tarification dynamique ? De quelles données se nourrit-il ? etc…
La marketplace impose-t-elle des règles qui lui sont spécifiques ? Une sélection des vendeurs pouvant proposer leurs produits et services est-elle mise en oeuvre ? La marketplace propose-t-elle, en concurrence avec les produits des vendeurs tiers, des produits sous sa marque ou la marque d’une filiale ? Interfère-t-elle dans la politique commerciale des vendeurs tiers (concernant les prix proposés, le service offert aux consommateurs – livraison, service client) ? etc…
Conformité des Marketplaces : comment évitez les pièges et sanctions juridiques ?
Toutes ces pratiques doivent être auditées ou anticipées avant leur déploiement afin de s’assurer qu’elles n’exposent pas la plateforme à une amende ou à la nullité de ses contrats ou de certaines de ses clauses.
Diverses sanctions ont déjà pu être prononcées à l’encontre des marketplaces, en lien avec leurs conditions générales de services et le fait qu’elles créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des vendeurs.
Peuvent notamment être citées les plateformes telles qu’Amazon, Booking ou Expedia qui ont vu certaines clauses de leurs contrats annulés :
- Clauses de parité ;
- Clause permettant une modification unilatérale du contrat à tout moment et sans préavis ;
- Clause permettant d’interrompre la fourniture ou de résilier le contrat à effet immédiat ;
- Clause intégrant des KPI non clairement identifiables pour les vendeurs ;
- Clause exonérant la plateforme de toute responsabilité pour les produits stockés dans ses entrepôts.
N’attendez pas un contrôle des services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ou d’une Autorité de concurrence pour vous assurer de la conformité de votre activité au droit de la concurrence.
Faire pratiquer un audit et obtenir d’un spécialiste le positionnement du risque concurrentiel est la première étape de votre compliance.
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[1] Le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.
[2] L’amende civile ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants :
- Le triple du montant des avantages indument perçus ;
- 5% du chiffre d’affaires HT réalisé en France lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ;
- Cinq millions d’euros.
Précisons enfin que les clauses ou contrats illicites peuvent également être déclarés nuls.
[3] Il est fait référence à la notion de « place de marché en ligne ».
[4] Cette définition est reprise dans le Digital Market Act.