Par Paul BENELLI, Julie SOUSSAN et Alexandre LOBRY
Aujourd’hui, près de la moitié (42%) des petites et moyennes entreprises européennes utilisent des places de marché en ligne pour vendre leurs produits et leurs services, selon une enquête Eurobaromètre.
En effet les Plateformes en ligne (moteurs de recherche, marketplaces, comparateurs de biens et services, réseaux sociaux ou plateformes collaboratives[1]) ont été vues comme un eldorado offrant de nouvelles perspectives commerciales.
Or qui dit Eldorado dit aussi souvent Far west.
Pour rappel, un opérateur de plateforme en ligne, en tant que simple intermédiaire, est censé rester neutre à l’égard de la politique commerciale déployée par les vendeurs[2] via sa plateforme. L’Opérateur est donc supposé se cantonner à la seule mise en relation du vendeur (ou du prestataire) référencé sur sa Plateforme, avec les utilisateurs de sa plateforme, susceptibles de devenir clients. Compte tenu de ce rôle de simple intermédiaire, l’opérateur est supposé ne pas garantir l’exécution de la vente découlant de sa mise en relation (et donc, en principe, ne pas engager sa responsabilité en cas de mauvaise exécution de la vente).
Toutefois, afin d’optimiser leur chiffre d’affaires et de dynamiser leur plateforme, de nombreux opérateurs ont commencé à s’immiscer dans la politique commerciale des vendeurs qu’ils référencent. Ces derniers se sont alors vu imposer un nombre croissant d’obligations plus ou moins contraignantes, en fonction du pouvoir de sanction que s’arrogeait l’opérateur (pénalités, pouvoir de déréférencement des offres commerciales publiées au sein du catalogue de la Plateforme, délais de reversement des sommes issues des ventes, etc.).
C’est pour remédier à ces nouvelles pratiques nées de l’absence de réglementation qu’a été déposé le 26 avril 2018, un projet de règlement européen promouvant l’équité et la transparence pour les « entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne » (les vendeurs et autres prestataires proposant leurs produits/services par l’intermédiaire de la Plateforme en ligne) dit Plateforme To Business (« P2B »)[3][4].
La finalisation de ce projet est en bonne voie, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne étant parvenus à un accord en février dernier[5].
Ce règlement a pour objectif d’encadrer les relations entre les services d’intermédiation en ligne et leurs utilisateurs professionnels.
Le règlement aura vocation à :
Le renforcement des obligations de loyauté des Opérateurs de plateforme est une des principales mesures envisagées par le Règlement « P2B ».
L’objectif est de mettre fin à la pratique consistant, pour un Opérateur de Plateforme, à suspendre ou clôturer le compte d’un vendeur de manière arbitraire. Les Opérateurs de Plateforme devront donc :
Le projet de règlement impose que les conditions générales [d’utilisation] (CGU) soient facilement accessibles et énoncées dans un langage clair et compréhensible.
Par ailleurs, toute modification des conditions générales entraine l’obligation pour l’opérateur de notifier l’utilisateur au moins 15 jours avant l’entrée en vigueur des nouvelles modifications, cette mesure devant permettre aux Utilisateurs d’adapter leur activité aux modifications envisagées.
Comme c’est déjà le cas en France pour les Plateformes « BtoC », les Opérateurs de plateforme devront divulguer les principaux paramètres qu’ils utilisent pour classer les biens et services sur leur site, afin d’aider les vendeurs à comprendre comment optimiser leur présence.
Dans le cas où ces plateformes interviendraient également en tant que vendeur, elles « devront communiquer de manière exhaustive tous les avantages qu’elles accordent éventuellement à leurs propres produits par rapport à d’autres ».
Conformément aux principes du RGPD, les opérateurs de plateforme devront indiquer à leurs utilisateurs quelles données elles collectent, la manière dont ces données sont utilisées et comment elles sont partagées avec leurs partenaires commerciaux.
afin de concourir aux obligations de transparence à la charge des Opérateurs de plateforme en ligne, le règlement encourage l’élaboration de codes de conduite.
Partant du constat que les utilisateurs professionnels de plateformes (les vendeurs ou prestataires référencés) rencontrent des difficultés pour faire entendre leurs réclamations, les plateformes auront l’obligation de mettre en place un système interne de traitement des plaintes. Les plateformes devront également offrir aux entreprises des solutions de médiation.
Les associations professionnelles auront la possibilité d’intenter une action de groupe en cas de manquement par une Plateforme des obligations issues du règlement.
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Si le règlement européen « P2B » est encore au stade de projet, il n’en demeure pas moins qu’il marque la volonté des instances européennes de mettre en place un environnement loyal et transparent pour les utilisateurs professionnels opérant sur des Plateformes en ligne.
Cette initiative est particulièrement louable, dans un contexte où :
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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035720908&categorieLien=id
« Publics concernés : toute personne dont l'activité repose soit sur le classement, le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers, soit sur la mise en relation, par voie électronique, de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service.
Objet : obligations d'information incombant aux plateformes numériques ayant une activité de moteur de recherche, de place de marché, de comparaison de biens et services, de réseau social ou encore dédiée à l'économie collaborative. »
[2] https://www.haas-avocats.com/ecommerce/cles-juridiques-pour-reussir-marketplace/
[3] http://info.haas-avocats.com/droit-digital/5-innovations-juridiques-pour-les-plateformes-et-marketplaces-en-2019
[4] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52018PC0238&from=FR
[5] https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6090-2019-INIT/en/pdf
[6] https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-12/cp170136fr.pdf
[7] http://info.haas-avocats.com/droit-digital/5-innovations-juridiques-pour-les-plateformes-et-marketplaces-en-2019
[8] https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2019/cp-venteprivee-100119.pdf