Loterie publicitaire et jeu-concours : les pièges à éviter

Loterie publicitaire et jeu-concours : les pièges à éviter
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Par Haas Avocats

Les loteries publicitaires sont des techniques marketing couramment utilisées, tant au sein du monde physique (magasins et centres commerciaux), qu’au sein du monde digital (sites internet, réseaux sociaux, etc..).

Elles permettent d’animer une communauté de consommateurs autour d’une marque ou d’une enseigne et d’attraire de nouveaux clients.

La pratique est encadrée par la loi. Le non-respect des dispositions applicables n’est pas sans risques. Des consommateurs lésés et trompés peuvent solliciter la réparation de leur préjudice.

Dans un arrêt du 22 novembre 2022[1], la chambre criminelle de la Cour de cassation est précisément venue apporter un éclairage sur la réparation pouvant être sollicitée.

Ainsi, et tout en reconnaissant que des pratiques commerciales trompeuses étaient caractérisées, elle a considéré que la faute était délictuelle et qu’ainsi la réparation du préjudice auquel les consommateurs trompés pouvaient prétendre tenait dans la réparation de leur préjudice moral, en l’absence de démonstration suffisante de « l’intérêt patrimonial auquel le comportement sanctionné [avait] porté atteinte ».

Une occasion de faire le point sur les loteries publicitaires : conditions de validité, risques et pièges à éviter.

Loterie, loterie publicitaire, jeu-concours, des pratiques autorisées ou interdites ?

Les loteries sont des pratiques commerciales réglementées par la loi.

Par principe, elles sont interdites par le Code de la sécurité intérieure[2] :

  • Soit en raison de la nature des lots attribués (armes à feu, animaux vivants sauf exceptions) ;
  • Soit car elles reposent sur les quatre éléments suivants :
    • une offre au public,
    • l’espérance d’un gain,
    • l’intervention du hasard,
    • une participation financière exigée par l’opérateur quelle qu’en soit la forme et même soumise à remboursement ultérieur.

Précisons que cette interdiction concerne également les jeux « dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire des joueurs ».

Néanmoins, certaines exceptions existent et permettent l’organisation de loteries, notamment lorsque ces dernières sont organisées exclusivement dans un cadre d’actes de bienfaisance, dans un cadre associatif, ou les loteries foraines[3].

Les opérations commerciales promotionnelles faisant naître l’espérance d’un gain (appelées également loteries publicitaires ou jeu-concours) sont, quant à elle, autorisées.

Régies par l’article L121-20 du Code de la consommation, elles se définissent comme suit :

« une pratique commerciale mise en œuvre par les professionnels à l’égard des consommateurs, sous la forme d’opérations promotionnelles tendant à l’attribution d’un gain ou d’un avantage de toute nature par la voie d’un tirage au sort, quelles qu’en soient les modalités ou par l’intervention d’un élément aléatoire ».

Les loteries publicitaires peuvent être des loteries avec ou sans pré-tirage au sort (l’élément aléatoire est, en l’espèce, un critère clef pour leur validité).

Les jeux-concours promotionnels sont compris dans le périmètre de l’article L121-20 du Code de la consommation, dès lors qu’ils sont gratuits sans obligation d’achat.

Toutefois, pour être légale, une loterie publicitaire ou un jeu-concours ne doit pas présenter de caractère déloyal.

Loteries publicitaires ou jeu-concours : quels pièges à éviter ?

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle « est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service »[4].

Jeu-concours et pratiques commerciales trompeuses

Les pratiques commerciales trompeuses font partie de la catégorie des pratiques commerciales déloyales et consistent à induire en erreur le consommateur[5], par exemple :

  • en créant la confusion dans l’esprit du consommateur vis-à-vis d’un autre bien, service, marque d’un concurrent, ou encore,
  • en lui présentant des « allégations, indications ou présentations fausses» notamment sur les caractéristiques essentielles d’un bien ou d’un service, ou encore sur le prix, le mode de calcul du prix ou le caractère promotionnel du prix.

Loterie publicitaire et transparence de l'information

Afin de pouvoir proposer en toute sécurité juridique une loterie publicitaire, un e-commerçant doit donc s’assurer de la transparence des informations relatives à une telle opération, et notamment :

  • du caractère aléatoire du gain espéré[6], comme modalité d’obtention des dotations, tout comme de la nature et du prix de celles-ci,
  • des conditions et modalités de l’opération et de participation,
  • des restrictions éventuelles de participation,
  • ou encore de la durée de l’opération.

Dans le cadre de l’arrêt précité, les consommateurs considéraient avoir été trompés dans la mesure où les sociétés concernées leur avaient fait « miroiter des gains de loterie inexistants dans le cadre de publipostage ». L’opération était, en conséquence, de nature à présenter « comme une certitude un évènement hypothétique »[7].

En synthèse, toute loterie publicitaire :

  • opaque sur les modalités d’obtention du gain concerné,
  • faisant l’amalgame entre la participation au jeu et la nécessité de passer ou non commande,

expose la société organisatrice à un risque de pratique commerciale trompeuse.

Loterie publicitaire trompeuse, quel risque financier ?

Une loterie publicitaire trompeuse peut aboutir à la réparation du préjudice subi par les consommateurs dans le cadre d’une action judiciaire.

En la matière, les juridictions ont déjà eu l’occasion de se pencher sur le sujet, en considérant notamment que « le préjudice moral du consommateur est constitué par la profonde déception qu’il a ressentie à la suite de l’annonce qu’il n’avait pas gagné la somme promise, ce préjudice étant à la mesure de l’espérance du gain qu’il avait pu entretenir »[8].

Pour autant, il convient de rappeler que le caractère réparable du préjudice subi repose notamment sur :

  • son caractère direct vis-à-vis du comportement fautif qu’il a engendré,
  • la nature de la responsabilité en cause.

En l’espèce, la Cour d’appel avait condamné les sociétés en question sur le terrain quasi-contractuel.

En effet, le quasi-contrat d’annonce de gain a été reconnu par la chambre mixte de la Cour de cassation en 2002 et concerne le cas où un consommateur se voit annoncer l’obtention d’un gain alors qu’il ne l’a pas réellement obtenu[9].

Dans son arrêt, la Cour de cassation a constaté pour sa part :

  • qu’il n’existait pas de quasi-contrat entre les sociétés et les demandeurs, de sorte que la réparation de leur préjudice ne pouvait reposer que sur le caractère délictuel de la faute commise et,
  • que les intérêts patrimoniaux des demandeurs vis-à-vis des comportements sanctionnés n’étaient pas suffisamment démontrés.

Ainsi, seul le préjudice moral découlant de la déception engendrée par « l’absence de perception des gains promis » a été considéré comme réparable en l’espèce.

En synthèse, le périmètre réparable du préjudice subi par les consommateurs lésés par une pratique commerciale trompeuse repose sur plusieurs critères :

  • si la loterie publicitaire répond aux caractéristiques du quasi-contrat : le consommateur lésé, nommément désigné comme gagnant du lot, devrait obtenir la condamnation du professionnel à lui délivrer le lot promis, dès lors qu’il n’aurait pas informé le consommateur du caractère aléatoire du gain,

  • si la loterie publicitaire n’est pas un quasi-contrat et que la pratique commerciale trompeuse constitue une faute délictuelle : le consommateur lésé pourra obtenir :

  • la réparation de son préjudice moral découlant de la déception engendrée par le fait de ne pas avoir gagné le lot promis et,

  • le cas échéant, un préjudice patrimonial complémentaire, à condition toutefois de justifier des montants demandés et de son intérêt patrimonial vis-à-vis du gain concerné.

 

En tout état de cause, un tel arrêt est de nature à rappeler aux e-commerçants de bien veiller à assurer la transparence des informations inhérentes à leurs opérations commerciales de loterie publicitaire ou de jeu-concours.

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[1] Cass. Crim. 22 novembre 2022, n°21-86.010

[2] Article L320-1 du Code de la Sécurité Intérieure.

[3] Article L320-6 du Code de la Sécurité Intérieure

[4] Article L121-1 du Code de la consommation qui définit les pratiques commerciales comme déloyales dès lors qu’elle « est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service

[5] Article L121-2 du Code de la consommation

[6] Civ. 1re, 14 janv. 2010, no 08-16.159: RTD civ. 2010. 325, obs. Fages

[7] Cass. Crim. 22 novembre 2022, n°21-86.010 points 2 et 3

[8] TGI Paris, 31 janv. 1996: Gaz. Pal. 1996. 1. Somm. 266

[9] Cass. chbre mixte, 6 septembre 2002, n°98-22.981 : « les quasi-contrats étant des fait purement volontaires de l’homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ».

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