Par Gérard Haas et Miléna Letinaud
A l’aune de la crise sanitaire, les consommateurs sont d’autant plus friands d’une nouvelle façon de consommer : une consommation éco responsable, moins onéreuse et à distance qui plus est !
Cette logique s’inscrit parfaitement dans la démarche de consommation des produits de seconde main.
La vente en ligne de produits reconditionnés est en plein épanouissement.
L’essor des plateformes de produits reconditionnés
Les produits reconditionnés, tout comme les produits d’occasion, sont le fruit d’un bien acquis pour une seconde fois : vous n’êtes pas le premier propriétaire.
Néanmoins les produits reconditionnés se distinguent des produits d’occasion dans le sens où ils sont proposés à la vente après avoir fait l’objet d’un contrôle technique.
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a précisé que les conditions dans lesquelles un professionnel pourrait utiliser les termes « reconditionné ou produit reconditionné » seraient prévues par décret. Le projet de décret a été soumis à la Commission européenne mais n’a toujours pas été publié à ce jour.
Le e-commerce facilite le commerce des produits reconditionnés, et notamment, les plateformes se multiplient :
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Back Market spécialisée dans la revente d’objets électroniques reconditionnés fait désormais partie des « licornes » françaises.
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Vinted est une plateforme proposant des vêtements et des accessoires d’occasion.
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Leboncoin ou encore eBay permettent une seconde vie à des objets de nombreux domaines : bricolage, téléphonie, jeux vidéo, vêtements, voiture…
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L’enseigne Cash Converters a lancé sa marketplace de produits d’occasion.
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Récemment, Electro Dépôt a aussi entendu diversifier son fonctionnement avec la mise en place de Recomania marketplace de l’électroménager reconditionné.
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Ou encore Refurbed qui a levé pas moins de 54 millions de dollars pour sa marketplace de produits électronique.
Le « Baromètre des nouvelles tendances de consommation » de 2021 énonce les habitudes de consommation des français :
- 58% d’entre eux déclarent avoir déjà pratiqué la seconde main par l’intermédiaire d’un site ou d’une application.
- 29% à l’achat et 35% à la vente expriment avoir recouru au marché de l’occasion, quelle que soit la catégorie.
- Les catégories les plus vendues et achetées sont les vêtements et le mobilier.
Dès lors, nombreux sont les secteurs concernés et les chiffres sont particulièrement éloquents concernant l’accroissement du développement et de l’attractivité des plateformes de produits reconditionnés.
Cet essor s’inscrit dans une démarche éco responsable où pour les marques, le e-commerce des produits reconditionnés concourt à leur responsabilité sociétale qui est définie par la commission européenne comme l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. Dans cet esprit, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France a prévu la notion de redevance pour copie privée appliquée aux produits reconditionnés.
Néanmoins, comme dit plus haut, les produits reconditionnés se distinguent des produits d’occasion dans le sens où ils sont proposés à la vente après avoir passé un contrôle technique. Seulement ce contrôle technique ne fait l’objet d’aucune réglementation. De fait, le consommateur n’a aucune assurance de l’effectivité du contrôle.
Vigilance face aux insuffisances de la réglementation relative aux produits reconditionnés
Au titre des insuffisances de la réglementation relative aux produits reconditionnés, la DGCCRF alerte sur l’état réel du produit reconditionné commercialisé.
Près de 50 % des produits reconditionnés manqueraient d’information délivrée au consommateur.
Elle relève à titre d’exemple les mentions d’informations relatives au produit sur les plateformes « Reconditionné comme neuf, Occasion comme neuf, Occasion à neuf, Excellent état, Très bon état, Bon état, État correct, Equivalent au neuf ». Ces éléments sont importants, d’autant plus en ligne lorsque le consommateur ne peut pas manipuler le produit reconditionné.
Pour la DGCCRF, la classification se limite à l’aspect visuel du produit ce qui ne permet pas de répondre aux exigences du code de la consommation.
Au-delà de l’état réel du produit reconditionné, sont constatées des insuffisances en matière de garanties. Pour l’heure, le consommateur a une protection limitée.
A compter de l’achat d’un produit reconditionné, le consommateur doit bénéficier d’une garantie légale de conformité[1] dont les conditions sont énoncées dans le code de la consommation. En cas de défaut de conformité, le vendeur devra réparer ou remplacer le produit reconditionné, réduire le prix de l’achat ou encore procéder à la résolution du contrat de vente.
Le code de la consommation prévoit que le défaut de conformité est présumé exister au moment de la délivrance pour une durée de deux ans pour les biens neufs, et cette durée est réduite à un an pour les produits d’occasion, ce qui vaut également pour les produits reconditionnés.
Le consommateur est également en droit de bénéficier de la garantie des vices cachés[2] qui couvre tout type de produit durant une durée de deux ans. Seulement il revient au consommateur d’en rapporter la preuve, il n’y a pas de présomption prévue par le législateur à cet égard.
Aussi, le consommateur peut bénéficier de la garantie commerciale[3] qui repose sur un contrat entre le vendeur et le consommateur.
Enfin, toujours dans une logique de protection pour le consommateur, le code de la consommation prévoit un délai de rétractation[4] de 14 jours pour les contrats conclus à distance.
Il faut être vigilant face aux sanctions à ces manquements qui sont importantes pour le vendeur :
Selon l’article L241-5 du code de la consommation une amende civile peut être prononcée à l'encontre du vendeur faisant obstacle de mauvaise foi à la mise en œuvre de la garantie légale de conformité. L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, les associations de défense des consommateurs, le ministère public ou le consommateur peuvent demander à la juridiction saisie de prononcer une amende maximale de 300 000 euros. Ce montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés des pratiques en cause, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date de la décision.
De plus, la juridiction peut ordonner : la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise.
Dans ces deux hypothèses, les frais sont supportés par la personne condamnée.
Selon l’article L241-10 du code de la consommation, tout manquement aux modalités de la mise en conformité du bien est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.
Alors face à cette effervescence des plateformes de produits reconditionnés, qui est une démarche qu’il convient de souligner : il apparaît comme primordial vendeurs et consommateurs de veiller au respect et à la protection de vos droits !
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[1] Articles L217-3 et suivants du code de la consommation
[2] Article L211-1 code de la consommation
[3] Article L217-21 et suivants du code de la consommation
[4] Article L121-16 et suivants du code de la consommation