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Les bonnes pratiques pour rédiger des clauses de conciliation préalable

Rédigé par Gérard HAAS | Sep 16, 2022 6:22:54 AM

Par Gérard Haas et Romain Delangle 

A l’heure où la majeure partie des contentieux commerciaux trouve une issue amiable, les modes alternatifs de règlement des différends, ou « MARD » dans le jargon, ont le vent en poupe.

Peut-être les praticiens ont-ils été influencés par le désormais célèbre dicton selon lequel « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », ou par Georges Clémenceau qui considérait qu’un « arrangement médiocre, ou une paix boiteuse, vaut mieux que la guerre ».

Parmi les « MARD », le recours à la conciliation est fréquent dans les litiges contractuels, et les clauses de conciliation préalable sont devenues monnaie courante dans les conventions. Si les parties ont le réflexe de prévoir ces clauses, encore faut-il qu’elles les appliquent convenablement afin de profiter de leur plein potentiel.

La chambre commerciale de la Cour de cassation[1] a récemment rappelé des cocontractants à leurs bons devoirs dans la mise en œuvre de ces stipulations. Les clauses de conciliation impliquent nécessairement une démarche active de leur part dans la recherche d’une solution à leur différend. Cet arrêt est également l’occasion de rappeler les avantages de recourir à la médiation.

Quel est l'intérêt de la conciliation ?

Peut-être serait-il opportun de revenir à la définition même de la conciliation pour répondre à cette question. Qu’elle soit prévue dans le cadre d’une clause d’un contrat où que les parties s’y résolvent à la survenance d’un litige, la procédure de conciliation a pour objectif d’obliger les parties à négocier de bonne foi pour trouver une solution amiable à leur litige, le plus fréquemment en ayant recours à un tiers impartial et tenu d’une obligation de confidentialité[2].

Que l’on ne s’y méprenne guère : il ne s’agit pas « d’échapper au juge », mais de tenter de trouver un terrain d’entente pour mettre fin à un différend. En cas d’échec de la médiation, les parties pourront librement saisir la juridiction compétente. A l’instar de certaines dispositions du code de procédure civile qui contraignent des parties à tenter de se concilier avant d’engager une procédure judiciaire, les clauses de conciliation font de cette tentative d’entente amiable une condition sine qua non de la saisine du juge.

Mais alors pourquoi chercher à régler ses différends soi-même alors qu’il existe des magistrats dont le métier est précisément de trancher des litiges ?

En réalité, la conciliation présente de nombreux intérêts :

  • La rapidité. On le sait, une procédure judiciaire est souvent longue, et les décisions des juridictions ne sont généralement pas rendues avant plusieurs mois[3]. Les délais du contentieux sont parfois un obstacle dans la poursuite des relations entre les parties. On imagine bien les difficultés qu’auraient deux cocontractants à poursuivre leurs relations alors qu’un litige est en cours… La conciliation offre cet avantage d’être rapide.

  • La gratuité. Si une procédure contentieuse peut s’avérer coûteuse et contraindre les parties à provisionner d’importantes sommes, la conciliation est gratuite ou peu onéreuse.

  • La confidentialité. Contrairement aux procédures contentieuses, la conciliation garantit aux parties une totale confidentialité, tant sur l’objet de leur litige que sur l’existence même d’un différend.

  • La garantie de ne rien y perdre. En aucun cas une conciliation ne peut léser une partie. En cas d’échec, ces dernières pourront toujours saisir le juge compétent sans que le résultat de la phase de conciliation n’ait un quelconque impact sur la décision que rendra la juridiction.

  • Le rapprochement des parties. La conciliation vise à rapprocher deux parties tandis que le procès tranchera un litige au terme de débats au cours desquels les parties auront été constamment dans la confrontation et dans la contestation de leurs arguments respectifs.

Comment rédiger ma clause de conciliation ?

Si la validité des clauses de conciliation dans les contrats est aujourd’hui largement admise, y compris par la Cour de cassation[4], la CJUE[5], et la Cour EDH[6], il n’en demeure pas moins que ses rédacteurs doivent respecter une certaine rigueur et notamment :

  • Il doit ressortir de la clause la volonté des deux parties de se voir soumises à la procédure de conciliation ;

  • La clause doit prévoir des conditions spécifiques de mise en œuvre ;

  • La clause est limitée dans son étendue. Il est entre autres possible de limiter la durée de la conciliation.

La mise en œuvre de la clause de conciliation implique une démarche active des parties

C’est en effet ce que rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 6 juillet 2022.

Dans le litige qu’elle devait trancher, plusieurs personnes physiques avaient cédé l’intégralité du capital qu’elles détenaient dans une société. Une clause de conciliation préalable était prévue dans la garantie de passif que les cédants avaient consentie. Souhaitant activer cette garantie, et face au refus des cédants d’accéder à ses demandes, l’acquéreur a saisi le juge. Les cédants ont alors opposé une fin de non-recevoir à l’acquéreur, faisant valoir que la clause de conciliation préalable à la saisine du juge n’avait pas été respectée. L’acquéreur se défendait arguant du fait qu’il avait notifié sa demande aux vendeurs par lettre RAR, lettre à laquelle les cédants avaient répondu.

Un simple échange de courriers permet-il de considérer que la clause de conciliation a bien été respectée ?

Non, selon la Cour de cassation, qui considère que la procédure de conciliation implique une démarche active des parties à rechercher un arrangement amiable à leur litige. De simples échanges de courriers ne permettent pas de justifier d’une démarche active des parties pour résoudre leur problème.

Plus que jamais, la haute juridiction réaffirme son soutien aux MARD en rendant une décision conforme à la jurisprudence actuelle sur ces questions

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[1] Cass. Com, 6 juillet 2022, n° 20-20.085 F-B, Sté Findis c/ S.

[2] L’article 1528 du code de procédure civile prévoit expressément le mécanisme de la conciliation.

[3] Selon le rapport « Les chiffres clés de la justice 2021 » publié par le Ministère de la Justice, 95 % des contentieux civils se terminent au bout de 38,8 mois… soit plus de 3 ans de procédure.

[4] Cass., chambre mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423

[5] CJUE 18 mars 2010, aff. C-317/08, C-318/08, C-319/08 et C-320/08

[6] CEDH 26 mars 2015, n° 11239/11, Momcilovic c. Croatie