L’encadrement juridique des drones face à l’usage militaire

L’encadrement juridique des drones face à l’usage militaire
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Par Haas Avocats

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’usage des drones connaît un bouleversement stratégique. Ces appareils, autrefois majoritairement cantonnés à des usages civils, sont désormais au cœur des opérations militaires modernes. Ce changement d’échelle est de nature à transformer l’équilibre industriel du secteur, mais aussi à entraîner un déplacement profond du cadre juridique applicable.

De la commande publique d’urgence à la révision des normes de sécurité, les guerres modernes ont ainsi agi comme un accélérateur de dérégulation partielle et de redéfinition de la souveraineté technologique. Cette actualité soulève des enjeux juridiques majeurs.

Marché des drones : essoufflement du civil, dynamisme du militaire

Face à des besoins militaires grandissants, les États ont massivement investi dans des drones à usage tactique.

L'industrie française, longtemps dominée par les constructeurs chinois, a trouvé un nouveau souffle à travers ce redéploiement, à l’image des sociétés Parrot, Delair, Drone Volt ou encore Alta Ares. Ces entreprises ont notamment vu leur chiffre d’affaires bondir dans le secteur militaire, certaines réalisant désormais jusqu’à 80 % de leurs revenus grâce à des contrats de défense. En parallèle, les cas d’usage civil stagnent, confrontés à un manque de débouchés, une pression concurrentielle intense et des contraintes réglementaires strictes.

Comment les drones militaires allient-ils souveraineté, flexibilité juridique et innovation ?

Drones militaires : l’urgence opérationnelle bouscule les règles de la commande publique

L’urgence opérationnelle a permis au secteur militaire et plus spécifiquement aux armées, de contourner certaines lourdeurs administratives classiques du Code de la commande publique, notamment via des procédures de gré à gré, contrats conclus directement avec un fournisseur sans mise en concurrence, ou des acquisitions « sur étagère », consistant à acheter des équipements déjà disponibles sur le marché sans adaptation spécifique.

Bien que justifiée par l'article R. 2361-8 du Code de la défense, cette simplification pose la question du respect des principes d’égalité d’accès et de transparence dans la commande publique, permettant la mise en place de procédures adaptées dans l’intérêt de la sécurité nationale…

Souveraineté technologique : vers une Europe moins dépendante des composants chinois

Face à la dépendance technologique vis-à-vis de la Chine, plusieurs entreprises européennes ont fait le choix audacieux d’écarter de manière volontaire les composants chinois de leurs systèmes, afin de préserver leur souveraineté technologique. Cette logique s’inscrit dans un cadre plus large, marqué par le renforcement des contrôles sur les investissements étrangers dans les secteurs sensibles et par la législation européenne sur les biens à double usage.

Ce mouvement contribue à un durcissement du cadre juridique applicable aux entreprises jugées stratégiques, ce qui peut freiner leur ouverture ou leur cession à des acteurs étrangers.

L’assouplissement du cadre de développement et de tests des innovations militaires

Le cadre civil impose des règles strictes en matière de sécurité et de certification. En revanche, dans le secteur militaire, ces règles sont souvent assouplies. Les zones de conflit permettent de tester rapidement des technologies, en prenant des risques qui seraient prohibés dans le cadre d’un usage civil.

Cela crée alors un véritable écart entre les règles applicables selon l’usage du drone, qu’il soit militaire ou civil, pouvant alors freiner le passage de certaines innovations vers le marché civil.

Une évolution en cours du cadre juridique applicable aux drones ?

A terme, l’essor des drones militaires pourrait structurer un nouveau droit hybride autour des technologies duales. Plusieurs innovations (pilotage autonome sans GPS, la navigation en basse altitude ou l’analyse d’image par IA, etc.…) ont ainsi vocation à rejoindre le domaine civil, à condition que les verrous juridiques soient levés.

Toutefois, cette transition se heurte encore à des interrogations en lien avec le respect de la vie privée, l’acceptabilité sociale entamée par les usages policiers en période de crise sanitaire, et à l’absence de cadre harmonisé pour les couloirs aériens automatisés.

Un encadrement juridique plus clair de la circulation des drones en zone dense ou urbaine semble donc nécessaire.

La guerre en Ukraine a ainsi permis de révéler le rôle central des drones dans les guerres modernes et propulsé l’industrie dans une ère de production rapide, ciblée et souveraine. Ce bouleversement technologique a nécessairement entraîné une adaptation du droit, marquée par des assouplissements réglementaires, une révision des priorités industrielles et une vigilance accrue sur les questions de souveraineté. Toutefois, cette militarisation accélérée ne saurait faire oublier les enjeux civils à venir : encadrement juridique des transferts technologiques, garantie de la sécurité des usages en temps de paix et restauration de l’acceptabilité sociale d’un objet.

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