Le préjudice subi d'un cartel peut s'évaluer sur la marge

Le préjudice subi d'un cartel peut s'évaluer sur la marge
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Par Eve Renaud-Chouraqui et Théo Renaudie 

Dans le cas où un acheteur public a été victime d’une entente, son préjudice peut être évalué en comparant la marge élevée, que le vendeur pouvait se permettre grâce au cartel, par rapport à la marge plus faible, dans une situation de marché libre, une fois l’entente dissoute.

 

À propos de CE 27 avr. 2021, Société Lacroix City Saint-Herblain, req. n° 440348

 

Entre 1997 et 2006, huit entreprises du secteur de la signalisation routière ont formé un cartel afin de pouvoir se partager les marchés publics et tirer les prix à la hausse.

Cette entente élaborée au fil de nombreuses réunions au sein de prestigieux restaurants parisiens a permis à ce « club » d’augmenter ses marges, tout en continuant à remporter les marchés grâce à la modification artificielle du marché.

Les membres du cartel s’étaient même dotés d’un système de sanctions internes afin de pouvoir remettre dans le droit chemin les participants qui ne jouaient pas le jeu.

L’Autorité de la concurrence a lourdement condamné les entreprises en cause.

Au total, ce sont 52 712 000 euros de sanctions qui se sont abattues, avec pour certaines des amendes majorées de 20 à 25 %, puisqu’ils n’en étaient pas à leur premier fait d’arme : c’est notamment le cas de la société Lacroix Signalisation avec 7 720 000 euros d’amende.

Par cette décision 10-D-39 du 22 décembre 2010, l’Autorité de la concurrence a rappelé aux commanditaires de marchés publics qu’ils étaient en droit d’obtenir réparation du préjudice découlant de l’entente.

En effet, le cartel ayant conduit à une augmentation artificielle des prix, les commanditaires avaient été amenés à exposer des dépenses plus importantes.

C’est ainsi que le Département de la Loire-Atlantique a décidé de former un recours devant le Tribunal administratif de Nantes afin d’obtenir réparation de son préjudice, estimé à 5 millions d’euros.

Ce-dernier a fait droit à sa demande à hauteur de 3 millions.

En appel, la Cour administrative de Nantes a porté la condamnation à la somme de 4 121 124 euros.

La société Lacroix Signalisation, insatisfaite de la méthode de calcul du préjudice utilisée, a formé un recours en cassation auprès du Conseil d’État qui s’est alors prononcé le 27 avril 2021.

La société de signalisation invoquait les dispositions de l’article R. 621-7 du code de justice administrative, aux termes duquel les parties sont averties par l’expert des jours et de l’heure de l’expertise, pour exciper de l’irrégularité des expertises menées.

Le Conseil d’Etat refuse de faire droit à cet argument considérant que si des réunions avaient été organisées, les parties auraient dû en être avisées. Toutefois, et dans la mesure où ce ne fut pas le cas, le texte ne pouvait trouver à s’appliquer.

Les expertises n’étant donc entachées d’aucun vice, c’est à bon droit que la Cour administrative d’appel de Nantes avait retenu la méthode de calcul proposée par l’expert, laquelle consistait « à comparer les taux de marge de la requérante pendant la durée de l'entente et après la fin de celle-ci pour en déduire le surcoût supporté par le département de la Loire-Atlantique sur les marchés litigieux. ».

Il ressort de ce qui précède qu’une collectivité publique subit nécessairement un préjudice du fait de la réponse biaisée à ses appels d’offres de la part d’entreprises participant à une entente.

Ce préjudice est réparable et doit être calculé en comparant les marges normales et les marges des entreprises parties à l’entente.

Les victimes des pratiques ne doivent donc pas hésiter à introduire tout recours permettant d’obtenir la réparation de leur préjudice.

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Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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