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Le code de la consommation au secours des sociétés victimes de faux avis

Rédigé par Frédéric PICARD | Apr 14, 2022 12:44:05 PM

Par Frédéric Picard, Charlotte Paillet et Margaux Laurent

La possibilité pour les consommateurs de donner leur avis en ligne[1] sur un produit ou un service a pris de plus en plus d’ampleur ces dernières années.

Les plateformes comme Google My Business ou Trust Pilot se sont multipliées et les consommateurs n’hésitent plus à déposer leur avis concernant leurs expériences.

Toutefois les plateformes permettant la publication de ces avis ont un fort impact sur la e-réputation des sociétés et sur leur image de marque. En effet, selon un sondage IFOP, 88% des consommateurs consultent les avis en ligne avant de conclure leur achat. Cela leur permet de s’informer sur la qualité du service proposé, de se rassurer, à l’image de l’essai avant l’achat d’un article en boutique physique. Ainsi, les avis représentent des sources d’information supplémentaires qui peuvent aider le consommateur à se décider plus facilement.

Selon une enquête de la DGCCRF, un peu moins de la moitié des avis en ligne sont conformes, le taux d’anomalie se rapprochant de 45%. L’enjeu de ces avis en ligne dans la décision d’achat et d’e-réputation entraine de nombreux abus, notamment afin de gagner des parts de marché ou de discréditer un concurrent.

Que faire ?

Le Tribunal de commerce de Paris, par ordonnance de référé du 22 décembre 2021, vient apporter une réponse, cette fois-ci, protectrice des sociétés victimes de faux avis.

L’enjeu de l’atteinte à la e-réputation sous couvert d’anonymat

L’atteinte à la réputation en ligne présente une complexité notoire : celle de pouvoir être réalisée sous couvert de pseudonymat ou d’anonymat et même de résulter de faux avis publiés dans un objectif de nuisance.

De ce fait, la société visée peine à vérifier l’authenticité de l’expérience et ne bénéficie donc pas d’un réel droit de réponse. Ainsi, si le professionnel reste désarmé lorsque des avis nuisibles sont postés, l’auteur de l’avis lui, a un sentiment de toute puissance quand les plateformes refusent de donner les éléments permettant de l’identifier, le protégeant alors de toute mise en cause de sa responsabilité, le bouclier de la vie privée étant levé comme un étendard.

La difficulté réside dans le fait que rares sont les cas dans lesquels le pseudonymat est levé. En effet, certaines décisions ont pu y percevoir une vertu consubstantielle de la liberté d’expression, ce qui reste encore à démontrer lorsqu’il est question de la sphère commerciale.

Les modalités de contrôles des avis en ligne

Depuis 2017, les personnes physiques ou morales dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs, sont « tenues de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne »[2].

Ainsi, l’éditeur de la plateforme est soumis à l’obligation d’indiquer de manière claire et visible[3] :

  • à proximité des avis : l'existence ou non d'une procédure de contrôle des avis, la date de publication de chaque avis ainsi que celle de l'expérience de consommation concernée et les critères de classement des avis, parmi lesquels figure le critère chronologique ;
  • dans une rubrique facilement accessible : l'existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d'avis et le délai maximum de publication et de conservation d'un avis.

Au surplus, concernant le contrôle des avis en ligne publiés sur sa plateforme, l’éditeur se doit non seulement de respecter la réglementation applicable aux traitements de données à caractère personnel réalisés[4] mais également de préciser[5] :

  • les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ;
  • la possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l'avis ;
  • la possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l'avis ;
  • les motifs justifiant un refus de publication de l'avis ; lorsque la plateforme fait usage de cette possibilité, elle informe l'auteur de l'avis des motifs justifiant le refus de sa publication.

Enfin, les plateformes ayant recours aux avis en ligne doivent mettre en place une fonctionnalité gratuite permettant aux personnes faisant l'objet d'un avis en ligne de leur signaler un doute sur l'authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit motivé[6].

Toutefois, ces modalités n’empêchent pas toujours l’atteinte à la réputation des sociétés visées par un avis.

La réparation de l’atteinte à la e-réputation sur le fondement du Code de la consommation

Jusqu’ici, les sociétés victimes d’atteinte à leur e-réputation pouvaient tenter de s’appuyer sur les mesures d’instructions permises par le Code de procédure civile[7], en cas de manquement des plateformes à leurs obligations de vérification des avis.

Toutefois, face à la recrudescence des faux avis en ligne, le Tribunal de commerce de Paris, dans son ordonnance du 22 décembre 2021, s’est positionné pour la première fois sur un article du Code de la consommation pour supprimer les faux avis et faire ainsi cesser le préjudice subi par l’entreprise.

En effet, la juridiction constate que constitue un trouble manifestement illicite le fait pour l’éditeur de la plateforme de ne pas respecter les dispositions du Code de la consommation l’obligeant à contrôler la véracité des avis publiés, accompagnés des informations permettant l’identification de la prestation du client et la réponse du professionnel visé. Il lui a ainsi été ordonné de supprimer de sa plateforme les avis litigieux sous astreinte.

Plus particulièrement, le Tribunal insiste sur le rôle que jouent ces plateformes dans l’atteinte à l’e-réputation des entreprises visées : « de [telles plateformes] qui permettent la publication de texte peuvent détruire très rapidement la notoriété d’une entreprise sans apporter la moindre preuve ».

Cette décision constitue une première en ce qu’elle est fondée sur les dispositions issues du Code de la consommation. On ne peut qu’espérer que cela permettra une application effective des textes par les plateformes permettant aux consommateurs et aux professionnels visés de se retrouver à armes égales face à l’appréciation de l’expérience de consommation.

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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de 25 ans dans le droit des nouvelles technologies, dont notamment la e-réputation. Le cabinet HAAS Avocats se tient à vos côtés pour vous accompagner dans la défense de votre réputation et mettre en place les stratégies adéquates à cette fin. Contactez-nous ici

 

[1] On entend par avis en ligne toute expression ou opinion d’un consommateur sur son expérience de consommateur grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif, que le consommateur ait ou non acheté le bien pour lequel il dépose un avis selon l’article D.111-16 du Code de la consommation

[2] Article L.111-7-2 du Code de la Consommation

[3] Article D.111-17 du Code de la consommation

[4] Règlement Européen 2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des données à caractère personnel (dit RGPD) et Loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 n°78-17 modifiée

[5] Articles D.111-18 et D.111-19 du Code de la consommation

[6] Article L 111-7-2, al. 5 du Code de la consommation

[7] Article 145 du Code de procédure civile sur les mesures d’instructions