Le cadre juridique applicable au marketing d'influence

Le cadre juridique applicable au marketing d'influence
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Par Claire Benassar et Jessica Moraly 

Si le « marketing d’influence » s’est dans un premier temps fortement développé sous l’impulsion des relations presse et contrats d’égérie, il connait désormais un essor exponentiel à l’ère des réseaux sociaux.

Plus de 53% de la population mondiale totale faisant usage de réseaux sociaux en 2021, à raison d'environ 2 heures et demie par jour, cette technique publicitaire est aujourd’hui presque inévitable pour toute entreprise dans le cadre de leur stratégie publicitaire.

Le marketing est une technique visant à optimiser les services, offres de biens, idées ou design d’un produit (dans le sens large, service) par rapport aux attitudes, motivations, besoins ou envies des consommateurs en général. Il va segmenter le marché par types de clientèles, basées sur des études de marché afin d’appliquer à chaque segment sa propre stratégie marketing.

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) définit l’influenceur comme un individu (blogueur, vlogueur, créateur, talent, etc.), créant du contenu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie.

Le marketing d'influence est ainsi entendu comme l'ensemble des pratiques publicitaires d’une entreprise visant à utiliser le potentiel de recommandation des influenceurs en vue de faire la promotion de son produit ou service.

Néanmoins, à l’instar de toute publicité en ligne, le marketing d’influence n’est pas exempt de cadre juridique, et est soumis à certaines règles dont la violation est passible de sanctions.

Marketing d'influence :  cadre juridique applicable et obligations des influenceurs

Les influenceurs sont devenus des acteurs clés du marketing digital puisqu’ils permettent à des enseignes d’accroître leur notoriété et leurs ventes, moyennant un coût limité en comparaison avec les campagnes de publicité « classiques ».

Le cadre légal applicable au marketing d'influence 

Le cadre applicable au marketing d’influence s’est enrichi au fur et à mesure du développement de cette activité ; aujourd’hui, il repose notamment sur :

En vigueur depuis le 1er janvier 2022, la recommandation de l’ARPP vise effectivement à :

  • Identifier les communications commerciales déguisées ;
  • Être en mesure de les distinguer des contenus révélant une intention commerciale de manière claire et transparente ;
  • Définir un plan d’action pour inciter au respect des « bonnes pratiques ».

Quelles sont les principales obligations à la charge des influenceurs ?

L’ensemble des règles applicables au marketing d’influence vient notamment imposer une obligation de transparence et de loyauté des influenceurs qui effectuent la promotion d’un produit ou service d’une entreprise.

A ce titre, l’article 20 de la LCEN vient en effet préciser que « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle ». Elle doit en outre rendre « clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ».

A ce titre, tout contenu commercial d’un l'influenceur devra comporter une mention claire et intelligible relative au caractère publicitaire de la publication, communiquée au début du post[5].

A cet égard, l’ARPP est venue préciser que les mentions « #ad », « #produitgratuit » ou « Merci à [marque] pour cette opération » ne sont pas explicites sur l’engagement réciproque et ne permettent pas de répondre à l’obligation de transparence.

Au-delà des obligations généralement imposées à tout influenceur, certains produits ou services dont est faite la promotion seront soumis, en raison de leur spécificité, à des règles additionnelles particulières. C’est notamment le cas des secteurs suivants :

  • Alcool ;
  • Jeux d’argent et de hasard ;
  • Produits de santé et dispositifs médicaux ;
  • Produits cosmétiques ;
  • Secteur automobile…

Quels sont les principaux risques auxquels s’exposent les influenceurs ?

L'ARPP a mis en place un « Jury de Déontologie Publicitaire » (JDP) chargé de se prononcer sur les plaintes du public émises à l’encontre de publicités, au regard des règles professionnelles.

Néanmoins, le JDP ne dispose pas de pouvoir de sanction. Le JDP se prononce en effet sur le seul critère de la conformité de la publicité aux règles déontologiques dont la profession s’est dotée volontairement, et ne traite ainsi pas du non-respect des règles de droit, qui est du seul ressort des tribunaux et de l’administration.

Les pratiques a éviter lors des campagnes de marketing d'influence 

Ces derniers, en cas de saisine, pourraient quant à eux sanctionner l’émetteur d’un contenu publicitaire sur différents fondements :

  • Le dénigrement : une publicité ne doit pas dénigrer ou porter atteinte à une entreprise dans le but de lui nuire, notamment en procédant au détournement de sa clientèle (discréditer).

Notamment, une publicité comparative n’est licite que sous réserve (i) de ne pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur, (ii) de porter sur des biens ou des services répondant aux mêmes besoins ou ayant les mêmes objectifs (substituables) et (iii) de comparer objectivement les caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services.

  • Le parasitisme : l’influenceur doit veiller à assurer le succès de la promotion d’une marque, d’un produit, ou d’un service, grâce à sa propre notoriété, sans tirer profit de la popularité d’un autre acteur du marché pour favoriser le succès de son contenu.
  • Les pratiques commerciales trompeuses : la caractérisation de cette pratique suppose le double constat (i) d’une pratique contraire à la diligence professionnelle (ii) altérant de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen[6].

Les sanctions en cas de non respect du cadre légal applicable au marketing d'influence 

Les sanctions peuvent ainsi être désastreuses en cas de mauvaise application des règles légales et déontologiques. Notamment, toute personne se livrant à des pratiques commerciales trompeuses encourt des sanctions pénales sur le fondement de l’article L.132-2 alinéa 1 du code de la consommation, correspondant à 2 ans d’emprisonnement et une amende de 300.000 euros[7].

Vous vous interrogez sur les règles et bonnes pratiques applicables en matière de publicité ? Vous souhaitez vous assurer des engagements pris par vos influenceurs ?

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[1] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

[2] Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

[3] Décret n° 2017-1434 du 29 septembre 2017 relatif aux obligations d'information des opérateurs de plateformes numériques

[4] L’ARPP allie création des règles d’éthique, leur application et le contrôle de l’application, et a pour objectif de :

  • Promouvoir une démarche de communication responsable, constructive et utile, des règles déontologiques, de bonnes pratiques, contenues dans les recommandations du code de l’ARPP ;
  • Veiller à leur bonne application ;
  • S’assurer que le public soit informé en toute transparence.

[5] Cette obligation s’impose dans la mesure où l’influenceur reçoit une contrepartie financière de l’entreprise (par ex. contrat de partenariat) ou une contrepartie en nature (par ex. plateformes d’influence marketing). Si l’influenceur n’a aucune obligation de publier un contenu et que l’entreprise n’a pas de contrôle a priori sur cette publication, et que l’influenceur ne reçoit pas de contrepartie financière, la mention en question n’est pas obligatoire.

[6] L’article L121-3 du code de la consommation prévoit que : « Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. »

[7] Le montant de l’amende peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyens annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

Claire Benassar

Auteur Claire Benassar

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