Par une décision rendue le 27 novembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné à neuf opérateurs des télécoms français, fournisseurs d’accès à internet, (SFR, Orange, Free, Bouygues et autres) de bloquer l’accès au site « democratieparticipative.biz », contenant des propos permettant de qualifier les délits d’injure, d’apologie de crimes contre l’humanité, de provocation et d’incitation à la haine notamment définis dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse[1].
Par cette décision, le Tribunal, statuant en référé, a fait droit à la demande du Procureur de la République, soutenue par de nombreuses associations et personnalités intervenues volontairement à la procédure[2]. Le Tribunal s’est appuyé sur l’article 6.I.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 (LCEN)[3], qui prévoit que « L'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 [à savoir l’hébergeur d’un site internet] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 [à savoir un fournisseur d’accès à internet], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ».
Le Tribunal a considéré que cette mesure de blocage, définitive et illimitée dans le temps, était adaptée et proportionnée au vu du caractère injurieux, raciste, haineux et discriminatoire des propos tenus sur le site « democratieparticative.biz » par certains utilisateurs, qui constituaient donc une menace pour l’ordre public.
Cette mesure a été ordonnée aux fournisseurs d’accès à internet car l’enquête n’a pas permis d’identifier de manière précise les auteurs/éditeurs et hébergeurs des contenus. En effet, les auteurs ont utilisé des pseudos et les informations du site, hébergé aux Etats-Unis, n’ont pas permis d’identifier précisément un directeur de publication ou un hébergeur déterminé.
Par ailleurs, cette mesure consiste seulement en un blocage de l’accès au site et aux noms de domaines liés pour les personnes présentes sur le territoire français et non une suppression définitive des contenus, à laquelle peuvent seulement procéder les hébergeurs desdits contenus.
Conscient des limites de cette procédure et du risque que ces contenus réapparaissent sur le territoire français, Frédéric Potier, préfet et délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) a néanmoins salué cette décision, qu’il qualifie de « victoire collective » et « symbolique » (Propos recueillis lors d’une interview réalisée par le journal 20minutes, « Blocage du site « Démocratie participative » : « C’est une vraie victoire collective et cette décision en appellera d’autres », 27 novembre 2018[4]).
Ce dernier a également annoncé l’ouverture de plusieurs chantiers de réflexion et de travail pour adapter la législation aux nouvelles pratiques sur internet, impliquer plus directement les acteurs de ce marché et sanctionner plus efficacement les comportements jugés contraires à l’ordre public sur cet espace.
[1] Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
[2] Legalis, Jurisprudences : contenus illicites, TGI de Paris, jugement du 27 novembre 2018, LICRA, MRAP et autres / Orange, SFR, FREE et autres
[3] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
[4] 20minutes, Société, « Blocage du site " Démocratie participative " : "C’est une vraie victoire collective et cette décision en appellera d’autres " », 27 novembre 2018