La fin du géoblocage en Europe : des sanctions très importantes en perspective

La fin du géoblocage en Europe : des sanctions très importantes en perspective
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Par Rachel Ruimy et Bastien Eyraud 

Près de 40 millions d’euros : c’est le montant de la sanction que vient d’infliger la Commission européenne à Guess, l’enseigne de prêt à porter, par une décision du 17 décembre 2018. Elle lui reproche notamment d’avoir eu recours à du géoblocage dans le but d’empêcher les ventes transfrontalières au sein de l’Union européenne. 

 

Le géoblocage (ou « blocage géographique ») était une pratique utilisée par les professionnels de la vente en ligne empêchant les clients d’un autre Etat membre de l’Union européenne d’acheter sur leur site e-commerce ou de bénéficier des mêmes conditions et tarifs attractifs que ceux qui sont proposés aux clients nationaux. Le client était alors automatiquement redirigé vers le site correspondant à son pays de résidence, sa nationalité ou sa langue. 

En 2015, 63% des sites web n’autorisaient pas les consommateurs d’un autre pays de l’UE à faire un achat(1). Face à ce constat, le Parlement européen a adopté un nouveau Règlement(2) afin de mettre un terme aux blocages géographiques injustifiés. Depuis le 3 décembre 2018, ce Règlement est obligatoire et directement applicable dans tout Etat membre, pour toutes les ventes de biens ou de services transfrontalières réalisées par des professionnels à destination des consommateurs et des entreprises. 

L’objectif est de faire de l’Union européenne un seul marché accessible à l’ensemble des clients européens.

1. Quels sont les impacts pour le client ? 

Désormais, tout procédé conduisant à créer une discrimination entre citoyens de l’Union européenne est interdit. 

Ainsi, tout consommateur européen ou toute entreprise ayant son lieu d’établissement dans un Etat membre pourra acheter un bien ou un service pour son utilisation finale aux mêmes conditions que les clients originaires de l’Etat membre du vendeur. 

Ainsi, tout e-commerçant européen ne pourra plus refuser de vendre ou proposer des conditions de vente différentes fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement du client, son adresse IP, sa langue, son adresse de livraison ou de facturation, ou le pays d’émission du moyen de paiement. 

Toutefois, le professionnel n’est pas astreint à une obligation de livrer les biens dans l’ensemble des pays de l’UE. Le Client pouvant désormais bénéficier des mêmes conditions de vente que les clients de l’Etat membre, il devra récupérer ses biens dans les points de retrait habituels ou se les faire livrer dans la zone de livraison indiquée au sein des conditions générales. Le Client devra s’organiser par ses propres moyens pour la livraison transfrontalière de ses biens.  Comment protéger vos transactions commerciales ? 

2. De nombreuses exceptions 

Tous les biens et services ne sont pas concernés par cette nouvelle réglementation. Sont notamment exclus les services permettant l’accès à une œuvre audiovisuelle protégée par le droit d’auteur, les services financiers tels que la fourniture de services de paiement, les services de jeux d’argent et les services de transport.

Il est également possible que des obligations, (nationales ou européennes) soient applicables à certaines activités de vente en ligne, restreignant ainsi de manière légitime l’accès de citoyens européens au site. C’est par exemple le cas lorsque certains Etats interdisent l’affichage de certains contenus. Dans ce cas, la plateforme de vente en ligne devra fournir au client une explication claire et spécifique exposant les problématiques de conformité auxquelles le professionnel est confronté.

Par ailleurs, le client d’une plateforme de vente en ligne peut expressément accepter d’être redirigé sur le site web correspondant à son pays de résidence ou à son lieu d’établissement. Il pourra ainsi bénéficier d’un agencement, d’un choix de langue ou d’autre caractéristiques spécifiques à son environnement habituel. Il doit en revanche rester à tout moment en mesure d’accéder et d’utiliser la version du site web qu’il voulait consulter à l’origine. 

Enfin, ce nouveau règlement laisse toujours la possibilité aux marques d’organiser leurs réseaux de distribution à travers des systèmes de distribution sélective ou exclusive s’agissant de prospecter et de cibler des clients individuels. Toutefois, concernant les ventes passives, c’est-à-dire les demandes des clients non sollicités par les plateformes, aucune pratique de geoblocage ne saurait être imposée par quelque contrat d’exclusivité que ce soit. De telles clauses sont nulles de plein droit.

3. Quels sont les risques encourus par les e-commerçants européens ? 

Le Règlement prévoit qu’il revient à chaque Etat membre de désigner l’autorité nationale qui sera en charge de vérifier l’application de ces différentes mesures et d’établir des sanctions. 

En France, la DGCCRF a été désignée comme étant l’autorité compétente. 

Le Règlement offre également des munitions supplémentaires à la Commission européenne qui n’hésite pas à recourir à l’arsenal des pratiques anticoncurrentielles pour sanctionner d’ores et déjà tout comportement de géoblocage en Europe, comme en témoigne la récente condamnation de Guess.

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(1)Selon la Commission européenne, dans une déclaration du 30 novembre 2018 (Statement / 18 / 6626)

(2)Règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.)

Rachel Ruimy

Auteur Rachel Ruimy

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