La résiliation unilatérale d’un contrat contenant une clause résolutoire

La résiliation unilatérale d’un contrat contenant une clause résolutoire
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Par Haas Avocats

Dans un arrêt du 8 juin 2023 (n°22-14.706), la 3e chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la validité de la résiliation unilatérale d’un contrat par le créancier, en raison de l’inexécution du débiteur et en présence d’une clause résolutoire au sein de ce contrat.

En effet, la question s’était ici posée de savoir si le fait pour le créancier de ne pas avoir respecté la procédure de résiliation contractuellement prévue pouvait conduire à invalider la résiliation par le débiteur.

Rappel des faits : la résiliation du contrat au débiteur par le créancier de l’obligation

Dans le cadre d’un projet de construction de grande ampleur, la société Burgeap, maître d’œuvre, a conclu un contrat avec la société Mino en vue de la réalisation de travaux miniers de forage. Avec l’accord du maître d’œuvre, la société Mino a confié la réalisation d’une partie de ces travaux à un sous-traitant, la société FTS.

Cette dernière ayant pris du retard dans la réalisation des forages, la société Mino l’a mise en demeure de s’exécuter, sans succès. La société Mino a donc fait appel à une nouvelle société afin de respecter les délais auxquels elle était tenue, et a notifié à la société FTS la résiliation du contrat, 7 jours après l’envoi du premier courrier de mise en demeure.

Or, le contrat conclu entre la société FTS et la société Mino contenait une clause aux termes de laquelle il était prévu : « En cas de manquement dûment constaté par tout mode probant par l'une des parties aux obligations contractuelles lui incombant et qui resterait non réparé dans un délai de 10 jours francs à compter de la réception de la lettre RAR notifiant le manquement en cause, l'autre partie pourra faire valoir et se prévaloir par pli RAR de la résiliation du contrat, sous réserve de toutes actions afin notamment de dommages intérêts auxquels elle pourrait prétendre de ce fait. »

Autrement dit, en cas d’inexécution contractuelle par l’une des parties, le créancier de l’obligation pouvait notifier la résiliation du contrat au débiteur, sous réserve de lui accorder un délai de 10 jours pour s’exécuter.

Or en l’espèce, la société Mino n’a pas respecté ce délai puisqu’elle a notifié la résiliation du contrat à la société FTS seulement 7 jours après l’envoi du courrier de mise en demeure.

La société FTS ayant engagé des frais – estimés à plus d’un million d’euros – afin de réaliser les travaux prévus au contrat, elle a donc assigné les sociétés Mino (et Burgeap en garantie), afin d’en obtenir le remboursement.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la question de la résiliation unilatérale du contrat pour inexécution en présence d’une clause résolutoire.

Il est important de préciser que dans cette affaire, le contrat de sous-traitance avait été conclu antérieurement à la réforme du droit des contrats et des obligations résultant de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. C’est donc le droit antérieur à cette réforme qui était applicable aux faits d’espèce.

La législation applicable en cas de résiliation unilatérale

Depuis la réforme du droit des obligations de 2016, la résolution extrajudiciaire est régie par les articles 1224 à 1226 du Code civil[1], qui prévoient qu’en cas d’inexécution du débiteur, la résolution du contrat peut résulter (outre la résolution judiciaire) de :

  • L’application d’une clause résolutoire: qui doit préciser les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution et être précédée d’une mise en demeure mentionnant expressément la clause résolutoire (si les parties n’ont pas opté pour une résolution de plein droit) ;
  • D’une notification du créancier au débiteur: également précédée d’une mise en demeure de s’exécuter adressée par le créancier au débiteur. Cette résolution unilatérale se fait « aux risques et périls » du créancier, qui pourra être condamné par le juge si ce dernier estime que la gravité du manquement ne justifiait pas la résolution du contrat.

Sous le régime antérieur à la réforme de 2016, la résolution pour inexécution était envisagée à l’article 1184 du Code civil qui disposait alors :

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

Ainsi, en cas d’inexécution du débiteur, et en l’absence de clause résolutoire prévue au contrat, le créancier avait toujours la possibilité de provoquer sa résolution. Celle-ci n’était pas de plein droit mais devait être demandée en justice, le juge pouvait alors décider d’accorder un délai au débiteur pour s’exécuter.

Néanmoins, pour pallier les carences d’un débiteur défaillant, la jurisprudence admettait en pratique qu’en cas de manquement suffisamment grave, le créancier puisse résilier le contrat « à ses risques et périls ».

La position de la Cour de cassation

Dans la lignée de la jurisprudence applicable aux contrats conclus avant la réforme de 2016, la Cour de cassation a estimé que : « l'existence d'une clause de résiliation expressément stipulée dans le contrat ne privait pas la partie envers laquelle l'obligation n'avait pas été exécutée, de résilier ce contrat en raison de la gravité du comportement de son cocontractant. »

En l’occurrence, la Cour a considéré que la rupture unilatérale du contrat de sous-traitance par l’entrepreneur principal était justifiée pour les raisons suivantes :

  • La société débitrice de l’obligation n’avait pas respecté les délais prévus au contrat, en raison d’une mise en œuvre de moyens matériels et humains insuffisants ;
  • La technique employée pour la réalisation des travaux, qui constituait sur le principe une cause de retard, avait été acceptée par la société débitrice qui ne l’avait pas remise en cause en cours d’exécution des travaux.

Dans cette affaire, la résiliation étant apparue suffisamment justifiée eu égard à la gravité du manquement du sous-traitant, il importait donc peu que les conditions de résiliation déterminées par les parties n’aient pas été respectées.

Cette solution semble être transposable à l’ensemble des contrats, quel qu’en soit le domaine.

Les rédacteurs de contrats seront ainsi bien avisés de veiller à encadrer précisément les modalités de rupture du contrat et de bien définir les engagements essentiels à leurs yeux, afin de limiter autant que faire se peut l’incertitude liée aux conséquences des manquements de leur cocontractant.

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[1] Art. 1224 : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

Art. 1225 : « La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »

Art. 1226 : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. »

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »

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