Par Haas Avocats
Dans un contexte marqué par la densification du cadre juridique applicable à la circulation des drones en France, l’année 2023 a été marquée par l’entrée en vigueur du décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 qui a redéfini le cadre administratif dans lequel il est possible d’utiliser des aéronefs équipés de caméras et de systèmes d’enregistrement.Cette réglementation découle de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (RPSI), adoptée en janvier 2022, qui a accordé aux services de police et de gendarmerie l'autorisation d'exploiter des caméras sur des aéronefs tels que drones, hélicoptères et ballons captifs.
Les préfets ont désormais la compétence d'autoriser les services de police et de gendarmerie à utiliser ces dispositifs de captation d’images dans les limites de la réglementation applicable[1].
Ce décret offre des orientations claires quant aux objectifs, aux conditions et aux limites de de la captation d’images par drone et vise ainsi à améliorer l'efficacité opérationnelle des autorités tout en garantissant le respect des droits individuels et de l'État de droit.
L'usage des caméras aériennes est autorisé d’abord dans le cadre de la prévention d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens, notamment dans des lieux vulnérables.[2]
De plus, la captation d’images par drones peut être mise en place lors de rassemblements (manifestations) pour maintenir ou rétablir l'ordre public, prévenir les actes de terrorisme, réguler les flux de transport, surveiller les frontières et effectuer des opérations de secours.[3]
Il est important de souligner que cette utilisation des drones est orientée vers la police administrative et vise à prévenir, sécuriser et secourir, plutôt qu'à collecter des preuves dans le cadre de poursuites judiciaires.[4]
L'utilisation de ces caméras aériennes nécessite d‘abord une autorisation écrite et motivée du préfet, valable pour une durée maximale de trois mois, renouvelable.
Toutefois, en ce qui concerne les rassemblements de personnes sur la voie publique, l’autorisation ne peut excéder la durée du rassemblement.[5]
L'utilisation des images captées par voie aérienne doit ainsi être justifiée et adaptée à chaque situation, avec des restrictions telles que l'absence de captation sonore, la non-utilisation de la reconnaissance faciale et l'interdiction de lier les données à d'autres traitements de données personnelles.[6]
Les données enregistrées ne peuvent être conservées que pendant une période maximale de 7 jours après le déploiement initial du dispositif, sauf dans le cadre de procédures pénales, administratives ou disciplinaires.[7]
Par ailleurs, les caméras aériennes ne peuvent pas être dirigées vers l'intérieur des domiciles.[8]
Le public doit être informé de manière appropriée de l'utilisation de dispositifs aéroportés, à moins que les circonstances ne l'interdisent ou que cette information ne compromette les objectifs de sécurité.
Dans son avis daté du 16 mars 2023, la CNIL a clarifié sa position au regard de la règlementation présentée précédemment. A ce titre, elle a rappelé qu'elle ne peut ni "approuver" ni "rejeter" ces dispositions, mais émettre des avis pour guider les autorités publiques qui la sollicitent.
Dans cet avis, la CNIL rappelle notamment les deux points suivants :
Les administrations doivent transmettre à la CNIL une "doctrine d'emploi" propre à chacune des institutions concernées (police nationale, gendarmerie nationale, militaires et douanes).
Compte tenu de l'absence de critères exhaustifs dans le décret, cette communication aura pour finalité de préciser les situations appropriées pour l'enregistrement ou la transmission en temps réel des images au poste de commandement.
Le ministère de l'Intérieur doit informer le public de manière générale concernant l'utilisation des drones. De plus, les individus doivent être informés "par tout moyen" lorsque l'utilisation de drones est autorisée pour une intervention spécifique, à moins que des circonstances urgentes, des objectifs spécifiques ou les conditions opérationnelles ne l'interdisent.
La CNIL suggère également que des informations spécifiques concernant le lieu de l'opération soient communiquées au public lorsqu'elle implique l'usage de caméras aéroportées, notamment via des dispositifs sonores.
Le 1er mai 2023 a été marqué par des manifestations dans différentes grandes villes de France.
À la veille de celles-ci, plusieurs préfectures, telles que Lyon, Bordeaux, Paris, Nantes ou encore Tours ont autorisé par arrêté la mise en place de dispositions de vidéosurveillance par l’intermédiaire de drones.
Ces arrêtés ont conduit plusieurs associations à les contester dans le cadre de référés-libertés en invoquant notamment les arguments suivants :
- Un dispositif mis en place disproportionné notamment concernant les zones de survol et l’étendue temporelle du dispositif.
- l’absence de publication et de communication, à la CNIL, de la "doctrine d’emploi" des drones.
Pour autant, aucun des tribunaux administratifs saisis n’a suspendu un des arrêtés autorisant l’utilisation des drones par les forces de l’ordre, en se fondant sur le décret du 19 avril 2023.
A la suite de ces évènements, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) a introduit un recours en annulation du décret du 19 avril 2023, en invoquant que ces dispositions violent les exigences conventionnelles et constitutionnelles relatives au respect de la vie privée.
Dans le cadre d’une ordonnance du 24 mai 2023, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté cette demande de suspension en estimant qu'il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité du décret, au regard des garanties offertes par le cadre juridique établi pour protéger la vie privée et les données personnelles, conformément aux lois française et européenne.
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[1] Article L242-5 du Code de la sécurité intérieur
[2] Article 2 alinéa 2 du décret du 19 avril 2023
[3] Article 2 alinéa 3 du décret du 19 avril 2023
[4] Article 2 alinéa 4 du décret du 19 avril 2023
[5] Article L242-5 du Code de la sécurité intérieur
[6] Article 2 alinéa 3 du décret du 19 avril 2023