Par Rachel Ruimy et Paul Bertucci
A propos de Cass., 1ère civ., 1er juillet 2020, n° 19-12.855
En sus du régime légal prévu par le Code de la consommation, le droit de rétractation peut résulter de dispositions spécifiques prévues par les conditions contractuelles encadrant une transaction.
Le droit de rétractation donne la possibilité aux clients qui ne souhaitent plus se procurer le bien ou service objet du contrat de changer d’avis sans avoir à se justifier, et ainsi d’annuler leur commande.
Ainsi, l’exercice du droit de rétractation permet aux parties de revenir à l’état initial dans lequel elles se trouvaient avant de contracter.
Un acquéreur ayant régulièrement exercé son droit de rétractation peut-il changer d’avis ? Que se passe-t-il lorsqu’une personne a conclu un contrat, exerce son droit de rétractation mais que des prestations initialement prévues dans le contrat sont quand même exécutées ?
C’est dans ce contexte que la Première chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’arrêt du 1er juillet 2020[1].
1. Les faits
Lors d’une foire exposition, un particulier a commandé à une société l’installation d’un dispositif de chauffage avec pompe à chaleur ainsi que la réalisation de travaux d’isolation des combles de sa maison. Le jour-même, l’acquéreur a décidé d’exercer son droit de rétractation qui était expressément prévu par les conditions générales de vente de la société.
Néanmoins quatre jours plus tard le client a accepté que la société réalise une visite technique à son domicile, et revienne quatre mois plus tard pour réaliser les travaux d’isolation des combles. La pompe à chaleur sera par la suite livrée mais sans pouvoir être mise en place, le particulier n’ayant pas fait couler la dalle de béton nécessaire à son installation.
Le matériel ne pouvant dès lors fonctionner, l’acquéreur sollicite l’annulation du contrat, la restitution de l’acompte, ainsi qu’une indemnisation. La société réclame quant à elle le paiement des sommes dues en exécution du contrat.
La Cour d’appel de Riom[2] déboute la société et la condamne à restituer l’acompte versé au particulier, en s’appuyant sur le fait que le contrat avait été anéanti par le biais de l’exercice régulier du droit de rétractation. S’estimant lésée par cette décision, la société a formé un pourvoi en cassation.
2. La décision
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel dans toutes ses dispositions.
Selon elle, sur le fondement de l’ancien article 1134 du Code civil[3], la partie qui fait usage de son droit de rétractation prévu dans le contrat peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat ainsi qu’en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation.
Bien que l’exercice du droit de rétractation ait normalement pour conséquence de mettre fin au contrat entre les parties, la Cour de cassation s’est ici fondée sur la force obligatoire du contrat pour laisser la possibilité de renoncer aux effets du droit de rétractation par la partie qui avait elle-même souhaité s’en prévaloir.
En l’espèce, l’acquéreur qui avait reçu la livraison de la pompe à chaleur et accepté sans réserve les travaux d’isolation des combles, avait poursuivi l’exécution du contrat, renonçant ainsi à son droit de rétractation. Par conséquent, l’acquéreur a été contraint de payer à la société les sommes prévues par le contrat conclu.
Il conviendra de suivre les prochaines décisions relatives à la renonciation au droit de rétractation. Par le passé, en matière immobilière, il avait été considéré que l’acquéreur qui avait exercé son droit de rétractation prévue par la réglementation spécifique ne pouvait pas revenir sur sa décision, même si le délai n’était pas encore expiré, car l’exercice du droit de rétractation emportait l’anéantissement total du contrat[4].
Si la rétractation est un droit favorable aux consommateurs, il est toutefois nécessaire que ses modalités soient précises en vue de faciliter sa mise en œuvre par les vendeurs professionnels.
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[1] Cass., 1ère civ., 1er juillet 2020, n° 19-12.855
[2] CA Riom 21 nov. 2018
[3] Dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
[4] Cass., 3ème civ., 13 février 2008, n° 06-20.334 ; Cass., 3ème civ., 13 mars 2012, n° 11-12.232