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La plateforme AirBnb obligée de communiquer des données au fisc belge

Rédigé par Eve Renaud-Chouraqui | May 23, 2022 4:21:48 PM

Par Gérard Haas, Eve Renaud-Chouraqui et Théophile Tsimaratos

Le 27 avril 2022[1], la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) est venue sanctionner Airbnb, la célèbre plateforme d’hébergement touristique, pour son refus de communiquer certaines données à l’administration fiscale belge.

Cet arrêt de la CJUE s’inscrit dans un courant actuel, qui vise à règlementer les activités des plateformes numériques, et surtout à les contraindre à respecter le droit des Etats membres de l’Union Européenne dans lesquels elles opèrent.

En l’espèce, Airbnb avait été sommée par l’administration fiscale belge de lui communiquer certaines informations, notamment le nombre de logements proposés par loueur et le nombre de nuitées effectuées.

Airbnb avait refusé de communiquer ces données et avait argué que la transmission d’informations fiscales n’était pas prévue par les textes en vigueur, notamment en vertu du principe de libre prestation de service[2] et de la directive « Commerce Electronique »[3], et que par conséquent, rien ne l’obligeait à donner ces informations au fisc belge.

Saisie de deux questions préjudicielles, la CJUE tranche en faveur de l’administration fiscale dans un arrêt motivé :

  • d’une part, par une volonté européenne de parvenir à une harmonisation des pratiques entre les Etats membres et,

  • d’autre part, pour lutter contre le forum shopping souvent mis en œuvre par les grandes plateformes numériques en Europe.

La transmission obligatoire des données fiscales à l’administration

Pour motiver son refus de transmettre certaines informations au fisc belge, Airbnb arguait du fait qu’aucun texte européen ne pouvait l’y contraindre. Selon elle :

  • la Directive Commerce Electronique exclut la fiscalité de son champ d’application,

  • et le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne[4] (TFUE) interdit aux Etats membres de faire obstacle à la libre prestation de services.

Les deux questions préjudicielles posées répondaient directement à cet argumentaire en défense :

  • Une disposition d’un Etat membre, qui oblige les plateformes numériques d’hébergement, dont l’activité relève de la Directive Commerce Electronique, à transmettre certaines données fiscales à l’administration, relève-t-elle du domaine de la fiscalité ?

  • Une disposition d’un Etat membre, qui contraint les prestataires de service d’hébergement à conserver certaines données fiscales et à les transmettre à l’administration, méconnait-elle le principe de libre prestation de service garanti par le TFUE ?

A la première question, la CJUE répond par la positive.

Elle démontre que les services fournis par Airbnb sont des services d’une société de l’information, et qu’ils relèvent bel et bien de la Directive Commerce Electronique de 2001[5]. Cependant, la fiscalité est expressément exclue du champ d’application de cette directive.

Pour la CJUE, la transmission du nombre de nuitées et du nombre de biens loués par personne relève du domaine de la fiscalité et ne peut donc être opposée à Airbnb en vertu de la Directive Commerce Electronique. Les données fiscales ne pourront donc pas être transmises à l’administration sur ce fondement juridique.

En revanche, sur le fondement de la libre prestation de service, la Cour considère que l’obligation de conserver et de transmettre les données sur demande écrite de l’administration fiscale, n’est pas discriminatoire.

De plus, elle considère que satisfaire cette obligation n’a pour effet que d’engendrer des coûts supplémentaires, et que cela ne constitue pas une violation du principe de libre prestation de service garanti par l’article 56 du TFUE.

La CJUE se soumet ici aux principes de l’état de droit, sans pour autant perdre de vue l’objectif jurisprudentiel qu’elle s’est fixé.

En premier lieu, elle tient à montrer son attachement au respect de l’esprit des textes européens. Il est en effet impossible de contraindre un agent économique à transmettre des données fiscales sur le fondement de la directive Commerce Electronique de 2001, qui régit les activités des plateformes numériques comme Airbnb.

Cependant, l’obligation de transmission des données ne méconnait pas le principe de libre prestation de service, tel qu’il est protégé par la TFUE. C’est donc par ce biais qu’Airbnb pourrait être contrainte de transmettre les données fiscales à l’administration et parvenir à l’objectif d’harmonisation des règles des Etats membres face aux plateformes numériques.

L’harmonisation des règles européennes : outil de lutte face aux plateformes numériques

Cet arrêt de la CJUE ne prend pas vraiment le lecteur averti au dépourvu.

Depuis quelques années, il existe une véritable volonté de contraindre toutes les plateformes numériques à communiquer certaines données à l’administration fiscale.

En France depuis une loi adoptée en 2018[6] entrée en vigueur en janvier 2020, ces plateformes ont l’obligation de transmettre au fisc l’ensemble des revenus tirés par chaque utilisateur.

Cette mesure a eu pour effet d’accentuer la pression à la fois sur les bailleurs, qui faisaient le choix de ne pas déclarer leurs revenus issus de leur activité sur Airbnb, mais aussi sur la plateforme qui se rend coupable d’une infraction en refusant de transmettre certaines données.

Dans le même esprit, une directive européenne a été adoptée le 22 mars 2021[7], nommée « DAC 7 ».

Ce texte a pour ambition d’étendre les règles fiscales en vigueur au sein de l’Union, aux plateformes numériques et ainsi de les contraindre juridiquement à communiquer les revenus perçus par les vendeurs, ici les bailleurs, mais aussi de permettre aux états membres d’échanger certaines données fiscales.

C’est dans ce contexte général qu’a raisonné la CJUE pour contraindre Airbnb à coopérer avec le fisc.

En important certaines dispositions déjà présentes dans d’autres Etats, la Cour tient d’une part à anticiper la transposition de la DAC 7 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023, mais aussi d’harmoniser les règles sur le territoire de l’Union.

Airbnb a déclaré « prendre acte » de cette décision et du contrôle accentué sur son activité au fil des années.

Il convient de rappeler que la célèbre plateforme d’hébergement fait l’objet d’un bras de fer avec plusieurs municipalités des grands centres touristiques européens qui luttent contre les dérives qu’engendrent les locations courte durée proposées par cette plateforme.

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[1] CJUE – 27 avril 2022 - C-674/20 – Airbnb contre Bruxelles-Capitale

[2] Article 16 DIRECTIVE 2006/123/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et article 56 du TFUE

[3] Considérant 13 Directive 2000/31/CE - 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

[4] Article 56 - Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne -

[5] Directive 2000/31/CE - 8 juin 2000

[6] LOI n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude

[7] DIRECTIVE (UE) 2021/514 DU CONSEIL du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal