Par Gérard Haas, Eve Renaud-Chouraqui et Margaux Laurent
Présentée comme « le support et le moteur d’une nouvelle politique publique en modernisant l’exercice de la régulation », l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) est née le 1er janvier 2022 par la fusion du CSA et de l’HADOPI.[1]
Une telle opération semble s’inscrire dans le sens de l’histoire car on observe un mouvement de regroupement similaire des régulateurs à l’étranger. A titre d’exemple, Outre-Manche, l’équivalent du CSA et de l’ARCEP sont désormais réunis au sein de l’Office of communications (OFCOM).
L’objectif étant de disposer d’un régulateur aux compétences élargies, ce nouveau gendarme a vocation à superviser l’ensemble des acteurs du secteur de l’audiovisuel et du numérique (télévision, radio, plateforme de vidéos à la demande, réseaux sociaux…). Pour mener à bien ses missions, le législateur a donc repensé son organisation.
La gouvernance de l’ARCOM se composera d’un collège comptant 9 membres, nommés par décret en raison de leurs compétences en matière économique, juridique, technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication audiovisuelle ou électronique.
Tandis que le président de l’ARCOM sera nommé par le président de la République, trois autres membres seront désignés par le président de l’Assemblée nationale et trois autres encore par le président du Sénat. Enfin, un membre en activité au Conseil d’Etat et un à la Cour de cassation seront désignés par le vice-président du Conseil d’Etat et le premier président de la Cour de cassation.
Le mandat de ces membres sera de six années non renouvelables.
Pour l’exercice de ses prérogatives, l’Autorité comptera 355 salariés et sera dotée d’un budget de 46,6 millions d’euros, ce qui lui permettra notamment d’agir pour lutter contre les sites de streaming illégal.
Une des missions principales de l’ARCOM constitue la lutte contre le streaming illégal de manière plus efficace que son prédécesseur HADOPI.
En ce sens, l’article L.331-25 du Code de la propriété intellectuelle prévoit désormais un système de « liste noire » que l’ARCOM pourra rendre publique.
Cette liste comportera le nom et les agissements de sites Internet portant atteinte de manière grave et répétée aux droits d’auteurs ou aux droits voisins. Elle pourra notamment servir au soutien d’actions judiciaires intentées par les ayants droit.
De plus, l’ARCOM s’est vu dotée de moyens pour lutter contre les « sites miroirs ».
En effet, les sanctions judiciaires de blocage ou de déréférencement des sites illicites sont aisément contournées par la création d’un nouveau site accessible via un autre nom de domaine.
Ainsi, l’article L.331-27 du Code de la propriété intellectuelle prévoit désormais que lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée ordonne toute mesure pour empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne, l’ARCOM peut demander à toute personne visée par cette décision d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant entièrement ou substantiellement le contenu condamné.
Au rang de ses missions, l’ARCOM devra s’assurer, dès lors que le décret d’application de la loi dite « séparatisme » sera publié, que les réseaux sociaux se conforment à leurs obligations en matière de modération.
Cela implique notamment qu’ils doivent expliciter aux utilisateurs la raison de la suppression de leur publication, dévoiler les coulisses des services de modération ou encore faire preuve de transparence concernant les algorithmes de recommandation des contenus.
Tout non-respect des règles pourra entrainer une sanction de la part de l’ARCOM grâce à des pouvoirs renforcés.
L’ARCOM assurera une mission de conciliation mais sera également dotée d’un pouvoir d’information et d’enquête.
Ainsi, la procédure devant l’Autorité se décomposera en trois étapes :
A l’issue de cette procédure, une sanction financière proportionnée à la gravité du manquement pourra être infligée. Le montant de l’amende pourra alors atteindre 1% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, voire 6% en cas d’infractions répétées.
De plus, dans un souci de coopération entre régulateurs, l’ARCOM pourra échanger des informations avec l'Autorité de la concurrence, notamment lorsqu'elle sera consultée pour avis sur des projets de concentration et de fusion dans le secteur de l'audiovisuel.
A cet égard, l’ARCOM devrait être amenée à traiter « d’importants dossiers » dès sa naissance à l’image du projet de fusion TF1/M6, annoncé pour la fin de l’année 2022.
L’ARCOM est donc amenée à devenir l’organe central dans la régulation de la communication, susceptible d’entrainer un possible recul du rôle du juge judiciaire au profit du juge administratif, alors que ce premier est constitutionnellement gardien des libertés individuelles.
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[1] Loi n°2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère économique