Par HAAS Avocats
Le 13 avril 2022, la DGCCRF sanctionnait la société Amazon Services Europe pour ne pas s’être mise en conformité concernant certaines clauses « déséquilibrées et non conformes dans les contrats avec les vendeurs tiers de la plateforme Amazon.fr ».
En effet, la DGCCRF l’avait précédemment enjoint de respecter l’article L. 442-1 I 2° du code de commerce ainsi que le Règlement (UE) 2019/1150 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne.
La société Amazon Services Europe ne s’étant pas intégralement mise en conformité avec l’injonction qui lui avait été notifiée, la DGCCRF lui avait demandé « de procéder rapidement à des changements dans ses conditions contractuelles, en modifiant les clauses non-conformes avant le 22 mars 2022, sous astreinte de 90 000 euros par jour de retard. ».
Dans son communiqué de presse du 7 décembre 2022, la DGCCRF indique, que « face à une remise en conformité tardive au 28 avril 2022, AMAZON doit désormais s’acquitter du paiement d’une astreinte de 3,33 millions d’euros ».
La persistance d’un déséquilibre significatif entre AMAZON et les vendeurs de la marketplace
Cette injonction faisait suite à une enquête du Service National des Enquêtes (SNE) de la DGCCRF, dans le prolongement du jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 septembre 2019.
En l’espèce, il avait été mis en évidence la persistance de dispositions contractuelles dans le contrat « Amazon Services Europe Business Solutions » et des Politiques des programmes conclus avec les vendeurs tiers sur la plateforme « amazon.fr » qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Par ce jugement, le Tribunal de commerce de Pari avait déjà sanctionné AMAZON au paiement d’une amende de 4 millions d’euros, en raison de pratiques jugées « anticoncurrentielles » car créant un « déséquilibre significatif » entre la marketplace et ses vendeurs.
Les clauses visées prévoyaient notamment :
- La possibilité pour Amazon de modifier le contrat à « tout moment », de manière discrétionnaire et sans avoir besoin d’en notifier le vendeur tiers ;
- La possibilité pour Amazon d’interrompre la fourniture des produits ou de résilier le contrat avec effet immédiat ;
- L’existence de KPI considérés comme constitutifs d’un déséquilibre, dans la mesure où ils n’étaient pas clairement identifiables pour le vendeur et susceptibles de changer sur simple décision d’Amazon ;
- L’exonération de responsabilité d’Amazon au regard des produits des vendeurs tiers hébergés dans ses propres entrepôts, a été jugée comme déséquilibrée, car elle devait s’appliquer même lorsque le manutentionnaire ou le dépositaire était en faute.
Pour autant, la DGCCRF n’avait pas indiqué précisément quelles dispositions contractuelles déséquilibrées perduraient encore dans les contrats d’AMAZON.
En tant qu’opérateur de plateforme en ligne, il convient de soumettre aux vendeurs référencés sur votre Marketplace un contrat équilibré, conforme à la réglementation applicable et aux dernières réformes entrées en vigueur. De nombreuses sanctions sont régulièrement prononcées par la DGCCRF à ce sujet. |
La non-conformité des contrats d’AMAZON avec le règlement P2B
L’enquête réalisée par le SNE a également mis en évidence plusieurs non-conformités au Règlement européen (UE) 2019/1150.
Pour rappel, le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, plus connu sous le nom de Règlement « P2B » pour « Platform to Business » est entré en application le 12 juillet 2020.
Ce Règlement impose aux opérateurs de plateforme d’intermédiation à destination de consommateurs et référençant des professionnels de prévoir l’ensemble des mesures suivantes :
- Encadrer les relations contractuelles entre le fournisseur du service d’intermédiation et les entreprises utilisatrices de ses services ;
- Renforcer les obligations de loyauté des fournisseurs de services d’intermédiation ;
- Imposer une transparence relative au fonctionnement de leurs services et de leurs plateformes ;
- Améliorer les procédures de règlement des différends entre les fournisseurs de services d’intermédiation et les professionnels utilisant leurs services (les vendeurs référencés).
Ainsi, l’opérateur de plateforme en ligne sera tenu d’appliquer ces principes dans le cadre du contrat le liant à ses vendeurs, et de revoir notamment les clauses relatives à la modification à la suspension et à la résiliation du contrat.
De plus, ces obligations vont être renforcées avec le DMA (Digital Market Act) le DSA (Digital Service Act) . |
Le durcissement de la régulation applicable aux opérateurs de plateforme en ligne
Cette nouvelle sanction prononcée par la DGCCRF à l’encontre d’AMAZON, intervient dans un contexte de durcissement de la régulation applicable aux marketplaces ainsi que des pouvoirs de la DGCCRF.
Un durcissement des sanctions de la DGCCRF
Récemment, l’ordonnance du 22 décembre 2021, qui transpose la directive OMNIBUS du 27 novembre 2019, a notamment augmenté le quantum de plusieurs infractions, telles que :
- Tout manquement aux obligations d'information précontractuelle[1];
- Le recours à des clauses abusives par un professionnel qui, dans les contrats proposés ou conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels continue de recourir, dans des contrats identiques à ce type de clauses[2];
- La présence d’une ou de plusieurs clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs[3];
- Tout manquement aux obligations d'information prévues[4];
- Tout manquement aux obligations de confirmation du contrat et, le cas échéant, du support choisi par le consommateur[5].
Cette ordonnance, qui vient durcir les obligations de transparence pour protéger les consommateurs, est entrée en vigueur le 28 mai 2022. Son application sera contrôlée par la DGCCRF. |
Un durcissement des contrôles de la DGCCRF
Dans le cadre de leur mission de protection économique du consommateur et de la libre concurrence avec conscience, les agents de la DGCCRF sont habilités à enquêter, contrôler et enjoindre un professionnel de se conformer à ses obligations ou à cesser tout agissement illicite ou à supprimer toute clause illicite ou interdite.
La DGCCRF a déjà usé de son pouvoir d’injonction à l’encontre d’autres plateformes pour qu’elles modifient leurs conditions contractuelles. C’est dans ce contexte que Cdiscount et Rue du Commerce avaient supprimé au sein de leur politique contractuelle une clause litigieuse dite d'« alignement tarifaire » qui imposait que les vendeurs pratiquent sur la plateforme les mêmes conditions tarifaires que sur d’autres canaux de ventes.
Dans certains cas, la DGCCRF peut même directement saisir les juridictions françaises comme en témoigne l’assignation déjà de plusieurs sociétés du groupe d’Amazon par le ministre de l’Economie en juillet 2017 devant le Tribunal de commerce de Paris.
Dans d’autres cas, la DGCCRF peut transmettre ses conclusions d’enquête à l’autorité de poursuite. L’exemple du site vente-privée.com pour d’éventuelles annonces de prix trompeuses est significatif.
De plus, en cas d’infraction au droit de la consommation commise :
- A partir d’une interface en ligne (soit « tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finaux d’accéder aux biens ou aux services qu’il propose ») ; et si,
- L’auteur de l’infraction ne peut être identifié ou qu’il n’a pas déféré aux injonctions,
la DGCCRF peut enjoindre l’opérateur de la plateforme d’afficher un message avertissant les consommateurs sur les risques encourus en accédant au contenu illicite ou encore prendre toute mesure utile pour faire cesser le référencement des adresses électroniques des plateformes en ligne dont les contenus sont manifestement illicites ou à en limiter l’accès.
Enfin, la DGCCRF pourra ordonner aux opérateurs de registre et aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d’un nom de domaine, d’une durée maximale de trois (3) mois, pouvant être suivie, en cas de persistance de l’infraction, de la suppression ou du transfert du nom de domaine à l’autorité compétente.
Cette sanction a notamment été prise à l’encontre de la plateforme Wish, récemment sanctionnée pour ne pas avoir satisfait à ses obligations, malgré une première injonction de la DGCCRF en juillet 2021. Son inaction a ainsi conduit au déréférencement de son site.
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[1] Article L131-1-1 du Code de la consommation
[2] Article L241-1-1 du Code de la consommation
[3] Article L241-2 du Code de la consommation