Par Gérard Haas et Irene Corne
A propos de : Cour de cassation - Deuxième chambre civile, 10 juin 2021 / n° 20-11.987
Le 10 juin 2021, la Cour de cassation a rendu un arrêt réitérant sa position selon laquelle le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte au secret des affaires qu’à condition que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Cette décision est l’occasion de revenir sur la récente loi du 30 juillet 2018, venue renforcer le secret des affaires, qui constitue une opportunité majeure pour les entreprises de protéger certains actifs immatériels qui ne l’étaient pas auparavant.
La loi du 30 juillet 2018 est venue renforcer la protection du secret des affaires en droit français. Conformément à l’article L. 151-1 du Code de commerce, pour qu’une information soit protégée au titre du secret des affaires, celle-ci doit répondre à trois critères :
Cette loi, encore trop méconnue, est une évolution incontournable pour les entreprises et la valorisation de leur patrimoine immatériel dans la mesure ou certains actifs immatériels ne bénéficiaient jusqu’à lors d’aucune protection (par exemple au titre d’un brevet). Désormais, si les critères sont réunis, ces actifs immatériels peuvent être protégés sur le fondement du secret des affaires. Ainsi, peuvent notamment bénéficier d’une telle protection les informations liées à la technologie qui ne peuvent être brevetées ou ne peuvent bénéficier du droit d’auteur, tels que les algorithmes.
La loi prévoit trois types de sanctions en cas d’atteinte au secret :
Le secret des affaires n’est toutefois pas sans limite, certaines atteintes légitimes pouvant lui être portées. Il peut notamment se heurter au droit à la preuve. Ainsi, le secret des affaires n’empêche pas l’application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile, qui autorise le juge à prononcer des mesures d’instruction préventive « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ».
Néanmoins, pour qu’une telle mesure soit valide et que le secret puisse être levé, certaines conditions doivent être réunies.
C’est ce qu’est venue rappeler la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 juin 2021.
La société de conseil Neovia se plaignant de faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet a saisi le président d’un tribunal de commerce de plusieurs requêtes sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile afin que soient ordonnées des mesures d’instruction in futurum au siège social du cabinet concurrent Thebaide, à savoir l’autorisation de la copie des études de droits à la retraite. Se fondant sur le secret des affaires, la société Thebaide a formé une demande de rétractation de l’ordonnance de mesures d’instruction, que la Cour d’appel a rejetée au motif que les documents ciblés n’étaient pas couverts par un secret d’ordre professionnel et que les mesures ordonnées apparaissaient nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante, la société Neovia.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel, confirmant ainsi sa position en la matière, à savoir que le secret des affaires n’empêche pas la mise en œuvre de mesures d’instruction préventive mais seulement à la condition que ces mesures soient légitimes, nécessaires et proportionnées au but poursuivi. Plus encore, la Cour d’appel ne peut pas simplement constater qu’il n’y a pas d’atteinte disproportionnée, elle doit le justifier.
En tout état de cause, en vue de valoriser leur patrimoine et d’éviter toute menace à l’encontre d’informations ayant une valeur commerciale importante, il est primordial pour les entreprises de veiller à la mise en œuvre de stratégies afin que leurs actifs immatériels jusqu’à lors non protégés par les outils classiques, puissent bénéficier de la protection au titre du secret des affaires.
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