Par Claire Benassar et Jessica Moraly
Les jeux d'argent et de hasard, autorisés en vertu de l'article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure, demeurent selon le législateur « ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire »[1].
A ce titre, les communications publicitaires dans ce secteur font l'objet d'un encadrement strict aux fins de prévenir tout risque d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social.
A cet égard, dans la continuité de l’ordonnance du 2 octobre 2019[2], la deuxième version de la Recommandation « Jeux d’argent » de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la publicité (ARPP) est applicable depuis le 1er septembre 2022.
Celle-ci vient amender la recommandation précédemment publiée en 2009, et préciser les règles que les professionnels ont choisi de se donner concernant la publicité des jeux d’argent[3] autorisés sur le marché français et le contenu des messages publicitaires qui en font la promotion.
Aussi, la Recommandation concerne notamment les annonceurs, agences et autres médias, l’ARPP mentionnant aussi expressément les influenceurs et créateurs de contenus auxquels les opérateurs ont régulièrement recours dans le cadre de collaborations commerciales.
Conformément à la Recommandation, les influenceurs devront ainsi être particulièrement respectueux d’objectifs relatifs à la protection des consommateurs, ainsi que des mineurs, mais aussi des valeurs sociales.
L’ARPP impose 3 impératifs :
De deux choses l’une : si l’annonceur officiellement habilité par les autorités françaises à commercialiser le jeu dont il est fait la promotion doit être aisément identifiable pour le consommateur, il en est de même pour la nature publicitaire du message diffusé.
En effet, la nature publicitaire du message doit être d’emblée non équivoque pour le consommateur.
Dans l’hypothèse où le caractère publicitaire du message serait manifeste, il ne serait toutefois pas nécessaire de prévoir d’éléments supplémentaires d’identification. Dans le cas contraire, une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle devra en principe être adjointe par l’influenceur au message publicitaire.
La communication publicitaire ne doit pas être de nature à induire le consommateur en erreur sur l’offre réellement proposée et/ou sur l’entreprise à l’origine de l’offre.
Toute communication publicitaire numérique doit être conforme aux principes de la concurrence loyale, tels qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucun message publicitaire ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter à la publicité.
Dans un avis du 18 janvier 2022, le Conseil Paritaire de la Publicité (CPP) s’est nettement prononcé en faveur d’un « jeu responsable ».
A cet égard, l’ARPP précise que la publicité en faveur des jeux d’argent ne doit pas valoriser, banaliser ou inciter à une pratique du jeu excessive, immodérée ou susceptible de mettre le joueur en péril financier, social ou psychologique.
La mise en avant d’offres promotionnelles par un influenceur doit en ce sens faire preuve de « modération, de transparence et de bonne information du consommateur, notamment en matière de contrepartie et/ou engagement attendu de sa part ».
A ce titre, l’ARPP dresse une liste des différentes pratiques à proscrire au sein de sa Recommandation.
Le CPP, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) et l’ARPP confèrent un attachement absolu à la protection des mineurs, lesquels ne sont pas autorisés à jouer en France.
C’est à ce titre que, suivant l’avis du CPP, l’ARPP a modifié l’emplacement de la partie dédiée à la protection des mineurs au sein de la Recommandation afin de la placer en priorité dans le texte, et l’a par la même enrichie.
Si la publicité des jeux d’argent ne doit pas s’adresser aux mineurs, le contenu même du message publicitaire doit être pensé dans un objectif de protection de ce public particulièrement sensible.
Notamment, au-delà de l’interdiction de faire figurer des mineurs – même accompagnés d’adultes – en situation d’achat ou de pratique du jeu dans les publicités, l’ARPP a prévu un engagement de la part des opérateurs pour que les personnes apparaissant dans les messages publicitaires aient un âge supérieur à 25 ans[4].
Cette règle doit nécessairement s’appliquer, selon le CPP, à toute personne présentée en situation d’achat ou de pratique du jeu, y compris les influenceurs, proscrivant ainsi toute publicité en faveur de jeux d’argent par des créateurs de contenus de moins de 25 ans.
Par ailleurs, l’influenceur ne devra pas utiliser d’éléments visuels, sonores, verbaux ou écrits, ou des personnalités, personnages, réels ou imaginaires, rendant la communication spécifiquement attractive pour des jeunes publics, ou encore présenter les jeux d’argent comme des signes du passage à l’âge adulte ou comme un cadeau qu’un enfant peut offrir ou recevoir.
Si la nouvelle version de la Recommandation de l’ARPP reprend une part importante des préconisations antérieures[5], elle vient porter une attention toute particulière au travail et à la réussite professionnelle.
En effet, elle prévoit que toute communication en faveur des jeux d’argent ne doit en aucun cas « dévaloriser l’effort, le travail, les études, par rapport au jeu ».
A ce titre, avant publication de la Recommandation, le CPP avait déjà relevé que les valeurs sociales et sociétales étaient essentielles, la publicité́ des jeux d’argent ne devant ainsi pas, en particulier en parlant des gains et de leur utilisation potentielle, remettre en cause les valeurs fondamentales partagées, comme le travail.
Aussi, les membres du CPP considèrent que la publicité́ ne peut pas faire croire que le jeu d’argent dispenserait d’une façon ou d’une autre de travailler pour vivre.
A ainsi été introduite une nouvelle notion clé, la « réussite sociale », laquelle recouvre la « réussite sentimentale, sexuelle, la gloire, le pouvoir, l’admiration des tiers, [et] les signes ostentatoires de richesse matérielle qui seraient démesurés », la publicité ne devant pas présenter le jeu comme le moteur d’une telle réussite.
En dépit des règles édictées par cette nouvelle Recommandation, le CPP considère que son efficacité et son applicabilité à tous dépend nécessairement de la systématisation des bilans de son application et, en présence de manquements d’importance relevés, de l’instauration d’un système de contrôle préalable par l’ARPP des campagnes de publicité sur les jeux d’argent.
Dans l’attente, le CPP recommande aux opérateurs de jeux d’argent de faire appel, dans le cadre de collaboration commerciale, exclusivement à des influenceurs ayant obtenu le Certificat de l’Influence responsable de l’ARPP.
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[1] Article L.320-2 du code de la sécurité intérieure
[2] L’ordonnance n°2019-1015 du 2 octobre 2019 est venue donner à l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) la compétence d’accompagner, par une approbation annuelle, la stratégie promotionnelle des opérateurs et le pouvoir de retrait des communications commerciales après leur diffusion. Le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l’ANJ a à ce titre inséré dans le code de la sécurité intérieure deux articles D. 320-9 et D. 320-10, visant à interdire les communications commerciales pouvant inciter à une pratique excessive ou pathologique de jeu, et celles susceptibles de conduire les mineurs à jouer.
[3] Cette Recommandation s’applique aux publicités pour les jeux d’argent, assortis de gains monétaires ou en nature, fondés entièrement ou partiellement sur le hasard ou l’incertitude d’un résultat, que ces jeux soient accessibles en ligne ou bien « en dur ». Toutefois, elle ne s’applique pas aux loteries publicitaires visées par l’article L.121-36 du code de la consommation, ni aux jeux d’argent et de hasard prohibés par l’article L.320-1 du code de la sécurité intérieure.
[4] Sont en revanche exclus de cette règle les sportifs de haut niveau majeurs (membres d’une équipe, d’un club ou d’une fédération sportive dont l’activité est professionnelle, et jockeys et drivers qui participent aux courses hippiques).
[5] Notamment, les publicités ne peuvent présenter la famille ou les relations sociales comme secondaires par rapport au jeu, elles ne peuvent inciter à des comportements incivils, violents voire illicites, ou encore exploiter des sentiments de peur ou de souffrance.