Par Haas Avocats
Google gère la plateforme d'intermédiation publicitaire « AdSense », permettant aux éditeurs de sites Internet de diffuser des publicités liées aux recherches en ligne. La Commission européenne avait identifié trois clauses anti-concurrentielles dans les contrats d'AdSense (une clause d'exclusivité, une clause de placement et une clause d'autorisation préalable) qui, selon elle, avaient pour but d'évincer les intermédiaires concurrents et de maintenir la position dominante de Google sur le marché.
Le 20 mars 2019, la Commission européenne avait sanctionné Google d’une amende de près de 1,5 milliards d'euros considérant que ces abus constituaient une infraction unique et continue à l'article 102 du TFUE, couvrant la période du 1er janvier 2006 au 6 septembre 2016.
Le 18 septembre 2024, le Tribunal de l'Union européenne a annulé la décision de la Commission européenne et a précisé les circonstances à prendre en compte pour évaluer l'effet d'éviction des clauses contractuelles, notamment celle imposant une obligation d'approvisionnement exclusif.
Pour rappel, l’article 102 du TFUE interdit les abus de position dominante. La position dominante est déterminée en fonction d’un marché pertinent.
Dans ce cadre, pour déterminer si Google détenait une position dominante, la Commission européenne avait retenu et défini deux marchés pertinents :
La dimension géographique de ce marché est nationale, en raison des spécificités linguistiques et culturelles qui influencent le comportement des opérateurs sur ce marché.
La dimension de ce marché s'étend à l'ensemble de l'Espace économique européen (EEE), car les opérateurs peuvent adapter leurs services en fonction des spécificités linguistiques et culturelles des États membres ou des parties contractantes à l'Accord EEE.
Sur la base de ces deux marchés pertinents, la Commission européenne avait retenu que :
Cette clause exigeait que les partenaires directs concernés fassent l’acquisition de la totalité ou de la majorité de leurs besoins en publicité liée aux recherches auprès de Google.
Cette clause exigeait que les partenaires directs réservent les meilleurs emplacements sur leurs pages affichant des résultats de recherche couvertes par les CPSG en cause à un nombre minimum de publicités liées aux recherches de Google.
Cette clause exigeait que les partenaires directs obtiennent l’autorisation de Google avant de modifier l’affichage des publicités liées aux recherches concurrentes sur les sites web identifiés dans les CPSG en cause.
Selon la Commission européenne, ces clauses ont restreint la concurrence en empêchant l'accès des concurrents à une partie significative du marché et en dissuadant les partenaires d'acquérir des publicités concurrentes.
Le Tribunal a validé la définition des marchés pertinents retenue par la Commission. Il a considéré que cette distinction était essentielle pour comprendre les dynamiques concurrentielles spécifiques à chaque segment. La publicité liée aux recherches en ligne concerne les annonces affichées en réponse à des requêtes de recherche, tandis que l’intermédiation publicitaire implique des plateformes facilitant la vente d'espaces publicitaires.
En ce sens, le Tribunal a souligné que la Commission avait correctement pris en compte divers facteurs pour établir la substituabilité des produits et services en question.
Cependant, le Tribunal a critiqué la Commission pour ne pas avoir suffisamment démontré que les clauses litigieuses avaient effectivement restreint la concurrence.
Le Tribunal a relevé que la Commission ne pouvait pas se limiter à constater, afin d’établir une infraction à l’article 102 du TFUE, que la clause d’exclusivité imposait aux partenaires de s’approvisionner exclusivement auprès de Google pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins en services d’intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne.
Elle devait démontrer que la clause d’exclusivité avait la capacité de restreindre la concurrence, en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce et, notamment, déterminer si le taux de couverture de la clause était suffisant pour lui permettre de produire un effet d’éviction.
Aussi, le Tribunal a retenu que la Commission ne pouvait pas examiner la couverture de la clause d’exclusivité et celle de la clause de placement de manière isolée l’une de l’autre sans méconnaitre leur contexte factuel et juridique et fragmenter artificiellement l’examen de la couverture du marché.
Le Tribunal a également souligné que dans le cadre de son analyse la Commission n'avait tenu compte ni de la durée des contrats conclus avec les partenaires, ni des droits de résiliation unilatérale de ces derniers ce qui aurait pu influencer l'effet d'éviction des clauses.
Le Tribunal conclut que la Commission a commis des erreurs analogues dans son analyse de l’effet d’éviction de la clause de placement de la clause d’autorisation préalable.
Dans ces conditions, le Tribunal considère que les erreurs relevées entachent l’ensemble des restrictions identifiées par la Commission, qui n’a pas suffisamment démontré que les clauses litigieuses avaient la capacité de produire l’effet d’éviction observé.
Par conséquent, elle n’a pas prouvé que ces clauses constituaient une infraction à l’article 102 TFUE, ce qui a conduit le Tribunal à annuler la décision dans son intégralité.
***
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement personnalisé : le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.