Droits voisins : Google écope d'une amende de 500 millions d’euros

Droits voisins : Google écope d'une amende de 500 millions d’euros
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Par Eve Renaud-Chouraqui

Moins de deux mois après une sanction de 220 millions d’euros prononcée par l’Autorité de la concurrence à l’encontre de Google pour des pratiques mises en œuvre sur le marché du display, le gendarme de la concurrence français prononce une nouvelle sanction, cette fois-ci à hauteur de 500 millions d’euros, pour non-respect de plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de l’affaire dite des droits voisins.

Pour mémoire, la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique et la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 ont abouti à la création d’un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Ainsi, en cas de reprise de leurs publications, ces derniers disposent de la faculté de négocier une rémunération avec les plateformes d’agrégation des contenus en ligne (soit sur la base de l’assiette des recettes réalisées, soit de manière forfaitaire).

Google avait immédiatement cherché à contourner cette rémunération, en informant les éditeurs et agences de presse du fait qu’il n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit.

Différents syndicats avaient alors saisi l’Autorité de la concurrence, considérant que Google mettait en œuvre des conditions de vente défavorables, discriminatoires et que ces pratiques étaient constitutives d’un abus de position dominante

Le 9 avril 2020, l’Autorité de la concurrence avaient considéré que les pratiques mises en œuvre par Google étaient susceptibles de caractériser un abus de position dominante et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse.

Elle avait prononcé, à titre de mesures conservatoires, diverses injonctions dont celles :

  • de négocier de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse en faisant la demande, pendant une période de 3 mois à compter de celle-ci et,
  • de lui communiquer toutes informations nécessaires au suivi de l’évaluation transparente de la rémunération.

Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Paris par arrêt du 8 octobre 2020.

Le non respect des injonctions prononcées par l'autorité de concurrence

A l’issue d’une mesure contradictoire approfondie, l’Autorité de la concurrence a été amenée à conclure que Google n’avait pas respecté certaines des injonctions prononcées, au rang desquelles :

  • L’obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par l’article L218-4 du Code de la propriété intellectuelle[1] et selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires.

De manière plus spécifique, Google aurait :

  • Imposé unilatéralement que les négociations portent sur un partenariat global (via un nouveau service dénommé Showcase, auquel doivent adhérer les éditeurs et agences de presse) ;
  • Cherché à réduire le champ de la négociation, en limitant la rémunération aux revenus publicitaires des pages Google Search, à l’exclusion de ses autres services ;
  • Refusé de négocier avec les éditeurs de presse ne disposant pas d’une certification « Information Politique et Générale », ce qui constituerait une interprétation limitative et de mauvaise foi de l’article L218-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
  • Refusé le bénéfice de la rémunération de leurs contenus à l’AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse, alors que celles-ci peuvent prétendre à la rémunération pour leurs droits voisins.

  • L’obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due».

En application de l’article L218-4 du Code de la propriété intellectuelle, les plateformes doivent « fournir aux éditeurs de presse tous les éléments d’information relatifs aux utilisations de publication de presse par leurs usagers ainsi que tous les éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due et de sa répartition ».

Selon l’Autorité de la concurrence, la communication exigée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle aurait été réalisée de manière :

  • partielle (limitée aux seuls revenus publicitaires directs générés par le service Google Search) ;
  • tardive (réalisée quelques jours avant la fin du délai de 3 mois fixé) ;
  • insuffisante (ne permettant pas aux éditeurs de faire le lien entre les revenus tirés et les propositions financières globales émises).
  • L’obligation de neutralité sur les modalités d’indexation, de classement et de présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services Google au cours des négociations relatives aux droits voisins.

Selon l’Autorité de la concurrence, Google aurait manqué à son obligation de neutralité en « liant la négociation sur la rémunération au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin à la conclusion d’autres partenariats pouvant avoir un impact sur l’affichage et l’indexation des contenus des éditeurs et agences de presse ».

Ainsi, son nouveau service Showcase incite les éditeurs à accepter des conditions contractuelles et renoncer à une négociation, pourtant imposée par le biais d’injonctions, afin de maintenir leur visibilité par rapport à leurs concurrents qui, eux, auraient accepté les conditions proposées par Google.

  • L’obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins vis-à-vis de tout autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse.

Selon l’Autorité de la concurrence, Google aurait associé les discussions liées à la rémunération à celles sur son nouveau service Showcase et aurait également entendu lier la participation à ce programme à la souscription d’un nouveau service (lequel permet à Google de bénéficier de nouveaux avantages, via un prélèvement au profit de Google d’un pourcentage des flux financiers perçus par l’éditeur au titre des abonnements souscrits).

Google écope d'une sanction de 550 millions d'euros

La sanction prononcée est à l’image de la gravité des manquements constatés.

Selon l’Autorité de la concurrence, le comportement de Google ne peut s’analyser qu’en une stratégie d’opposition à l’application des droits voisins aux fins d’en minimiser au maximum les effets.

En plus de la sanction de 550 millions d’euros, l’Autorité de la concurrence enjoint Google de :

  • Proposer une offre de rémunération conforme à la loi pour l’utilisation des contenus protégés sur les services de Google ;
  • Fournir les informations prévues à l’article L218-4 du Code de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire une estimation des revenus totaux générés en France par l’affichage de contenus, en indiquant la part des revenus générés par l’éditeur ou l’agence de presse.

L’Autorité de la concurrence a assorti ces injonctions d’une astreinte de 300.000 euros par jour de retard, à l’expiration d’un délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée par chacune des saisissantes[2].

Google devra justifier du respect de la décision dans le cadre des rapports qu’il doit transmettre (en application des injonctions précédemment prononcées dans le cadre de la décision du 9 avril 2020). A défaut, il s’expose à une astreinte de 900.000 euros par jour de retard.

Cette nouvelle décision est le témoin du suivi de l’Autorité de la concurrence quant à ses précédentes décisions. Elle est surtout la preuve de l’activité importante de l’Autorité dans le secteur du numérique et dans la régulation des pratiques anti-concurrentielles mises en œuvre par les GAFA qui la placent en fer de lance des autorités européennes de la concurrence.

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Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département dédié à l’analyse des pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence mises en œuvre dans le domaine du digital (analyse d’impact, actions de remédiation, gestion des risques, assistance devant l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF et représentation devant les juridictions judiciaires).

Le Cabinet est naturellement à votre entière écoute pour toutes problématiques que vous pourriez rencontrer.

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[1] « La rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l'exploitation de toute nature, directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement, notamment dans les cas prévus à l'article L. 131-4.

La fixation du montant de cette rémunération prend en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l'information politique et générale et l'importance de l'utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.

Les services de communication au public en ligne sont tenus de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d'information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d'information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition ».

[2] L’astreinte sera donc appréciée séparément pour chacune des négociations.

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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