Par Haas Avocats
Le contrat de franchise repose sur un équilibre : le franchiseur met à disposition son savoir-faire, son image de marque et son réseau, une opportunité pour le franchisé de bénéficier d'un modèle d'affaires éprouvé et d'une notoriété préexistante, augmentant ainsi ses chances de succès commercial. En contrepartie, le franchisé s’engage à respecter des obligations strictes destinées à préserver l’intégrité du système.
Parmi ces obligations, la clause de non-concurrence occupe une place centrale. Instrument de protection légitime des intérêts du franchiseur, elle ne saurait toutefois constituer une entrave excessive à la liberté d’entreprendre du franchisé.
Dès lors, comment concilier la protection du réseau et le droit du franchisé à préparer son avenir professionnel ?
Franchisé et non-concurrence : jusqu’où va l’interdit ?
En matière de franchise, la clause de non-concurrence vise à empêcher le franchisé de concurrencer directement son « ancien » réseau, soit pendant la durée du contrat, soit après sa résiliation pour une période déterminée.
L’objectif est clair : éviter qu’un franchisé ne s’approprie le savoir-faire du réseau et n’ouvre un établissement concurrent dès son indépendance retrouvée. Toutefois, cette clause est soumise à des conditions strictes : elle doit être limitée dans le temps et l’espace, et proportionnée à la protection des intérêts légitimes du franchiseur.
Mais alors, qu’en est-il lorsqu’un franchisé anticipe la fin de son contrat et prépare sa future activité concurrente ? C’est précisément ce qu’a dû trancher la Cour de cassation dans un arrêt récent.
L’arrêt Adhap : préparer, ce n’est pas encore concurrencer
Dans une décision du 19 mars 2025, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur l’application de la clause de non-concurrence en franchise.
L’affaire opposait la société Adhap, spécialisée dans l’assistance à domicile, à l’un de ses franchisés, accusé d’avoir entrepris des démarches préparatoires à la création d’une activité concurrente avant l’expiration du contrat.
Le franchiseur soutenait que ces actes préparatoires constituaient une violation de la clause de non-concurrence ainsi que de l’obligation de loyauté et de bonne foi contractuelles.
La Cour de cassation a toutefois estimé que tant qu’aucune activité concurrente effective n’était exercée avant la fin du contrat et de la période de non-concurrence, le franchisé ne pouvait être considéré comme ayant enfreint ses obligations.
En d’autres termes, la simple anticipation d’une reconversion professionnelle ne saurait être assimilée à une concurrence prohibée.
L'arrêt soulève ainsi une question intéressante : comment délimiter précisément la frontière entre actes préparatoires et concurrence effective ?
Cette distinction semble reposer principalement sur le moment où la commercialisation débute :
- Si le franchisé commence à vendre ou à promouvoir activement des produits ou services dans le cadre de son projet concurrent, cela constituera une concurrence effective ;
- En revanche, si ses actions se limitent au dépôt de marques ou à la recherche de financements, il s'agira uniquement d’actes préparatoires.
L'arrêt Adhap illustre cette nuance : bien que le franchisé ait informé des clients potentiels et promu son projet sur les réseaux sociaux, aucun produit ou service n'a été effectivement commercialisé. Ces démarches bien qu'indiquant une préparation avancée, ne peuvent pas être considérées comme de la concurrence effective.
Entre anticipation et concurrence : la frontière à ne pas franchir
Cette décision rappelle ainsi aux franchiseurs qu’ils ne peuvent pas exiger une fidélité absolue au-delà des termes du contrat. La clause de non-concurrence n’interdit pas de penser l’après-franchise, elle empêche seulement que cette transition ne commence trop tôt.
Pour les franchisés, elle constitue une clarification précieuse : il leur est permis d’organiser leur transition professionnelle, à condition de ne pas démarrer une activité concurrente avant la fin du contrat. Cependant, la prudence demeure de mise : une implication trop manifeste dans les préparatifs pourrait être perçue comme une tentative de contournement, susceptible d’être sanctionnée.
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L’arrêt Adhap illustre la nécessité d’un juste équilibre entre la protection du réseau et la liberté d’entreprendre.
In fine si la préparation d’un projet futur est légitime, elle ne doit pas interférer de manière prématurée avec les obligations contractuelles. Cette décision invite les parties à rester attentives à la frontière entre préparation et action. Une chose est sûre : en matière de franchise, tout est une question de timing !
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