Par Gérard HAAS et Aurélie PUIG
Google, Apple, Facebook et Amazon sont les géants du numérique dont la puissance grandissante inquiète. La critique du pouvoir des GAFA est devenue politique : Elizabeth Warren en a fait sa campagne pour les primaires présidentielles démocrates de 2020.
Le problème dans les pratiques des GAFA, c’est leur capacité à imposer un « way of life » à leurs utilisateurs. Google fait d’ailleurs l’objet d’une enquête par les procureurs généraux américains, au vu de certaines pratiques de la plateforme qui engendraient une « diminution du choix des consommateurs. »
La solution qui émerge serait de « casser » le monopole en séparant les activités, comme cela avait déjà été fait avec AT&T en 1982. AT&T est un opérateur de télécommunications américain qui a été démantelé. Son activité « appel longue distance » a été séparée des autres.
Mais démanteler les GAFA est une hypothèse qui soulève beaucoup d’interrogations.
Les GAFA sont très critiqués quant à leurs pratiques jugées anticoncurrentielles. Aux Etats-Unis, les procureurs généraux de 50 états et territoires américains ont lancé une enquête pour abus de position dominante à l'encontre de Google, en septembre 2019.
En effet, ces derniers estiment que les géants du net abusent de leur position dominante, notamment dans la publicité en ligne (Google détient plus de 90% du marché des moteurs de recherche), l’e-commerce (Amazon), et les applications mobiles (Apple).
En rachetant leurs concurrents, à l’instar de Facebook avec Instagram et WhatsApp, les GAFA monopolisent le marché et nuisent à l’innovation. Observons cependant que ce rachat d’entreprises a pourtant été autorisé par les autorités compétentes. Certes, Instagram et WhatsApp ne réalisaient pas un gros chiffre d’affaires quand elles ont été rachetées, mais elles ont permis à Facebook de cumuler presque 3 milliards d’utilisateurs et c’est à ce titre que leur rachat aurait pu être bloqué.
Observons également que les GAFA servent la puissance américaine et les Etats-Unis sont dans une guerre économique pour la domination mondiale avec la Chine.
En Chine, l’équivalent des GAFA s’appelle les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi), toutefois, la question de leur démantèlement ne se pose évidemment pas. Démanteler les GAFA contribue à vouloir laisser la place aux géants numériques chinois, pourquoi le faire ?
Ainsi Facebook a par exemple répliqué que son envergure lui permettait non seulement de tenir tête aux concurrents chinois, mais également d’investir dans la sécurité.
Les américains ont une doctrine peu interventionniste dans le milieu des affaires, et notamment, de la concurrence. En effet, ils privilégient les bénéfices que le consommateur final peut tirer d’une libre concurrence, comme des prix de plus en plus bas.
Si aujourd’hui Instagram, Facebook, ou Google sont gratuits, c’est parce que ces géants récoltent des données personnelles sur leurs utilisateurs. Or, ces données sont des informations qui valent leur pesant d’or. Les GAFA ne sont donc pas « gratuits » en soi, ils sont même largement bénéficiaires dans le « troc » des données contre l’utilisation de leurs services. Services qui se dégradent si on prend en compte la multiplication des publicités ciblées. Ainsi, la doctrine démontrant que les monopoles bénéficient au consommateur final, s’effondre.
C’est pourquoi, le département de la Justice américaine a lancé une enquête sur les GAFA sur d’éventuels abus de position dominante.
En droit, ce n'est pas la position dominante qui est sanctionnée mais le comportement abusif de l'entreprise ou du groupe d'entreprises qui la détient.
La question de la mise en œuvre du découpage de ces grandes sociétés numériques pose problème, et les résultats qui en découleraient restent incertains.
Pour démanteler un groupe américain, il faut soit que celui-ci ait été sanctionné dans une procédure antitrust car le groupe aurait enfreint le droit de la concurrence, soit qu’une loi spécifique rende cela possible.
C’est dans cette dernière hypothèse que la sénatrice américaine Elizabeth Warren souhaite agir. Elle propose de faire voter un texte qui interdirait aux propriétaires de « plateform utilities » (plateforme réalisant plus de 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires) d’y développer une activité (comme c’est le cas avec Google, Google Maps, Google shopping etc.)
Soulignons que trois procédures fédérales ont été ouvertes contre Apple et Google, et une enquête est en cours sur Facebook. Mais il faudra prouver que les entreprises en question ont eu des comportements abusifs, faussant le jeu de la concurrence.
Si démanteler n’est pas la meilleure solution, interdire leur extension dans certains domaines, tels que la monnaie et la santé, doit être envisagé sérieusement afin de limiter leur influence. En effet, cette année, Facebook lance son propre projet de cryptomonnaie : « Libra ».
La surpuissance des GAFA inquiète également l’Europe. Elle avait déjà sanctionné Google en 2018 d’une amende de 4,3 milliards d’euros pour abus de position dominante. La plateforme avait forcé les fabricants de smartphones à installer son système d’exploitation et son moteur de recherche.
Le Règlement européen pour la protection des données à caractère personnel (RGPD) est entré en vigueur le 25 mai 2018 et a retoqué à ce titre les GAFA. La CNIL a notamment sanctionné Google d’une amende record de 50 millions d’euros.
Mais que pèsent ces amendes face à 700 milliards de dollars de chiffre d’affaires ? Elles restent peu dissuasives.
Démanteler ne nous semble pas être la meilleure solution, en revanche, la piste de réduction de pouvoir et d’influence doit être engagée. Il en va de la souveraineté numérique européenne.
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