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Facebook dans la tourmente : que lui reproche-t-on exactement ?

Rédigé par Gérard HAAS | Oct 20, 2021 8:36:47 AM

Par Gérard Haas et Eve Renaud-Chouraqui 

Le mois d’octobre 2021 est peut-être le « mensis horribilis » de Facebook.

La société n’avait pas connu de crise aussi importante depuis l’affaire Cambridge Analytica en 2018.

Après la panne générale ayant affecté ses services (empêchant toute utilisation des services pendant une durée inégalée de plus de 6 heures), Facebook est désormais au centre de virulentes critiques, accusé de privilégier « le profit à la sureté ».

Facebook au centre de virulentes critiques 

La lanceuse d’alerte, Frances Haugen, a fait une série de révélations fracassantes au sein des fameux « Facebook Files »[1].

Auditionnée par le Sénat américain, elle reproche à son ancien employeur[2] de fermer les yeux sur les conséquences néfastes de l’utilisation de ses réseaux sociaux, notamment sur un public de jeunes adolescents.

Plus précisément, elle dénonce les pratiques suivantes :

  • Un changement d’algorithme intervenu en 2018, qui aurait incité des comptes à miser sur des contenus à fort impact médiatique pour susciter des réactions ;
  • Parallèlement, le programme dénommé « XCheck » aurait permis à des personnalités publiques de publier des contenus contraires aux règles du réseau social, sans toutefois être censurées ;
  • Le projet d’une version d’Instagram à destination des moins de 13 ans, alors que Facebook serait conscient des conséquences néfastes de l’utilisation des réseaux pour les jeunes adolescentes (phénomène d’addiction) ;
  • L’incapacité de Facebook à modérer certains comptes créés dans des pays émergeants qui seraient utilisés par des trafiquants de drogue ou d’êtres humains.

La lanceuse d’alerte indique que Facebook aurait parfaitement connaissance de ces dysfonctionnements, la société disposant de nombreux rapports internes procédant à une analyse poussée de ceux-ci.

Ainsi, Facebook sait que 32% des adolescentes estiment qu’Instagram leur a donné une image négative de leurs corps et de leur statut social.

Sur l’algorithme et le programme « XCheck », Facebook dispose de rapports :

  • Soulignant le fait que « la désinformation, la toxicité et le contenu violent » seraient « excessivement représentés dans les publications partagées» ;
  • Indiquant que la pratique de publication de contenus contraires aux règles internes par les personnalités publiques serait « non défendable publiquement».

Allant plus loin, Frances Haugen indique que Facebook n’aurait pas la volonté d’y remédier. Si, dès 2020, des équipes internes avaient remonté les difficultés et proposé de remédier à la flambée de désinformation et de la violence, Marc Zuckerberg aurait, dans un premier temps, refusé la proposition avant de revoir, à la marge, sa position lors des émeutes du Capitole.

L’impact de ces révélations a été terrible outre-Atlantique. Certains comparent désormais les pratiques de Facebook à celle de l’industrie du tabac dans les années 70.

La lanceuse d'alerte Francès Haugen demande une régulation de Facebook

Ce parallèle est fait également par la lanceuse d’alerte qui indique que Facebook aurait adopté les mêmes techniques que l’industrie du tabac, afin de populariser ses réseaux auprès d’un jeune public, le rendre accroc à ses réseaux, tout en dissimulant les effets nocifs de leur utilisation au grand public.

Lors de son audition, Frances Haugen a plaidé pour une régulation de Facebook afin d’imposer une transparence sur son fonctionnement et contrôler l’usage des algorithmes de classement des contenus.

Notons que Frances Haugen a également déposé 8 plaintes devant le gendarme américain de la bourse (SEC – Securities and Exchange Commission), considérant que Facebook aurait trompé ses investisseurs sur les discours haineux, l’impact de l’utilisation de ses réseaux sur les adolescents et le nombre réel de comptes.

Face à la virulence des critiques, la réaction de Facebook a été assez timide. Marc Zuckerberg a réagi indiquant « au cœur de ces accusations réside l’idée que nous privilégions les profits plutôt que la sécurité et le bien-être. Ce n’est tout simplement pas vrai ».

Le porte-parole de Facebook, tout en essayant de décrédibiliser la légitimité de Frances Haugen[3], a néanmoins concédé la nécessité de réguler le fonctionnement d’internet : « Malgré tout, nous sommes d’accord sur une chose. Il est temps de créer de nouvelles règles sur le fonctionnement d’Internet (…) Cela fait vingt-cinq ans que ces règles n’ont pas été mises à jour et au lieu de demander à l’industrie de faire des choix de sociétés, il est temps pour le Congrès d’agir ».

Ces révélations arrivent au pire moment, dans un contexte mondial de réflexion sur la nécessité de réguler les GAFAM et de les démanteler.

Elles ne seront pas non plus sans conséquence en Europe dans le contexte des projets de règlements Digital Market Act (DMA) et Digital Services Act (DSA), lesquels visent à réguler les plateformes numériques structurantes (gatekeeper) et contrôler les contenus aux fins de protection du consommateur.

Frances Haugen est considérée par de nombreux intervenants comme fournissant un témoignage sérieux.

Future Snowden des réseaux sociaux ? L’avenir nous le dira.

Néanmoins, les pratiques interrogent sur la responsabilité des réseaux sociaux au regard de l’impact qu’ils ont pris dans nos vies quotidiennes.

Une régulation est nécessaire, c’est certain. Il reste maintenant à déterminer comment et par quels moyens.

La réponse devrait se dessiner prochainement.

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Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département dédié à l’analyse des pratiques anti-concurrentielles et restrictives de concurrence mises en œuvre dans le domaine du digital (analyse d’impact, actions de remédiation, gestion des risques, assistance devant l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF et représentation devant les juridictions judiciaires).

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[1] Lesquels ont, dans un premier temps, été publiés dans le cadre d’une série d’articles du « Wall Street Journal » entre le 13 septembre 2021 et le 3 octobre 2021.

[2] Frances Hauguen a travaillé pendant 2 ans au sein de Facebook dans une équipe dédiée au suivi du contre-espionnage.

[3] Il a, en effet, été déclaré : « Aujourd’hui un sous-comité du Sénat a tenu une audience avec une ancienne directrice produits chez Facebook, qui a travaillé dans le groupe pendant moins de deux ans, ne dirigeait pas d’équipe et n’a jamais participé à une réunion avec des cadres dirigeants du groupe. Et a elle-même déclaré à six reprises qu’elle ne travaillait pas sur le sujet en question ». Précisons que Frances Haugen est diplômée d’Harvard, a travaillé chez Google, Yielp avant d’entrer chez Facebook pour intégrer l’équipe « civic integrity » en charge de la lutte contre la désinformation et les discours de haine (équipe dissoute en 2020).