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Exploitation de données : L’accès au téléphone du gardé à vue

Rédigé par Kate JARRARD | Jun 22, 2021 11:29:34 AM

Par Kate Jarrard et Noa Setti 

A propos de Cass. crim., 12 jan. 2021, no20-84.045

Par un arrêt en date du 12 janvier 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que des enquêteurs pouvaient obtenir d’une personne gardée à vue le code de déverrouillage de son téléphone, pour les besoins de son exploitation, sans que soit nécessaire la présence de son avocat.

En l’espèce, une information judiciaire a été ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé publique et association de malfaiteurs.

Dans le cadre de cette information, une femme a été placée en garde à vue, et a sollicité l'assistance d'un avocat, comme le lui permet l’article 63-3-1 du code de procédure pénale.

Au cours de cette mesure, un officier de police judiciaire a demandé à la personne gardée à vue le code d'accès à son téléphone et, après l’avoir obtenu, a consulté et exploité l’objet.

Le tout, hors la présence de son avocat.

Par la suite, celle-ci a été mise en examen des chefs mentionnés.

C’est dans ce contexte que l’avocat de la prévenue a présenté une requête en nullité du procès-verbal d'exploitation de son téléphone et de l'audition consécutive, pour violation des articles 63-3-1 et 63-4-2 du code de procédure pénale.

Sur la demande de communication du code de téléphone, sans la présence de l’avocat

Pour mémoire, ces deux articles disposent notamment que le gardé à vue peut demander aux enquêteurs l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et lors d’auditions et de confrontations.

Or, selon la cour d’appel, l'exploitation du téléphone de l'intéressée n'avait pas le caractère d'une audition dès lors que la personne n'avait fait aucune déclaration et qu'aucune question sur les faits pour lesquels elle était placée en garde à vue ne lui avait été posée.

Par ailleurs, la cour a considéré qu’il n’était pas rapporté la preuve d'une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, dès lors que ce droit ne s'étend pas à l'usage de données que l'on peut obtenir de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect.

Dès lors, les juges ont déclaré qu’il n’y avait pas lieu à annuler le procès-verbal d'exploitation du téléphone et de retranscription des résultats de cette exploitation.

Au vu de ces énonciations, la demanderesse a donc formé un pourvoi en cassation.

La tentative de qualification de la demande du code en « audition », nécessitant la présence d’un avocat

Au soutien de sa prétention, celle-ci a cité en substance les deux articles susmentionnés du code de procédure pénale, en rappelant que dès le début de la garde à vue, la personne gardée à vue peut demander à être assistée par un avocat et demander que celui-ci assiste à ses auditions et confrontations.

Or, et ainsi que l’aurait relevé la chambre de l’instruction de la cour d’appel, « les enquêteurs avaient extrait l'exposante de sa cellule avant de l'interpeller sur la nécessité de donner le code de déverrouillage de son téléphone pour permettre l'exploitation des données y figurant », et « sur cette interpellation [la requérante] a effectivement donné ledit code, sans l'assistance d'un avocat ».

Dès lors, pour la demanderesse, il se déduisait de ces faits que l'acte accompli par les enquêteurs relevait du régime de l'audition et nécessitait la présence de l'avocat, seul à même de garantir que la gardée à vue avait librement consenti à fournir ses codes d’accès.

Aussi, en déclarant que le procès-verbal d'exploitation du téléphone n’avait pas le caractère d'une audition et, partant, que la procédure de garde à vue était régulière, le tout aux motifs que la prévenue n'avait fait aucune déclaration et qu'aucune question ne lui avait été posée, la chambre de l'instruction n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et violé les articles 63-4-2 et 63-3-1 du code de procédure pénale.

Ainsi, la question à laquelle devait répondre la Haute juridiction était la suivante : la demande, par un officier de police judiciaire à une personne gardée à vue, de communication du code d’accès de son téléphone en vue de son exploitation, est-elle assimilable à une audition - nécessitant la présence de l’avocat de la personne sollicitée lorsqu’elle en a demandé l’assistance ?

L’exploitation du téléphone assimilable à une perquisition, ne nécessitant pas - encore - la présence d’un avocat

Pour la Cour de cassation, deux points sont déterminants :

  • Tout d’abord, « aucune disposition légale ne prévoit la présence de l'avocat lors de l'exploitation d'un téléphone portable, assimilable à une perquisition ».
  • Ensuite, « la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d'une information permettant l'accès à un espace privé préalablement identifié, qu'il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d'une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l'article 63-4-2 du code de procédure pénale ».

In fine, la Cour a donc tranché en faveur des enquêteurs et rejeté la requête en nullité du procès-verbal d'exploitation de son téléphone et de l'audition consécutive. 

Le raisonnement poursuivi est le suivant : la demande de communication du code de déverrouillage du téléphone d’un gardé à vue en vue,de son exploitation par un enquêteur, n’est pas une audition. Cette sollicitation s’inscrit dans le cadre de la perquisition, l’espace perquisitionné pouvant être dématérialisé (ordinateur, téléphone, etc.). Or, à ce jour, la présence d’un avocat n’est pas obligatoire lors d’une perquisition ; dès lors, le pourvoi doit être rejeté.

Si cette solution est sans surprise, il reste qu’elle doit être nuancée à l’aune du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. En effet, le 14 mai 2021, les députés ont voté un amendement créant un nouvel article 57-2 du code de procédure pénale autorisant la présence de l’avocat lors des perquisitions.

Son premier alinéa est à ce stade ainsi rédigé :

« Art. 57‑2. - Même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne, l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s’opposer à la présence de l’avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné, si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque celle-ci a déjà débuté. »

 

Affaire à suivre…

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