Par Gérard Haas et Marie Torelli
Alors qu’elle représentait 36% des parts de marché du commerce électronique en France, la société Amazon a fermé, depuis le 14 avril dernier, l’intégralité de ses entrepôts français.
Cette fermeture fait suite à deux décisions de justice enjoignant à Amazon de procéder d’une part à l’évaluation des risques que fait peser la poursuite de son activité sur ses salariés et, d’autre part, de restreindre ses services à la livraison de certains biens seulement (alimentaire, informatique…) et ce, afin de réduire l’affluence dans ses locaux.
Face à la multiplication des plaintes pour mise en danger d’autrui, cette jurisprudence particulièrement stricte permet de revenir sur la teneur des obligations qui s’imposent aux employeurs dans le contexte du COVID-19.
Suite à plusieurs visites de l’inspection du travail dans ses locaux, Amazon avait mis en place des mesures de prévention et de sécurité afin de limiter les risques de contamination parmi ses salariés.
Estimant que ces mesures n’étaient pas suffisantes, les organisations syndicales ont saisi le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Nanterre qui avait alors enjoint à Amazon de procéder à l’évaluation des risques pesant sur ses salariés et de ne traiter que les commandes de produits de première nécessité.
Le 24 avril dernier, la Cour d’appel de Versailles, statuant sur l’appel formé par Amazon, a confirmé l’ordonnance de référés du Tribunal de Versailles aux motifs que les risques pensant sur les salariés n’ont pas été correctement évalués tant sur le fond que sur la forme.
L’article L.4121-1 du code du travail impose aux employeurs de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger la santé physique et mentale de leurs salariés, ce qui implique, notamment, de mettre en place des mesures de prévention efficaces et d’adapter l’organisation du travail en conséquence.
A cette fin, l’article R.4121-1 du même code oblige l’employeur à tenir à jour le Document Unique d’Evaluation des Risques professionnels (DUER) qui répertorie les risques identifiés pour chacun des services de son entreprise et permet de prendre les mesures correctrices qui s’imposent.
La Cour constate qu’Amazon a effectivement pris de nombreuses mesures afin de protéger ses salariés :
Toutefois, pour la Cour, ces mesures ont été prises en dehors de tout cadre d’ensemble puisque les DUER des établissements n’avaient pas été mis à jour. Elles sont également incomplètes dès lors que certains salariés n’avaient pas été informés de leur mise en place, qu’ils n’avaient reçu aucune formation et que des risques pour leur santé physique persistaient.
Alors même que les salariés avaient fait part à Amazon de leur détresse et du climat anxiogène résultant de la crise sanitaire, la Cour d’appel constate qu’« aucune démarche n’avait été initiée par l’employeur pour modifier les DUER au regard des risques psycho-sociaux ».
Pour la Cour, Amazon, qui aurait dû adopter une démarche pluridisciplinaire afin d’envisager l’ensemble des risques pesant sur son personnel, a donc manqué à son obligation de protéger la santé mentale de ses salariés.
L’article L.2312-14 prévoit l’obligation pour l’employeur de consulter le CSE avant toute décision et, a fortiori, avant de mettre à jour le DUER.
Ainsi, selon la Cour d’appel il était non seulement nécessaire pour Amazon d’amender le DUER pour répertorier les risques liés au COVID-19, mais également de le faire « en concertation avec les salariés, en particulier les membres de chaque CSE d’établissement ».
Si elle n’était pas tenue de le faire, Amazon a fermé l’ensemble de ses entrepôts français en raison du montant de l’astreinte prononcé par la Cour d’appel de Versailles.
En effet, selon Amazon, « l’astreinte, telle que précisée par la Cour d’Appel, pourrait impliquer que même un taux infime de traitement accidentel de produits non-autorisés, de l’ordre de 0,1%, pourrait entraîner une pénalité de plus d'un milliard d'euros par semaine. ».
Les commandes continueront toutefois d’être honorées à partir des sites d’autres pays européens.
En effet, à l’étranger, Amazon, qui indique que ses entrepôts sont sûrs, n’a pas cessé ses activités.
Aux Etats-Unis, par exemple, la société a équipé ses entrepôts de caméras thermiques afin de détecter les porteurs potentiels du virus. En cas de signalement positif à la camera, Amazon procède ensuite à une seconde prise de température via un thermomètre frontal pour confirmer le résultat de l’analyse de la camera.
Si vous souhaitez mettre en place des mesures destinées à protéger vos salariés des risques liés au COVID-19, voici nos recommandations :
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